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Homophobie : la prévention passe par l’éducation

Alors qu’en 2018, “pédé” restait l’insulte la plus prononcée dans les cours de récréation, associations et professionnels de l’éducation tentent d’enrayer la montée de l’homophobie dans les établissements scolaires, en luttant contre la multiplication des clichés, la chape de plomb de la religion et le manque de moyens.

Alors qu’en 2018, “pédé” restait l’insulte la plus prononcée dans les cours de récréation, associations et professionnels de l’éducation tentent d’enrayer la montée de l’homophobie dans les établissements scolaires, en luttant contre la multiplication des clichés, la chape de plomb de la religion et le manque de moyens.

Pratique

Le Refuge
L’association accueille les jeunes de 18 à 25 ans, exclus du foyer familial, en leur offrant un logement temporaire et un soutien médical, psychologique, juridique, etc. À Lyon, en 2018,
24 jeunes ont été hébergés sur 200 demandes.
19, quai Arloing – Lyon 9e.
Mail : lyon@le-refuge.org.
Ligne d’urgence nationale 24 h/24,
7 j/7 : 06 31 59 69 50.
www.le-refuge.org

SOS homophobie
Association de lutte contre les discriminations et les agressions à caractère homophobe et transphobe.
19, rue des Capucins (centre LGBTI) – Lyon 1er.
Mail : sos-lyon@sos-homophobie.org.
Ligne d’écoute anonyme nationale :
01 48 06 42 41.
sos-homophobie.org et cestcommeca.net

Et aussi
0 810 20 30 40 : service d’écoute et d’aide pour les victimes et témoins d’homophobie et de transphobie, tous les jours de 8 heures à 23 heures. Un tchat est également accessible : ecoute.contrelhomophobie.org

N’ayez pas peur d’assumer qui vous êtes !” Johann s’exprime face caméra. Tout comme Estelle, Louis et Sohan, il évoque sans tabou son expérience d’élève LGBT et les difficultés qu’il a pu rencontrer. Mises en ligne le 17 mai dernier, journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, ces quatre vidéos viennent renforcer la campagne “Tous égaux, tous alliés” lancée par le ministère de l’Éducation nationale en janvier 2019. Repli sur soi, échec scolaire, décrochage, comportements suicidaires, l’enjeu de cette campagne est de lutter contre l’homophobie et la transphobie dans les collèges et lycées et de tendre vers l’égale dignité des personnes.

À Vénissieux, depuis plusieurs années déjà, des professionnels de la jeunesse tentent de s’emparer du sujet. Si, du côté de l’OMS (Office municipal des sports), “le sujet n’est pas traité actuellement au sein des clubs”, les EPJ (Équipements polyvalents jeunes) ont “le projet d’aborder l’homophobie en l’intégrant dans la thématique plus générale de la lutte contre les inégalités et les discriminations”. Ce sont surtout certains établissements scolaires de la ville qui essaient de faire évoluer les mentalités, à l’image des lycées Sembat-Seguin et Hélène-Boucher, des collèges Michelet et Triolet. À Jacques-Brel, les choses sont claires : “Je ne traitais plus du tout de ce sujet, se désole Chantal Fonterme, l’infirmière scolaire qui vient de prendre sa retraite en juillet. L’éducation à la sexualité n’a jamais été un sujet facile à aborder ici, mais depuis une dizaine d’années, c’est devenu quasiment impossible. Dès que je collais des affiches, elles étaient immédiatement dégradées. J’espère que la personne qui va me remplacer saura se saisir de cette problématique.

Au collège Louis-Aragon, Jean Reboul, l’infirmier scolaire, fait intervenir Le Refuge depuis quatre ou cinq ans auprès des élèves de 3e. L’occasion de déconstruire un certain nombre de clichés — “Pour les élèves, si un garçon porte un t-shirt rose, il est homo, si une fille a les cheveux courts, elle est lesbienne” —, d’aborder la question du choix — “Je ne serai jamais homo, entend-on souvent” — ainsi que les conséquences du rejet après un coming out — “On évoque avec eux le suicide, la dépression, l’exclusion, etc.” “Ce genre d’intervention est indispensable au collège, insiste Jean Reboul. Il y a une telle banalisation de la violence aujourd’hui… J’ai déjà entendu une élève déclarer : “Si j’avais un enfant homo, je le tuerai.” Grâce aux interventions du Refuge, les élèves sont confrontés à l’altérité, à la différence. Ils apprennent à penser en tant qu’individu, pas en tant que masse. À leur âge, l’important pour eux, c’est d’appartenir à un groupe. Si vous êtes différents, vous restez forcément à l’extérieur du groupe. Et à leurs yeux, si vous êtes minoritaires, vous êtes dangereux donc persécutés.

