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Enfants de sans-papiers : laissez-les grandir ici !

Alors que le gouvernement va durcir la loi sur l’asile et l’immigration, les bénévoles du Réseau éducation sans frontières (RESF) de Vénissieux se démènent pour aider les familles sans-papiers à régulariser leur situation et permettre aux enfants de poursuivre leur scolarité en France.

Alors que le gouvernement va durcir la loi sur l’asile et l’immigration, les bénévoles du Réseau éducation sans frontières (RESF) de Vénissieux se démènent pour aider les familles sans-papiers à régulariser leur situation et permettre aux enfants de poursuivre leur scolarité en France.

RESF
Né en juin 2004 à Paris, RESF estime que l’expulsion d’étrangers lorsque leurs enfants sont scolarisés est incompatible avec la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui préserve le droit à une “vie familiale normale”. Ses actions : pétitions, rassemblements devant l’école, parrainages républicains, etc. Des permanences soutiennent et renseignent les familles sur leurs droits et les aident à constituer leurs dossiers.

“Un thé ? Un café ? Un jus de fruit ?” Les Qafa n’ont rien mais offrent tout. Réfugiés à Vénissieux, Agustin et Flutura sont en danger de mort dans leur pays, l’Albanie, dont ils dénoncent la corruption généralisée et où ils sont sous le coup d’une “vendetta” criminelle. En France depuis 2011, leurs demandes d’asile et de titre de séjour “Vie privée et familiale” ont été refusées. Ils vivent en foyer avec leurs fils Aléandro (7 ans, en CE1), Flogers (3 ans) et Mikael (1 an). Trois gamins qui ne connaissent que la France où ils sont nés, parlent et chantent en français, mais qui risquent à tout moment d’être expulsés dans un endroit inconnu et violent. “Je voudrais travailler, payer un loyer et des impôts au lieu d’être une charge pour le pays qui m’abrite, confie Flutura. Je sais que la France ne peut pas protéger tous les gens qui ont des problèmes, mais je veux juste donner une vie digne et normale à mes enfants. J’accepte qu’on m’ait pris sept ans de ma vie, mais mes enfants ne méritent pas de vivre cachés comme des criminels.”

Centre social Eugénie-Cotton, aux Minguettes. En cette fin d’après-midi d’avril, Pierre, Pascale, Virginie, Diana, Marie, Élisabeth, Mersida, Marie-Thé et Leïla se retrouvent autour d’un goûter. Les enfants jouent ou lisent, les parents discutent. Une réunion d’association comme les autres ? Pas vraiment. Diana vient du Kosovo, Mersida de Bosnie, Leïla de Tunisie. Leurs familles vivent en France depuis près de dix ans mais n’ont toujours pas de titre de séjour. Pour certaines, l’inquiétude est grande. Le gouvernement veut durcir les lois sur l’immigration et l’asile, rendant encore plus difficile leurs démarches. Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb vient de confirmer que la loi autorisera bien l’enfermement en centres de rétention administrative (CRA) de familles sous le coup d’une procédure d’éloignement, même avec des enfants. Une procédure qui a pourtant valu à la France d’être condamnée à cinq reprises par la Cour européenne des droits de l’homme.

Pierre Minaire et Pascale Delorme, bénévoles “historiques” de RESF, savent que certains dossiers sont difficiles à défendre, que les procédures sont interminables, l’angoisse et la précarité omniprésentes. Pourtant, ils encouragent, rassurent, renseignent. Jamais ils n’ont baissé les bras depuis 2005, date de la création du réseau à Vénissieux. “À l’époque, se souvient Virginie Ancelle, enseignante à Léo-Lagrange, le SNUipp (syndicat enseignant du premier degré) avait appris l’expulsion imminente de parents d’élèves. Des profs se sont mobilisés. Certains sont toujours là.” Et d’autres prennent le relais, telles Marie et Élisabeth, enseignantes en maternelle à Pasteur. “Nous avons connu RESF grâce à l’action menée dans l’école par des parents d’élèves pour la famille Qafa. Nous avons eu envie de nous investir sur notre temps personnel”, explique Marie. “Une maman m’a demandée en début d’année de lui faire un papier prouvant que ses enfants étaient bien scolarisés, ajoute Élisabeth. On soutient, tout en restant dans notre cadre. C’est un geste citoyen.”

