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Logement : dans l’enfer des expulsions locatives

La trêve hivernale des expulsions locatives s’est achevée, comme tous les ans, le 31 mars. Depuis, en France, des dizaines de milliers de personnes vivent dans la crainte et l’angoisse de devoir quitter leur logement suite à des difficultés financières ayant entraîné des impayés de loyer. Y compris à Vénissieux, ville populaire par essence.


En France, selon les dernières chiffres de la Fondation Abbé Pierre, quelque 140 000 personnes sont, depuis le 1er avril et la fin de la trêve hivernale, menacées d’être expulsées de leur logement. Et ce, pour de multiples raisons, qui parfois se cumulent : fragilités de leur santé physique ou mentale, maladie, perte d’emploi, séparation, méconnaissance de leurs droits, dysfonctionnements d’une administration dématérialisée…

« La Fondation Abbé Pierre redoute une forte hausse des expulsions locatives à l’avenir, alors qu’elles ont déjà augmenté de 52 % en 10 ans alors que l’accès au logement est de plus en plus difficile, explique-t-on à la Fondation. Le nombre de ménages expulsés s’ajoute aux 330 000 personnes sans domicile fixe, aux 2,6 millions de demandeurs de logement social et aux 93 000 ménages prioritaires DALO non relogés. »

« Il y a beaucoup de personnes qui sont en attente d’un logement social ou qui sont prioritaires Dalo, qui devraient être relogées et qui sont toujours dans l’attente des mois ou des années après, constate Marie Rothhahn, responsable de la lutte contre la privation des droits à la Fondation Abbé Pierre. La situation est donc catastrophique. »

150 ménages assignés en 2023 à Vénissieux
Vénissieux, ville populaire par essence, n’est pas épargnée par ces expulsions locatives et les menaces qu’elles engendrent pour les familles. Les contacts avec le CCAS (Centre communal d’action sociale, qui permet de bénéficier d’un suivi par un assistant social) sont chaque année plus nombreux. Idem, à la Maison de la Métropole. En 2023, il y a eu 150 ménages assignés en justice. 38 expulsions ont été programmées, et 25 ont fait l’objet d’un accord de concours de la force publique. Neuf expulsions ont été réalisées.

Alors, le 29 mars, quelques jours avant la fin de la trêve hivernale, Michèle Picard, maire de Vénissieux, a de nouveau pris des arrêtés interdisant les expulsions locatives, les coupures d’énergie et les saisies mobilières sur le territoire de la commune. « La crise du logement, la crise économique et la crise sociale, font basculer toujours plus de femmes, d’enfants, d’hommes, dans la précarité, observe Michèle Picard. 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, 12 millions souffrent de précarité énergétique. Des milliers de ménages n’arrivent plus à manger à leur faim, confrontés à l’hyperinflation des produits de première nécessité et à la flambée des prix de l’énergie.  Avec la reprise des expulsions locatives, des milliers de familles vont vivre de nouveau dans la terreur et l’angoisse de plonger dans la spirale de l’exclusion. Le logement est un droit fondamental, essentiel pour créer une réelle cohésion sociale et briser les inégalités. »
Le maire de Vénissieux ne se fait cependant pas d’illusion : dans les jours qui viennent, le préfet demandera sans doute — il le fait chaque année — au tribunal administratif de casser ces arrêtés, estimant à nouveau qu’ils outrepassent le pouvoir de police du maire. Mais Michèle Picard assume de mener un « combat qui n’est pas que symbolique », espérant « un jour obtenir gain de cause ».

Car les associations sont unanimes : l’expulsion locative constitue un événement traumatique majeur dans une vie, dont les conséquences dépassent la simple période de difficultés financières. « Quelle qu’en soit la cause, l’expulsion représente une rupture personnelle, confirme la Fondation Abbé Pierre. Un à trois ans plus tard, 32 % des ménages n’ont toujours pas retrouvé un vrai logement et vivent encore à l’hôtel ou chez un tiers. 29 % des personnes interrogées n’ont pas pu poursuivre leur activité professionnelle à cause de l’expulsion. Par ailleurs, le moment de l’expulsion génère des conséquences psychologiques sur le long terme : 71 % des personnes interrogées ont des problèmes de santé ou des difficultés psychologiques liés à cette douloureuse expérience. »

Et les plus jeunes restent les premières victimes : 80 % des familles interrogées par la Fondation Abbé Pierre confient l’impact direct sur leur bien-être, et 43 % ont constaté un effet sur leur scolarité de leurs enfants.

Jamais sans toit : l’école comme refuge


Le collectif Jamais sans toit, présent à Vénissieux, se mobilise en occupant des écoles afin de venir en aide aux élèves et à leurs familles qui se retrouvent sans logement.
« Des enfants dorment ici ! Un toit, c’est un droit », peut-on lire sur la banderole accrochée au portail de l’école Gabriel-Péri. Depuis deux semaines, une famille avec cinq enfants est accueillie dans l’établissement scolaire. Deux autres familles, dont les petits sont scolarisés à l’école Flora-Tristan, dorment quant à elles dans la rue.

