

Photo Emmanuel Foudrot
De chez elle, Renée Bony jette un coup d’œil par la fenêtre sur le quartier des Fleurs de La Darnaise. « Nos parents ont dû arriver ici en mai 1959 ou mai 1960. Il n’y avait rien du tout, seulement une ferme avec des chevaux qui tiraient des charrettes. Pour aller au collège ou au lycée, la seule possibilité était d’être inscrite en internat. »
Renée fait donc trois années au collège Étienne-Dollet à Saint-Fons avant de rejoindre le lycée Lumière où sa sœur Élyane a, elle aussi, suivi sa scolarité.
« Pour aller en cours, il fallait descendre à pied jusqu’à Saint-Fons, prendre un bus aux Quatre-Chemins, puis finir encore à pied jusqu’au lycée. D’où l’internat. »
Toutes deux donnent des précisions sur la famille. « Notre père était ingénieur à Berliet. Il a été à Monplaisir, puis à Saint-Priest. Notre mère était Hollandaise, une pure Amsterdamoise, et c’est elle qui dirigeait la maison ! En 1949, elle avait vécu la période difficile de la guerre, voyant des gens mourir dans les rues et elle avait décidé de voyager. Elle a trouvé une annonce dans un journal et elle est partie pour la première fois. »
Ce ne sera apparemment pas la dernière et le virus s’est transmis au moins à deux de ses filles. Renée et Élyane se souviennent de leur premier départ. « Notre mère nous avait acheté des cartes Interrail, qui portaient les numéros 3 et 4. Et puis, nous sommes parties. La carte durait trois mois. »
Quand elle se rend compte que les déplacements font partie de son ADN, Élyane se dit : « Tu veux voyager ? Deviens prof ! J’ai d’abord été employée dans une chaîne de grands hôtels avant de rejoindre l’enseignement, où j’ai travaillé de mes 28 ans à mes 66. Je restais un an dans un établissement puis je partais neuf mois en voyage. On avait toujours besoin de profs. J’ai été recrutée par un grand lycée viennois qui cherchait un enseignant de latin. J’y suis restée 36 ans. »
Renée a suivi des études d’Histoire de l’art et d’Archéologie. Elle a travaillé au CNRS et pour la ville de Vienne, puis est devenue guide dans les musées et dans le Vieux-Lyon. « J’ai fait mon doctorat sur Vienne, précise Renée. Et j’écris toujours des articles dans le Bulletin des amis de Vienne. » Sur le doctorat, Élyane ajoute : « J’ai lu les mille pages de sa thèse trois fois de suite. » On sent de la fierté, autant pour cette lecture de trois mille pages que pour le travail accompli par sa sœur.
Une bande dessinée sur le Guatemala
Ne leur demandez pas où elles ont été au cours de leurs voyages, mais plutôt où elles n’ont pas été. Le premier nom qu’elles lancent est l’Ouzbékistan avant de préciser : « Il y a toujours quelque chose à voir dans un pays. » Autant dire qu’elles désirent tous les visiter et y retourner. Elles donnent l’exemple d’une ville de Birmanie où on leur avait dit qu’il n’y avait rien d’intéressant. « Nous sommes allées sur le marché découvrir la vie quotidienne et c’était très bien, même s’il n’y avait pas de temples spectaculaires. »
Toutes deux vous bercent de mille détails sur un séjour au Guatemala, sur un passage en Afrique du sud, sur un petit restaurant à Bangkok, sur la coiffe spécifique d’une ethnie au Laos. Elles se coupent, se rectifient et montrent le même entrain, la même passion pour la découverte de l’Autre. Avec un grand A.
La première : « Notre premier long voyage fut en 1977 au Ladakh. » L’autre corrige : « Non, au Cachemire ! » Elles montrent également avec une fierté légitime les carnets de voyage qu’elles rapportent. Renée dessine et peint sur place des scènes de la vie quotidienne. Elle a suivi des cours de gravure aux ateliers Henri-Matisse, travaille à présent avec une association artistique à Bron — l’APA, Association pour la promotion de l’art — où elle anime des ateliers, a créé une très belle bande dessinée sur le Guatemala (Sur la piste des chamans, tribulations au Guatemala) et est présente les dimanches au Marché de la Création, sur les quais de Saône à Lyon. Élyane relie les feuillets et les transforme en très beaux livres.
« Parmi la série d’activités proposées au lycée, raconte Renée, Élyane a suivi des cours de reliure. Quarante ans plus tard, je voulais réaliser un carnet de voyage et elle l’a fait. Comme quoi, tout est utile ! Prenez les langues. Nos parents voulaient absolument qu’on étudie l’espagnol. Ça nous a bien servi lorsque nous avons parcouru l’Amérique centrale et l’Amérique du sud. »


Photo Emmanuel Foudrot
Grâce à ses talents en peinture mais aussi en conférences — une sur Rembrandt début mars, une autre sur Watteau l’an prochain — Renée s’apprête déjà à participer à une exposition Voyages, voyages prévue en 2026. Mais avant cela, elle sera à Beaurepaire (Isère) pour le festival Carnet de voyage. Le 25 mai à 11 heures, elle donnera une conférence sur le Guatemala, pays fascinant où elle s’est rendue pour la première fois en 1982 (d’autres ont suivi depuis) et qui, dit-elle, « l’enchante par la gentillesse de ses habitants et sa richesse ».
Élyane et Renée viennent juste de revenir d’un périple de quatre mois et demi en Thaïlande et au Laos. « On a fêté nos cinquante ans de voyages dans un petit resto en Thaïlande, dans le port de Si Racha. »
À les regarder tellement en forme et joyeuses de partager leurs expériences, on se dit que ce chiffre va encore régulièrement augmenter et que tous ces carnets de voyage, peintures et dessins mériteraient d’être exposés.


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