Parcours du combattant
Le parcours de toutes ces familles, c’est celui du combattant. Quittant leur pays d’origine pour des raisons politiques ou poussées par la misère, elles entrent en France, soit légalement avec un visa de tourisme, soit illégalement. S’ensuivent de nombreuses et longues démarches administratives : la demande de papiers auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), les jugements et les refus, les recours devant le tribunal administratif, les rejets assortis pour la plupart d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). À tout moment, ces familles peuvent être arrêtées, conduites dans un CRA puis expulsées. Pour ne pas en arriver là, les bénévoles de RESF conseillent et défendent ces familles fragiles, les soutiennent dans leurs démarches, mobilisent les bonnes volontés et les ressources.

Alors que le premier réflexe d’un clandestin est de se cacher, la meilleure protection pour une famille ou un jeune en situation irrégulière est au contraire de se faire connaître, de sortir de son isolement. “La solidarité, le soutien des citoyens autour d’une famille est le premier rempart contre les tentatives d’arrestation, d’expulsion”, insiste Pierre Minaire, président de RESF Rhône. Alertés par la situation d’un élève, des enseignants, des parents d’élèves, des travailleurs sociaux créent autour d’eux un comité de soutien. Des actions sont mises en place pour les soutenir, les accompagner dans le parcours du combattant pour obtenir un titre de séjour, et les protéger en cas de menace d’expulsion.

Depuis 2005, on ne compte plus les pétitions lancées, les “goûters solidaires”, les visites au CRA de Saint-Exupéry, les manifs devant le tribunal administratif de Lyon ou l’hôtel de ville de Vénissieux, sans oublier les baptêmes républicains à la mairie et le stand RESF des Fêtes escales… Nos lecteurs se souviennent peut-être de la mobilisation en faveur de Roger N’Zembélé, qui avait été arrêté chez lui, puis emmené au CRA, ou de celle autour de Guy-Samuel (voir témoignage). Grâce à la mobilisation de tout un quartier, les deux ont depuis été régularisés.

Un projet de loi dangereux
“La situation est de plus en plus préoccupante. Depuis que RESF existe à Vénissieux, c’est de plus en plus en plus difficile, et le projet de loi Collomb sur l’asile et l’immigration ne permettra pas aux familles de rester en France le temps de régulariser leur situation, dénonce Pierre Minaire. Il veut notamment réduire à six mois les délais d’instruction de la demande d’asile et faciliter la reconduction à la frontière pour les déboutés.” Autre source d’inquiétude pour les militants RESF, la réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d’asile après l’entrée sur le territoire. Au-delà de ce seuil le dossier sera traité en procédure accélérée, c’est-à-dire en 15 jours. Certes, tout le monde est d’accord pour réduire le temps entre le dépôt de dossier et la réponse, mais les associations craignent que la disposition bâcle l’examen des demandes. “Toutes ces mesures vont à l’encontre du droit d’asile et du droit européen, et ne visent qu’à dissuader les gens de demander la protection de la France et à les priver de ressources”, déplore la Cimade. Une politique dont les enfants sont, là aussi, les premières victimes.

Avec François Toulat-Brission


0,13 %
C’est ce que représente le nombre de demandeurs d’asile rapporté à la population française.

