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Aux origines de Parilly

Alors que l’ouverture d’Ikea signe l’acte de naissance du Grand-Parilly, plongeons dans les origines du quartier, que l’on appelait « Parelier » en ancien français. Où l’on apprend que Parilly doit beaucoup à l’Italie.

Alors que l’ouverture d’Ikea signe l’acte de naissance du Grand-Parilly, plongeons dans les origines du quartier, que l’on appelait « Parelier » en ancien français. Où l’on apprend que Parilly doit beaucoup à l’Italie.

1537. Une formidable armée traverse Parilly. Elle compte des milliers d’hommes, une nuée de chevaux et des processions de charrettes, au point que le cortège semble sans fin. Son but ? L’Italie, où les rois de France se battent depuis plus de quarante ans. Dans quelques jours, cette troupe passera le col du Mont Cenis ou celui du Montgenèvre, mais pour l’heure elle vise Heyrieux, où elle doit faire étape. Sur place, les habitants ont prévu des montagnes de pain, des rivières de vin, 600 moutons, 60 bœufs, une tonne et demie de fromage, pour nourrir tout ce monde. A l’origine, Parilly était ceci, une route. Et pas n’importe laquelle. Pas l’un de ces chemins que l’on emprunte pour se rendre dans le village d’à-côté, mais l’une des voies majeures permettant de franchir les Alpes. A quand remontait-elle ? Mystère. En 1479, et donc au Moyen Âge, elle existait déjà, puisque l’un des hommes de confiance du roi Louis XI, Louis Tindo, l’avait empruntée : parvenu aux portes de Vénissieux, il s’était retrouvé face « a ung autre carrefour estant [où est] un grant chemin par lequel l’on va de Lyon a Grenoble, ledit carrefour appellé la Vieille-morte ». Parilly – ou plutôt « Parelier », en ancien français ; la route d’Heyrieux ; la Femme-Morte : le décor est planté depuis au moins cinq siècles.

1831. Un géomètre de première classe, Monsieur Bertet, se rend dans le quartier de Parilly pour en dresser le plan cadastral. Enfin, quartier est un bien grand mot. Mieux vaudrait dire hameau. Et encore, Bertet ne voit là en tout et pour tout qu’une quinzaine de fermes et de maisons. La moitié d’entre elles se dressent au carrefour de la route d’Heyrieux et des chemins menant à Saint-Priest et à Vénissieux, au lieu-dit la Femme-Morte – autour de la station de métro d’aujourd’hui. Un peu plus loin, à l’angle de l’actuel boulevard Pinel et du chemin des Balmes, le géomètre dessine une autre poignée de bâtiments, formant le Petit-Parilly. Ici trône la ferme d’Hubert Berne, un Lyonnais, dont le domaine s’avère le plus gros des environs. À présent, Monsieur Bertet se tourne vers Saint-Priest, où l’attend le Grand-Parilly. Un lieu-dit qui n’a de Grand que le nom : il s’étire le long de l’avenue Charles-de-Gaulle, et ne compte que cinq maisons. En fait, la grandeur n’est pas à chercher dans les bâtiments, mais dans l’étendue de champs de blé s’étalant à perte de vue sur toute cette partie de Vénissieux.

1916. Marius Berliet décide d’implanter sa nouvelle usine de tanks et de camions juste en face du Grand-Parilly. Il cherche de l’espace à bon prix, et justement l’endroit n’en manque pas. Son entreprise, l’une des plus grandes du monde, emploie très vite près de 6 000 ouvriers. Et change à jamais la vie du quartier. Dans la foulée de l’industriel, arrivent des investisseurs louchant sur les terrains disponibles. Comme Jean-Pierre Verger. Avant 1919, cet architecte de Vénissieux achète des parcelles au Grand-Parilly et les mue en lotissement, le « Clos Verger ». Il est suivi de bien d’autres : en 1923, par la cité ouvrière des « Prévoyants de l’Avenir » ; en 1925, par celui du Clos Ballot, couvrant 6 hectares au Petit-Parilly ; en 1926, par le lotissement des époux Bonnet. Sans compter toutes les maisons individuelles construites par des particuliers, qui poussent comme des champignons après que la loi Loucheur, en 1928, a octroyé des prêts défiant toute concurrence aux ménages modestes. En une douzaine d’années, c’est un nouveau quartier qui sort ainsi de terre à Parilly. Face à cette conquête de l’est de la commune, la municipalité ne reste pas bras ballant, mais au contraire prend les devants. Dès janvier 1921, prévoyant que l’ancien hameau est « appelé à prendre une extension considérable », les élus décident de le relier au bourg de Vénissieux par une nouvelle avenue : ce sera le chemin de « Titilleux », rebaptisé en 1929 boulevard Marcel-Sembat. Puis en 1925, constatant que « les terrains de Parilly, dont la plupart sont des terrains de culture, sont actuellement achetés en vue de la construction de maisons d’habitations et d’usines », et qu’il en résulte aussi bien une forte spéculation qu’une augmentation inédite de la population, le conseil municipal s’offre séance tenante une parcelle pour ériger un nouveau groupe scolaire. Il accueille ses premiers enfants à la rentrée 1929. Au même moment, le diocèse de Grenoble achète un terrain rue Jeanne-Labourbe, dans le but de doter le quartier de sa propre église – ce sera Sainte-Jeanne-d’Arc, achevée en 1933. Fleurissent aussi les cafés, les petits commerces, le marché, un jardin public, une association sportive italienne, l’éclairage à l’électricité, bref, tout ce qui fait un bout de ville – à l’exception des immeubles, qui ne viendront qu’après la Seconde Guerre mondiale.

1931. Le recensement dresse le portrait des habitants du nouveau quartier. Ils sont désormais près de 1600, à une époque où notre ville compte 16 000 Vénissians. Les agents recenseurs visitent chacune des maisons. Boulevard Marcel-Sembat, voici Laurent Payet, né en 1879 à Vénissieux, cultivateur de profession. Il est l’un des derniers agriculteurs de l’ancien hameau. Boulevard Pinel, voici Eugène Dorier, né à Lyon en 1895, l’un de ces rosiéristes qui firent la célébrité de Vénissieux. Rue Anatole-France, c’est un Espagnol qui nous ouvre, Alphonse Cervantès, manoeuvre chez Berliet. Et puis partout, voici des Italiens, ouvriers pour la plupart, maçons ou peintres pour quelques-uns : en tout, près de 350 Transalpins vivent ici, soit un cinquième des habitants du quartier. Parce que Parilly, c’est aussi une petite Italie.

Sources : Bibliothèque municipale de Grenoble, T 4149 (1479). Archives municipales de Vienne, EE 4 (1537). Archives municipales de Vénissieux, plan et matrices cadastrales (1831-1832), délibérations municipales (1891-1932), 1 F 35/10 (recensement 1931).

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