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Chauffage urbain : la force du réseau

Depuis 2015, le réseau de chaleur urbain de Vénissieux/Saint-Fons intègre plus d’énergies renouvelables que d’énergies fossiles. Son développement s’accélère, poussé par la volonté politique des élus locaux comme du Gouvernement. Les abonnés, toujours plus nombreux, s’y retrouvent sur leur facture. Et le bouquet énergétique, de plus en plus vertueux, influe positivement sur la qualité de l’air.

La chaufferie historique de la ville, aux Minguettes, utilise de plus en plus d’énergies renouvelables. (Photo d’archives Raphaël Bert)

Chaque année, des ouvriers sont appelés à creuser de profondes tranchées pour y enfouir des centaines de mètres de canalisations. Progressivement, le réseau de chaleur urbain de Vénissieux étend ses tentacules pour alimenter les réseaux secondaires qui font fonctionner les radiateurs et les ballons d’eau chaude sanitaire des bâtiments.

Il parcourt à ce jour 38,4 km dans les sous-sols de la ville. Son périmètre ne se limite plus à Vénissieux. La “colonisation” du voisin Saint-Fons a été lancée en février 2022. Deux bâtiments saint-foniards (Concerto et le Palais des sports) et 166 foyers sont reliés. Il est désormais question d’alimenter les immeubles de l’éco-quartier Carnot-Parmentier (430 logements), le théâtre et le futur collège intercommunal Katia-Kraft à l’horizon 2027, par le biais d’une extension de 4,3 km.

À ce jour, le réseau vénissian est le deuxième plus grand des sept que compte la Métropole de Lyon. Ses huit chaudières sont en mesure de distribuer 127 GWh (gigawattheures) à 14 460 équivalents logements. En 2030, il devrait pouvoir en chauffer 3 500 de plus.

Factures allégées

À Vénissieux, le réseau de chaleur est constitué de près de 40 kilomètres de tuyaux. (Photo d’archivres Raphaël Bert)

L’expansion du réseau de chaleur urbain est un sujet consensuel chez les élus municipaux et métropolitains de tous bords politiques : tous voient d’un bon œil la multiplication des raccordements sur leur territoire. Quant aux abonnés – résidents, syndics de copropriété, bailleurs sociaux, établissements privés comme publics –, ils s’y retrouvent. Grâce à l’introduction du bouquet énergétique, leur facture mensuelle est moins salée que celle des clients chauffés exclusivement à l’électricité ou au gaz.

En 2023, le coût annuel du chauffage et de l’eau chaude sanitaire pour un logement vénissian type (70 m2, trois personnes) était de 1 283 euros TTC. Une somme bien inférieure que pour un chauffage au fioul collectif (2 211 euros), à l’électrique individuel (1 813 euros) et même au gaz collectif (1 541 euros). De plus, depuis 2015, la part d’énergies renouvelables est supérieure à 50 % et, par conséquent, permet d’appliquer à l’abonné un taux de TVA réduit (5,5 %) sur la fourniture de chaleur.

Des subventions en hausse

Pour permettre à Dalkia (Groupe EDF), le délégataire de service public, d’investir dans ce dispositif, les pouvoirs publics se montrent incitatifs. Le Fonds Chaleur de l’État garantit des subventions de plus en plus conséquentes : de 200 millions de dotations l’année de sa création en 2009, ce fonds devrait atteindre 800 millions d’euros en 2024.

En témoigne également l’aide de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), qui a récemment financé plus de la moitié de la nouvelle chaufferie du parc de l’Arsenal (6,5 millions d’euros, pour un investissement de 12,3 millions d’euros) via ce Fonds Chaleur.

100 % d’énergies renouvelables et de récupération en 2050

Pour comprendre le caractère incitatif des pouvoirs publics, il suffit d’analyser la nature des combustibles utilisés dans les chaufferies urbaines. Les gestionnaires recourent de plus en plus au bois de chauffage, une ressource peu onéreuse et guère polluante. Le biogaz et la valorisation des déchets complètent généralement un “mix énergétique” de plus en plus vertueux.

« De l’énergie 100 % fossile, on est passé aux deux tiers d’EnR&R (énergies renouvelables et de récupération, ndlr), expliquait Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la Métropole de Lyon (EELV) chargé de l’énergie et des réseaux de chaleur, lors du comité annuel des usagers, le 21 novembre dernier. Aujourd’hui, quand on raccorde, on évite que cela soit au gaz. Nos réseaux sont de plus en plus vertueux. On va tendre vers du 70-75 % d’EnR&R dès 2026. L’objectif est d’atteindre le 100 % en 2045-2050 dans l’optique de la neutralité carbone. »

À Vénissieux, le taux d’EnR&R restait dernièrement en deçà des objectifs. De 50,1 % en 2021, il a grimpé à 56,6 % en 2022. Selon Dalkia, il devrait atteindre 61 ou 62 % cette année. Pour fiabiliser la production biomasse, 1,6 million a été investi en trois ans. « Ces chiffres sont anormalement bas, fait remarquer Pierre-Alain Millet, adjoint municipal (PCF) au développement durable. On reste loin de l’objectif contractuel. Depuis des années, le réseau rencontre des difficultés techniques. »