Un rassemblement a été organisé, jeudi 4 avril, devant la mairie, afin d’alerter sur la situation de ces personnes. « Ces dernières années, nous avons été confrontés à de nombreuses familles qui se retrouvent à la rue, témoigne Deborah Salesse, directrice de l’école maternelle Flora-Tristan. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique, mais parce que c’est nous qui, le soir, faisons face à ces familles qui vont dormir dehors. Nous sommes là pour les soutenir, c’est un engagement humain, et nous nous sentons seuls. »

Le collectif Jamais sans toit affirme que dans la Métropole de Lyon, le nombre d’élèves sans logement a augmenté de 40 % par rapport à l’année dernière et de plus de 240 % par rapport à 2022. Au total, ils seraient près de 320 enfants à dormir dans la rue. « C’est une situation très inquiétante et cela risque de ne pas s’améliorer », alerte Baptiste Barrès, enseignant qui a rejoint Jamais sans toit.
Créé à Lyon il y a dix ans, ce collectif, composé de membres de la communauté éducative et de parents d’élèves, occupe des écoles afin de venir en aide aux élèves et à leurs familles qui se retrouvent à la rue. Ils retrouvent alors un toit, le temps que les pouvoirs publics leur trouvent un logement pérenne.
« L’idée est venue d’une enseignante qui a souhaité se mobiliser pour dénoncer cette situation, explique Baptiste Barrès. À la base, c’était une solution radicale. » Pourtant, depuis sa création, le collectif affirme avoir occupé près de 160 écoles dans la métropole. Pour l’enseignant, ces occupations se sont banalisées aux yeux de la Préfecture : « Elle prend ça comme une solution, dit-il. Mais ce n’est pas le cas, ce n’est pas acceptable. Une école est faite pour apprendre, pas pour y dormir. Les différents gouvernements n’ont eu de cesse de casser le droit au logement et cela a fait beaucoup de mal aux personnes les plus précaires. »

Ces conditions de vie intolérables pour des enfants sont aussi traumatisantes, comme le démontre l’enseignant : « Je me souviens qu’un de mes collègues avait retrouvé son élève frigorifié un matin. Il n’arrivait pas à travailler. Ils sont en danger permanent, c’est inadmissible que des enfants soient confrontés à ça. »

Poutchie Gonzales


Avec le réseau d’alerte et de solidarité de vénissieux : « Une expulsion, c’est un moment affreux »

André Mazuir, porte-parole du Réseau d’alerte et de solidarité de Vénissieux

Cheville ouvrière de la lutte contre les expulsions locatives à Vénissieux, le Réseau d’alerte et de solidarité est, ces derniers jours en particulier, aux aguets. « Avec la fin de la trêve hivernale, tout se bouscule, note André Mazuir, infatigable porte-parole de l’association. Localement, cinq expulsions sont d’ores et déjà programmées : une au foyer Adoma (boulevard de Jodino), une boulevard Lénine, une route de Vienne, une dans le quartier Pyramide, et une autre au Moulin-à-Vent. »
Avec des situations parfois ubuesques. « Nous avons le cas d’une dame de 89 ans, qui habite une maison depuis 1982, raconte André Mazuir. Comme elle ne sait ni lire, ni écrire, elle a confié à sa fille le soin d’acheter cette maison en son nom, en 1996. Elle lui faisait une totale confiance, mais quelques années plus tard, elle a compris que tous les papiers avaient été mis au nom de sa fille. Elle a déposé une plainte pour abus de faiblesse et sa fille veut maintenant l’expulser, alors même qu’elle lui verse un loyer de 400 euros par mois ! »
Ou encore cette dame de 67 ans qui vit dans un appartement insalubre, touchant le RSA et une faible pension de reversion, dont le bailleur a obtenu l’expulsion en justice suite à des impayés de loyer. « L’appartement était dans un tel état que l’eau coulait en permanence dans la salle de bain et la cuisine. Elle a eu de très importantes factures pour cette raison. Il y a aussi des rats chez elle. Quand nous lui avons annoncé que son expulsion était à venir, elle a fait une crise nerveuse, raconte une militante du Réseau. Nous avons eu très peur, peur qu’elle mette sa vie en danger, peur qu’elle ne fasse une crise cardiaque. On a fait venir les pompiers… Vraiment, une expulsion, c’est affreux, on ne souhaite à personne de vivre un tel moment. Prochainement, nous irons au siège du bailleur pour plaider sa cause et tenter de trouver une solution amiable. »
Pourtant, les membres du Réseau le regrettent : souvent, lorsque les personnes en difficulté contactent l’association, il est (presque) trop tard. « Il faut intervenir, réagir, le plus tôt possible dans la procédure, souligne André Mazuir. À Vénissieux, en plus du Réseau, le CCAS peut intervenir, aider, tout comme la Métropole avec le FSL (Fond solidarité logement). De notre expérience, localement, les menaces d’expulsion concernent souvent des femmes qui élèvent seules leurs enfants et qui n’ont pas ou plus assez de ressources pour payer leurs loyers, pourtant faibles. Mais plus tôt nous sommes impliqués, comme d’autres acteurs de la solidarité ou du social, plus nous avons de chances de trouver un arrangement avec le bailleur. »
« Dans la Métropole de Lyon, il y a au moins 18 000 logements vacants, et rien n’est fait pour les utiliser en faveur des personnes expulsables, regrette le militant. Les hébergements d’urgence et le 115 sont saturés. La loi DALO* n’est pas respectée. Pire : la loi anti-squat Kasbarian-Bergé ** criminalise des personnes déjà en grande situation de précarité. En France, le tableau est noir concernant le droit le plus élémentaire : celui d’avoir un toit au-dessus de la tête, de ne pas dormir dehors avec des enfants. »