Un manque cruel de moyens
En milieu scolaire, l’homophobie est très développée, confirme Mathieu Chomat, co-référent des interventions en milieu scolaire pour la délégation lyonnaise de SOS Homophobie. Les agressions verbales homophobes font partie du langage courant. Le mot “pédé” est complètement banalisé, les élèves le considèrent comme une blague, pas comme une insulte.”On doit aussi faire face à de nombreux clichés, reconnaît Jean-Benoit Thevenet, bénévole responsable du pôle d’intervention en milieu scolaire du Refuge. Parce que j’écrivais de la main gauche, un élève en a déduit que j’étais homosexuel. Son argument : mon cerveau était inversé donc ma sexualité devait l’être aussi.

Concernant les établissements dans lesquels les bénévoles se déplacent, “les interventions ne sont pas plus délicates en banlieue, assure Mathieu Chomat. Quelle que soit la classe que l’on a devant nous, on rappelle toujours les règles de la République et que l’opinion homophobe est délictuelle” (lire encadré ci-contre). Jean-Benoit Thevenet avance toutefois un chiffre : “En 2017, 843 élèves de la région Rhône-Alpes ont assisté à une de nos interventions. Tous sexes confondus, 27,76 % d’entre eux refusaient que leur meilleur ami soit homosexuel ou lesbienne. À Vénissieux, ce chiffre s’élevait à 55,5 %.

Il n’est pas rare d’entendre dans les classes : “Nous, on est musulmans, on ne peut pas être homosexuels””, confirme l’infirmier d’Aragon. Pour faire face à la chape de plomb imposée par la religion, “on adopte un discours laïc, poursuit le bénévole du Refuge. On rappelle que les religions prônent la tolérance, qu’il existe des problèmes d’interprétation des textes religieux, on définit l’idéologie. Et si, à la fin de nos interventions, certains parlent de tentative de manipulation, beaucoup reconnaissent qu’ils ont appris des choses.

Les deux militants confirment que la lutte contre l’homophobie passe par une prévention massive auprès des jeunes mais dénoncent tous deux le manque de moyens. “Le gouvernement a lancé cette campagne dans les écoles mais les associations manquent d’argent et de bras. À Lyon, faute de bénévoles, nous refusons un tiers des demandes d’intervention en milieu scolaire”, confirme Mathieu Chomat. Même son de cloche du côté du Refuge : “Il faudrait que l’on puisse intervenir dans les centres sociaux, les MJC, les clubs de sport mais nous n’en avons pas les moyens, conclut Jean-Benoit Thevenet. En France, on est passé d’une agression homophobe tous les trois jours à une agression toutes les 33 heures, il y a donc encore du pain sur la planche.

 

L’homophobie est un délit

Les discriminations homophobes et transphobes constituent un délit passible de sanctions pénales au même titre que celles fondées sur le handicap, l’apparence physique ou encore les opinions politiques et religieuses.
À titre d’exemple, si le caractère homophobe ou transphobe est retenu, la peine encourue pour une injure proférée en public est de six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende. Et la provocation à la haine, la violence ou aux discriminations fondées sur l’orientation ou l’identité sexuelle est punie d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

 

 

Témoignage

Marjory, 25 ans : “Les gens ont peur de la différence”

Je n’ai jamais fait de coming out à proprement parler. Je n’ai jamais eu l’intention de dire à mes parents “Coucou, je suis lesbienne” comme je n’aurais pas dit “Coucou, je suis hétérosexuelle” si cela avait été le cas. J’ai simplement annoncé un jour : “Je sors avec une fille.” Ma mère a très bien réagi, j’ai une famille très ouverte d’esprit.
Marjory a 25 ans. Elle a commencé à se poser des questions sur son orientation sexuelle à l’âge de 18 ans. “J’étais au lycée et je me sentais de plus en plus proche d’une amie. J’ai pensé : peut-être que je préfère les filles ?” Elle cherche alors des figures auxquelles s’identifier. “Dans les livres de mon enfance, il n’y avait qu’un seul modèle de couple et aucune représentation de la communauté homosexuelle. Je me suis donc fait ma propre culture lesbienne en regardant des documentaires et des séries comme The L Word ou Féminin, féminin.” Aujourd’hui, la jeune femme fréquente les bars et boîtes gays, “pour l’ambiance”, mais regrette “cette séparation communautaire”, participe chaque année à la Gay Pride de Lyon — “un événement important pour la reconnaissance des personnes LGBT” —, et estime qu’en termes de droits des homosexuels, “les choses avancent beaucoup trop lentement, notamment concernant la PMA et l’adoption”.
Avant de s’installer à Vénissieux début juillet, Marjory a grandi et vécu à Lyon “dans des tours, quartier Mermoz et Paul-Santy”. “J’ai été en couple pendant deux ans. Les voisins se posaient des questions mais je n’ai jamais eu à faire face à des représailles physiques. Évidemment, je suis attentive au quotidien, quand je suis dans la rue par exemple, pour ne pas me mettre en danger. Je fais aussi très attention sur les réseaux sociaux.” Et dans sa vie professionnelle ? “Je travaille dans l’informatique qui est un milieu d’hommes. J’ai dû faire face aux regards et aux remarques sur mon look masculin. Et il y a sans doute eu des ragots derrière mon dos : “elle doit être lesbienne”.” Pour résister à l’homophobie et au sexisme ordinaire, elle a choisi le théâtre “pour m’assumer et vaincre ma timidité. Ça me permet de ne pas avoir peur et de m’affirmer sans prendre en compte le regard des gens.
Le fond du problème, conclut Marjory, c’est que les gens ont peur de la différence. Pour lutter contre l’homophobie, il ne faut pas se cacher, se renfermer sur soi. Il faut être visible.”