L’exploitant Dalkia invoque des problèmes de casse de matériel et de tuyauterie. « On a surtout eu des souci avec deux chaudières en 2021, justifie Julien Damian, responsable de l’unité opérationnelle de la chaufferie de Vénissieux. Cela a entraîné des arrêts de longue durée, de l’ordre de six mois. Nous avons engagé de gros travaux durant l’été 2022. Cela a payé car nous avons aujourd’hui un taux de disponibilité de 90 %. »

Un contrat protecteur

Le contrat souscrit avec Vénissieux Énergies (Dalkia) protège les usagers. (Photo Emmanuel Foudrot)

Toujours est-il que les usagers ne sont pas pénalisés. En effet, la facturation se base sur une mixité énergétique contractuelle et non réelle. Elle est fixée à 63 % (54,7 % de bois et 8,3 % de traitement de la valorisation énergétique). « Ce contrat protège les abonnés, note Pierre-Alain Millet. Mais lorsque le prix du gaz monte à 150 euros le mégawattheure, le délégataire mange bon et doit payer la différence ! »

Ce contrat atténue également les effets de la suppression du bouclier tarifaire pour le gaz, effective fin juillet 2023, ainsi que la hausse de l’accise sur les gaz naturels. Cette taxe est passée de 8,45 euro à 16,37 euros le mégawatteure le 1er janvier 2024. « Le bouclier pèse sur les défenses publiques, rappelle Pierre-Alain Millet. Quant au vendeur de gaz, il touche le pactole. »

Après avoir atteint un sommet à 170 €/MWh (prix PEG) sur le marché de gros en août 2022, le cours du gaz est redescendu à ses niveaux plus habituels en 2023, jusqu’à se stabiliser à 34 euros en décembre dernier. « J’ai du mal à imaginer le gaz descendre en dessous de 30 euros, confie Philippe Guelpa-Bonaro. Mais même autour de 30-35 euros, le réseau reste compétitif. Dès que le cours reste au-dessus de 20 euros, c’est intéressant. Sans oublier l’aspect environnemental ! »

Un bouquet énergétique de plus en plus vert

Photo Emmanuel Foudrot

Depuis l’incorporation du bois énergie en 2005, le chauffage urbain de Vénissieux consomme une part d’énergies renouvelables et de récupération de plus en plus conséquente.

Dès 1969, la chaufferie historique de la ville, basée près de la place du marché, aux Minguettes, fonctionnait au fioul et au gaz. Le bois déchiqueté y a été introduit en 2005. Ses trois chaudières bois assurent une puissance totale de 18 MW. Dans le bouquet énergétique, la combustion de biomasse représentait 34 % de la production d’énergie en 2022.

L’équipement, actuellement le troisième plus gros de l’agglomération, dispose d’autres outils. Dont trois chaudières gaz d’appoint (28 % de la production). Le fioul domestique (2 %) n’est utilisé que pour l’écrêtage, par très grand froid ou en cas de défaillance d’autres unités.

La cogénération, caractérisée par la production combinée de chaleur et d’électricité à partir de gaz, fait aussi partie du “mix”. « Pour la cogénération, nous arrivons en fin de contrat en 2027, précise Didier Fangeat, responsable de l’unité réseaux de chaleur et de froid urbain à la Métropole. Dès lors, nous consommerons moins de gaz au profit de la biomasse. »

Des déchets comme combustibles

Depuis le 1er mars 2023, un nouvel équipement alimente le réseau public. La chaufferie de la rue André-Sentuc, dans le secteur Gabriel-Péri, abrite une chaudière bois de 6,6 MW, ainsi qu’une chaudière gaz d’appoint.

Le réseau de Vénissieux possède un autre atout. Celui d’être connecté au gigantesque réseau Centre Métropole, au niveau du Grand Parilly. Être relié avec cet imposant voisin lui permet d’importer de la chaleur issue de l’Unité de traitement et de valorisation énergétique des déchets (UTVE) de Gerland. Depuis 2019, cette usine d’incinération redistribue suffisamment d’énergie pour satisfaire l’intégralité des besoins en eau chaude sanitaire du réseau vénissian en été, à un prix compétitif.

Le bois, une ressource locale

Le bois énergie qui alimente les chaufferies biomasse de la Métropole est une ressource locale, prélevée dans un rayon de 100 km. « Le bois est issu d’exploitations forestières, déchiqueté sur place ou sur une plateforme, puis acheminé par camion, détaille Didier Fangeat. Ce peut être aussi du bois de recyclage, des palettes non-traitées, du bois d’élagage ou en provenance de scieries du Rhône et de Haute-Loire. »

21 immeubles raccordés en 2 ans

L’un des plus gros employeurs de la ville, le groupe Carso, fait partie des abonnés du réseau de chaleur.