Ils témoignent

Leïla
“La solidarité nous aide à vivre”Hébergés dans un appartement aux Minguettes, Leïla, son époux et leurs quatre enfants vivent dans l’angoisse. “Nous venons de Kasserine, ville du centre ouest de la Tunisie. Je suis en France depuis 2010 après avoir passé plusieurs mois en Italie. Mon mari y avait trouvé du travail. Notre première fille Myriam y est née fin 2009.” Là-bas, la famille se heurte à des conditions de vie très difficiles. Enceinte de son deuxième enfant, Leïla retourne en Tunisie quatre mois. Pendant ce temps, son mari s’installe en France, avant d’être rejoint par sa femme et sa fille. Fin 2010, Chaïma naît à Vénissieux. Youssef, âgé aujourd’hui de deux ans et demi et Asma, dix mois, viendront ensuite agrandir la famille. Les deux aînées sont scolarisées à l’école la plus proche en CE2 et CE1. Elles travaillent bien en classe, pratiquent le saxophone et la trompette à l’école de musique Jean-Wiener. Le garçon devrait faire son entrée en maternelle en septembre prochain. De son côté, Leïla a obtenu le diplôme de français niveaux A1 et A2, et débute le niveau B1.Difficile pour les enfants de comprendre la situation : “Notre aînée est stressée, elle ne comprend pas pourquoi nous n’avons pas notre nom sur la boîte aux lettres. Notre courrier est envoyé à l’adresse d’une association.” Les démarches de régularisation sont excessivement longues : “Le 6 octobre 2016, la préfecture nous a déboutés. L’avocat est intervenu. Une autre demande a été déposée en juillet 2017, nous n’avons pas encore été convoqués par le tribunal. Aujourd’hui nous sommes toujours sans-papiers.”

Heureusement la solidarité joue. “Notre fille doit partir en classe verte. Nous ne pouvions pas tout payer mais la directrice de l’école a été très compréhensive. Je vais au Secours populaire, aux Restos du cœur. J’assiste à toutes les réunions de RESF : ils nous soutiennent, nous aident à monter des dossiers, nous remontent le moral. Notre plus grand souhait serait de vivre et de travailler ici.”

 

Guy-Samuel
“La force qu’il faut pour tenir debout, c’est terrible !”Le jeune homme arrive à Grenoble, via l’Angola, en 2010. Âgé de 20 ans, il fuit la répression policière qui frappe les membres du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (134 morts en 2007 selon l’ONU). Sa demande d’asile politique est rejetée par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Désormais en couple avec une compatriote rencontrée dans l’Isère, il s’installe à Lyon en 2011, puis est accueilli au foyer Aralis de Vénissieux l’année suivante, qui donne un toit à leur bébé, Naomi. Déjà régularisée, son amie travaille pour trois, obtient un logement à Léo-Lagrange. Dans l’appartement, Guy-Samuel tourne en rond. “J’étais coincé, j’avais peur de sortir, d’être contrôlé et expulsé. Par la fenêtre, je voyais les gens aller et venir, moi j’étais une charge, je ne pouvais rien offrir à ma fille… Chez nous, on dit que vivre sans but, c’est mourir tous les jours.”Sa dépression déteint sur la petite Naomi, qui s’isole des autres en classe, mutique. Inquiète, son institutrice de maternelle rencontre ses parents, comprend la situation, les met en contact avec RESF. Le réseau obtient un avocat et le soutien d’élus, dont Michèle Picard, mobilise, appuie et finance les démarches du jeune homme. Des démarches qui vont durer cinq ans. Au cours du cycle classique “demande – refus – OQTF”, son dossier sera rejeté sept fois par la préfecture, malgré son implication dans la vie locale (bénévolat, accompagnements d’élèves à l’école de musique…).En février 2017, son avocat dénonce un abus de pouvoir du préfet, et le tribunal ordonne à l’administration de délivrer un titre de séjour à Guy-Samuel dans les deux mois. En mai, c’est fait. “Pour un an, mais quel soulagement ! J’ai dansé, j’ai chanté ! Je pouvais enfin travailler, acheter une glace à mes enfants, aller dans les rues sans peur ! Mais la force qu’il faut pour tenir debout, c’est terrible.”

Le renouvellement de la carte de séjour est en juin, il croise les doigts. Et Naomi ? “Elle parle, elle joue, elle est joyeuse comme une enfant de son âge, que son papa va chercher à l’école !”F.T-B.

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