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Grand Rendez-vous : ne pas jeter la politique de la ville avec l’eau du bain

Débat passionnant et très suivi, jeudi, sur les limites de la politique de la ville à réduire les inégalités entre territoires.

Le témoignage coup de poing de Hawa Doucouré sur la discrimination à l’embauche a été l’un des temps forts de cette table ronde consacrée à la politique de la ville

À l’heure où l’on s’apprête à célébrer les 40 ans de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, trois mois après les pires émeutes urbaines qu’a connues le pays, la politique de la ville est mise sur la sellette. Ce vocable, rappelons-le, ne désigne pas l’action portée par la municipalité, mais les interventions de l’État, tant urbaines que sociales, visant à revaloriser les quartiers dits sensibles.

« Politique de la ville : à quand la fin des inégalités ? », interrogeait la table ronde programmée jeudi 28 septembre, dans le cadre du Grand Rendez-vous. Poser la question en ces termes revient déjà à fournir une réponse. Les inégalités entre territoires, malgré plusieurs décennies d’investissement massif, loin de se réduire, ont parfois augmenté, comme le rappelait en introduction Pierre-Alain Millet, adjoint au maire de Vénissieux.

Un constat confirmé par une batterie de chiffres édifiants présentés sur grand écran par une statisticienne de l’Insee. On n’en retiendra qu’un, qui dit tout : dans le quartier prioritaire Minguettes-Clochettes, un habitant sur deux vit en situation de pauvreté contre 16 % pour le reste de Vénissieux.

Discriminations persistantes

Faut-il en déduire que la politique de la ville a failli sur toute la ligne ? Les travaux de Benjamin Lippens, enseignant chercheur à l’université Lyon 2, apportent une réponse nuancée. Ce jeune sociologue a suivi une cohorte de 470 personnes ayant grandi aux Minguettes, toutes nées entre 1974 et 1983. Aujourd’hui, 90 % n’y vivent plus et portent un regard critique sur leur quartier d’origine. Mais quand on observe leur réussite scolaire et sociale, ils s’en sortent aussi bien voire mieux que les enfants de familles populaires de quartiers non prioritaires : 38 % ont un niveau supérieur ou égal à bac + 2, et on recense 14 % de cadres. En revanche, même chez ceux qui ont pris l’ascenseur social, perdure « le sentiment d’être constamment rappelé à ses origines ».

Ce sentiment de discrimination est partagé par les plus jeunes générations. Le témoignage coup de poing de Hawa Doucouré, jeune étudiante vénissiane en recherche (longue et infructueuse) d’alternance, est venu le rappeler si besoin. Brillante (il suffit de l’entendre !), elle essuie pourtant échec sur échec lors de ses entretiens d’embauche. « Hier encore j’ai eu 30 minutes d’entretien où les seuls sujets abordés ont été ma ville, Vénissieux, et mon voile. Quand tu entends la même chose depuis trois ans, tu désespères et tu finis par croire aux stéréotypes qui te sont renvoyés. »

Le droit commun avant tout

Rebondissant sur ce témoignage, Clara Gimenez, vice-présidente (PCF) de Montpellier Métropole, considérait que « l’enjeu majeur, aujourd’hui, est de remettre l’emploi au cœur de la politique de la ville. Et quand je parle d’emploi, je ne pense pas aux clichés de l’entrepreneuriat ou de la réussite hors normes, type footballeur ou avocat, traditionnellement mis en avant quand on évoque les parcours de réussite des banlieusards. Je parle de l’emploi lambda, celui de Monsieur et Madame tout le monde. Cela pose plus largement la question de la mobilisation du droit commun pour les quartiers. La politique de la ville ne doit pas servir à financer à la place, mais en plus. »

Abondant dans le même sens, Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon, estimait qu’il faut « une méthode mobilisant beaucoup plus le droit commun ». Tout en se refusant à « jeter le bébé avec l’eau du bain » car « on ne sait pas où l’on en serait aujourd’hui s’il n’y avait pas eu de politique de la ville. »

Pour le maire de Vénissieux également, « on ne peut pas dire que la politique de la ville soit un échec. (…) Certaines choses fonctionnent, il faut donner plus de moyens à cette politique, mais surtout que la priorité dans nos quartiers soit l’accès aux droits communs ». Et Michèle Picard de marteler : « Les quartiers populaires ont le droit à la culture et aux loisirs, à la sécurité publique, à la santé publique, à des écoles publiques. »

Il est revenu à Salwa Philibert, sous-préfète, de conclure cette table ronde. « Nous sommes actuellement en pleine construction du nouveau contrat de ville avec la Métropole et les communes, a précisé la haute fonctionnaire. Comme beaucoup d’intervenants, je pense que la politique de la ville, malgré les critiques que l’on peut lui adresser, peut se targuer de belles réussites comme les Cités éducatives par exemple. Mais aujourd’hui, elle doit se requestionner pour gagner en efficacité. Elle doit surtout mieux prendre en compte l’avis des habitants. »

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