À Vénissieux, dix immeubles ont été raccordés en 2022. Les nouveaux programmes immobiliers sont privilégiés, à l’image de trois lots du Grand Parilly. Le développement concerne aussi quatre immeubles de la ZAC de Vénissy, la résidence Alfa au centre-ville et Les Terrasses vénissianes, secteur Démocratie. Le service profite également aux allées impaires de la résidence Aulagne depuis leur réhabilitation.

En 2023, 11 bâtiments ont intégré la boucle. Soit 736 logements. Citons la résidence Horizon et Kubik Garden au centre-ville, ou encore la résidence Joseph-Muntz près du métro Parilly, en cours de réhabilitation, plus cinq nouveaux lots du Grand Parilly. Le lycée Hélène-Boucher fait également partie des nouveaux abonnés.

Parmi les historiques, on note trois gros établissements implantés sur le territoire municipal : le Groupe hospitalier Les Portes du Sud et son voisin, les laboratoires du Groupe Carso, ou encore le centre Afpa. Les établissements d’enseignement représentent 10 % de la part de la puissance souscrite. Parmi eux figurent les collèges Elsa-Triollet, Jules-Michelet et Paul-Éluard. Les bâtiments communaux consomment 5 % de la puissance totale. « Deux tiers des bâtiments municipaux sont raccordés », précise Pierre-Alain Millet. 76 % de cette puissance bénéficie aux logements.

Vénissieux Énergies, exploitant depuis 2015

Vénissieux Énergies, filiale de Dalkia, gère le réseau local depuis 2015 dans le cadre d’une délégation de service public pour une durée de 24 ans. Depuis le 1er janvier 2015, l’autorité compétente de ce réseau primaire est la Métropole de Lyon. En revanche, le réseau secondaire, dit “vertical”, qui monte dans les étages à partir de près de 200 sous-stations, est géré par le gestionnaire de l’immeuble.

Une pollution minime

Selon l’observatoire Atmo, le chauffage urbain de la Métropole de Lyon émet 7 mg/kWh de poussières. Des émissions infimes, même par rapport à une chaudière à bûches labellisée Flamme verte 5 étoiles (100 mg/kWh). À titre de comparaison, une cheminée ouverte émet 2 600 mg/kWh.

En décembre 2023, le réseau de Vénissieux/Saint-Fons a obtenu le label Écoréseau délivré par l’association Amorce. Cette récompense sanctionne les réseaux de chaleur sur la base de critères environnementaux, économiques et sociaux.

Quand l’industrie chauffe les Vénissians

L’entreprise Tokai Cobex s’apprête à valoriser l’énergie issue de sa production industrielle en l’injectant dans le réseau de chaleur urbain local.

Qu’il semble loin, le temps où les quatre vieilles cheminées en briques de Carbone Savoie (ex-Péchniney) recrachaient leurs épaisses fumées dans le ciel de Vénissieux ! Aujourd’hui, ce site industriel, qui aura marqué l’histoire de la ville, s’inscrit dans une démarche parfaitement dans l’air du temps. L’entreprise, désormais appelée Tokai Cobex Savoie, ne se contente plus de limiter sa pollution.

Cet acteur spécialisé dans le domaine du graphite synthétique et du carbone souhaite valoriser son énergie fatale (non-utilisée ou non-utilisable). Concrètement, Tokai Cobex injectera une partie de cette énergie dans les réseaux de chaleur de Vénissieux/Saint-Fons l’hiver et de Centre Métropole l’été. L’énergie résiduelle qui ne sera pas absorbée par le réseau sera revendue sous forme d’électricité.

« C’est un projet exceptionnel, se réjouit Pierre-Alain Millet, adjoint municipal et conseiller métropolitain. Ce site était l’un des plus polluants de France jusque dans les années 2000. Aujourd’hui, il est devenu l’un des plus propres d’Europe. Sa nouvelle cheminée blanche dispose d’un système de traitement qui récupère les fumées des fours. Le fait que Tokai Cobex vende sa chaleur au lieu de la disperser dans l’air est une vraie réussite. »

24 000 tonnes de CO2 en moins

Lors du conseil métropolitain du 11 décembre, au cours duquel cet avenant au contrat de délégation de service public (DSP) a été validé à l’unanimité, Philippe Guelpa-Bonaro a salué cette innovation : « La récupération de cette énergie fatale représentera 4 % du mix énergétique dès 2025, puis encore 4,9 % en 2028. Elle se substituera au gaz. Pour l’usager d’un logement moyen, au cours actuel des énergies, le gain sera de 25 euros sur la facture annuelle. »

En passant de 63 % à 72 %, le taux d’EnR&R permettrait au réseau local de diminuer ses émissions de dioxyde de carbone de l’ordre de 24 000 tonnes par an.

Éric Perez, conseiller métropolitain (EELV) et président du Syndicat de gestion des énergies de la région lyonnaise (SIGERLy), a souligné l’importance de cette ressource : « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des solutions d’énergies renouvelables et de récupération. Dans la Métropole, on propose des solutions pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles. »

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