* DALO : le Droit opposable au logement consacre le droit au relogement de toutes les personnes menacées d’expulsion et de bonne foi.
** Loi Kasbarian-Bergé : cette loi durcit les sanctions contre l’occupation sans droit ni titre de logements et locaux commerciaux.

Bon à savoir : les étapes d’une procédure d’expulsion

– En cas d’impayés de loyer et en l’absence de solution à l’amiable entre le locataire et le bailleur, le propriétaire est en droit de demander à un commissaire de justice d’adresser à l’occupant du logement un commandement de payer. Un compte à rebours commence alors : le locataire dispose d’un délai de six semaines pour régulariser sa situation.
–  S’il y parvient, la procédure s’arrête et le bail poursuit son cours. En revanche, si le locataire n’est pas en mesure de rembourser ce qu’il doit, le bailleur peut l’assigner en justice. Une audience se tient alors au tribunal, à l’issue de laquelle le juge décide soit d’accorder un délai de paiement sans résiliation du bail, soit l’expulsion de l’occupant.
– La procédure d’expulsion se matérialise alors par un commandement de quitter les lieux. Dans la plupart des cas, le juge accorde un délai de deux mois pour le faire — les personnes les plus précaires peuvent cependant bénéficier d’un délai de grâce. Une fois ce délai écoulé, le commissaire de justice se présente au domicile afin de demander au locataire de quitter les lieux. Si l’occupant refuse toujours de s’exécuter, le préfet peut accorder le concours des forces de l’ordre.

 

Que faire en cas de menace d’expulsion ?

Dans la plupart des cas, il est dans l’intérêt du bailleur comme du locataire, d’éviter l’expulsion d’un logement en cas de défaut de paiement du loyer. C’est pourquoi il est recommandé, lorsque des difficultés pour payer son loyer apparaissent, de contacter le propriétaire du logement afin de chercher un arrangement à l’amiable, si besoin en s’appuyant sur un assistant social, qui pourra jouer un rôle de médiateur. À Vénissieux, vous pouvez aussi contacter le Réseau d’alerte et de solidarité ou le CCAS.
Vous avez reçu un commandement à payer des mains d’un huissier, qui vous intime de vous acquitter de votre dette dans un délai de deux mois sous peine d’annulation du bail ? Là encore, vous avez tout intérêt à vous rapprocher de votre propriétaire ou de l’huissier afin de négocier un délai.
En l’absence d’accord ou de paiement de la dette de loyer, vous pouvez être convoqué par un juge, qui va examiner votre cas. Lors de l’audience, veillez à présenter des solutions pour solder vos impayés de loyer (tout en payant le loyer courant), afin d’avoir une chance de rester dans les lieux. N’oubliez pas qu’en tant que locataire en difficulté, vous pouvez bénéficier d’une aide personnalisée au logement (APL), qui sera versée directement au bailleur. Vous pouvez aussi proposer au bailleur de baisser votre loyer jusqu’à ce que votre situation financière s’améliore, et d’étaler la dette afin qu’il récupère son dû. Notez, enfin que si une procédure de surendettement est en cours, le juge peut vous accorder des délais et des modalités de paiement du loyer, tout en prononçant la suspension des effets de la clause de résiliation du bail de plein droit.

Contacts utiles

CCAS de Vénissieux : 0472214444
Maison de la Métropole de Lyon – Le Coralin : 04 28 67 15 00
Maison de la Métropole de Lyon – Parilly : 04 28 67 29 90
Maison de la Métropole de Lyon – Renan : 04 28 67 30 50
Maison de la Métropole de Lyon – Vénissy : 04 28 67 13 60
Réseau d’alerte et de solidarité de Vénissieux : 04 72 50 12 81

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