Précision : trouver un ou une Vénissian.e qui accepte de nous raconter ses difficultés à vivre son homosexualité au grand jour n’a pas été chose aisée. Un jeune militant dont on retrouve plusieurs interventions dans des médias nationaux a clairement signifié son refus de s’exprimer dans nos pages “par peur des représailles”. Deux autres jeunes femmes qui avaient d’abord accepté de répondre à nos questions n’ont finalement pas donné suite à nos sollicitations (“La famille de la personne avec qui je vis habite à Vénissieux et je ne peux malheureusement pas m’exprimer publiquement”). Seule Marjory a eu le courage de témoigner et nous la remercions.

 

3 questions à Maks Banens, maître de conférences en démographie à l’université Lyon II

“Montrer le visage de l’homosexualité pour faire reculer l’homophobie”

Les grandes villes françaises ne sont pas épargnées par l’homophobie. Qu’en est-il des villes de banlieue ?
Il n’existe pas de statistiques à ce sujet. L’Ifop recense chaque année les actes homophobes mais il n’existe pas de chiffre officiel concernant les banlieues. Ce qui est certain, c’est que le rejet est plus fort dans les villes que dans les campagnes. Et on peut aussi affirmer que les banlieues concentrent plus de personnes venant de cultures où l’homophobie est beaucoup plus présente. La population musulmane est aujourd’hui celle dont la culture est la moins tolérante envers l’homosexualité. Au niveau mondial, seulement 5 à 6 % des musulmans disent accepter l’homosexualité. C’est le niveau de la France il y a un siècle.

Quel poids jouent les traditions et la religion dans le rejet de l’homosexualité ?
Le poids de la tradition est fondamental. Quant aux milieux religieux, ils rejettent plus facilement l’homosexualité, aussi bien les chrétiens que les musulmans. Mais il s’agit d’une corrélation, pas d’une causalité. Il y a encore un siècle, l’ensemble du monde occidental rejetait l’homosexualité. Aujourd’hui, on observe un recul de l’homophobie dans tous les pays du monde mais les niveaux sont très différents. Dans les pays scandinaves, on atteint les 90-95 % d’acceptation, en Europe occidentale les 80 %, aux États-Unis les 60-70 %, et le reste du monde est en dessous des 50 % avec 5 % dans les pays majoritairement musulmans.

Par quoi passe l’acceptation de l’homosexualité et comment tendre vers le vivre ensemble ?
Quand arrive l’adolescence, la construction de l’hétérosexualité se fait en parallèle du rejet de l’homosexualité. Les jeunes homosexuels et les jeunes lesbiennes sont plus confrontés à la violence des jeunes hétérosexuels qui les entourent. Vers 15-17 ans, on s’affiche comme hétérosexuel et on rejette l’homosexualité pour montrer qu’on ne l’est pas. C’est une sorte de marqueur identitaire dans les milieux où les homosexuels sont rejetés.
L’acceptation de l’homosexualité passe donc par la visibilité. Pour les associations, la stratégie payante est d’intervenir dans les collèges et lycées et de se présenter en tant que gay ou lesbienne. Faire reculer l’homophobie en montrant le visage de l’homosexualité.
Depuis les années 60-70, on assiste à un vrai mouvement du coming out. La majorité des homosexuels ont décidé de vivre ouvertement leur sexualité, en faisant face à beaucoup de difficultés, mais cette décision a eu un effet positif sur la société.
Les jeunes des quartiers n’échappent pas à cette visibilité, via la télévision, via Facebook et les réseaux sociaux. Pourtant, la plupart des jeunes homosexuels quittent leur cité pour vivre leur sexualité au grand jour. Les souffrances ne sont pas terminées pour la communauté LGBT mais les mentalités progressent. Récemment, la participation d’un jeune transsexuel à l’Eurovision a aussi offert une visibilité qui n’a pas un effet tout de suite évident mais dont les conséquences seront positives sur le long terme.

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