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Le plasticien québecois Guy Poirat est en résidence artistique à la cité scolaire Sembat-Seguin depuis trois ans. Avec des élèves en maintenance des équipements industriels, il a réalisé un robot de 2,80 m.

“Farfelu !” C’est sans doute le terme qui est venu aux lycéens de la cité scolaire Sembat-Seguin, lorsque Guy Poirat leur a présenté son projet de robot. Ce plasticien québécois est en résidence artistique dans l’établissement vénissian depuis trois ans.
Dans le grand couloir de la cité scolaire Sembat-Seguin qu’on appelle “L’autre rue”, un grand robot de 2,80 m regarde impassible les allées-venues des élèves. “Et nous, c’est quand qu’on en fait un ?”, lancent lycéens, jaloux du travail que leurs camarades de maintenance des équipements industriels ont exécuté avec Guy Poirat, un plasticien en résidence artistique ici depuis 2009.
“J’ai un parcours compliqué, convient ce sympathique Québécois. J’ai fait une école de céramique et, vers 30 ans, je me suis inscrit aux Beaux-Arts, à Montréal puis à Vancouver. À cette époque, les Beaux-Arts étaient plus axés sur le travail de la main, moins sur la réflexion. J’ai toujours travaillé parallèlement à cela.”
Il cite une société de décors de cinéma à Montréal, un cirque où il faisait également les décors et qui a tourné en Bourgogne. Il explique : “J’ai été invité en France par un centre d’art, le fort de Bruissin, et la France m’a plu, elle est assez généreuse pour moi.” Puis, après un temps d’arrêt : “Faut pas m’inviter !” Non seulement il est toujours en France (depuis vingt ans) mais, invité à Sembat-Seguin pour trois ans par Jean-Charles Monot, directeur de l’Espace arts plastiques, il va entamer en 2013 sa quatrième année. “Après, j’arrête, promet-il. Il faut laisser la place aux autres.” Il devra pour cela consulter les profs de l’établissement, l’administration, les élèves (qu’il appelle “les participants”) et M. Castano, le proviseur, qui ne semblent pas pressés de le voir partir.
Pourquoi Guy Poirat se plaît-il autant chez nous ? Demandez-lui de parler de son quotidien québécois : “À Montréal, tu restes les pieds dans la sloche, la gadoue, tu attends le bus, il fait moins 20° et le bus ne vient pas. Par contre, au niveau lumière, c’est génial ! La luminosité sur la neige… À Montréal, ce qui frappe, c’est l’espace. C’est physique. Il y a moins de monde chez nous et l’espace joue sur l’imaginaire des gens. Je me suis rendu compte que c’était différent en arrivant ici. Je perdais de l’espace physique, mais je gagnais de l’espace mental. Ça brasse beaucoup, en France ! En fait, les rapports humains sont les mêmes qu’au Canada mais il n’y a pas les mêmes croisements.”
Après avoir vécu à La Borne, un village de potiers du Cher, puis à Paris, il a bifurqué dans les années quatre-vingts, délaissant la céramique pour l’assemblage de matériaux divers. “Depuis quelques années, je travaille avec du fer blanc.” Il raconte sa visite à l’usine Arcelor (pas encore Mittal) à Mâcon : “J’avais un projet, ils m’ont fourni deux tonnes de feuilles de métal. Quand on sait que ça vaut 1,20 euro la feuille… J’en ai pour toute ma vie. Le piège, c’est que j’utilise de plus en plus ce matériau.”

“Ce n’est pas la première fois que je travaille avec des jeunes parce que j’ai la volonté de transmettre.”

Comme il aime les anecdotes, il narre les péripéties du voyage, les deux tonnes chargeant douloureusement sa “vieille C15”, au point d’être obligé de faire demi-tour et d’aller louer un utilitaire. Outre les pièces exposées dans “L’autre rue” (dont une incluant la plaque d’immatriculation de la fameuse C15, morte au sud de Vienne, et qui rend ce travail chargé de souvenirs personnels), Guy mentionne une roue de la fortune faite pour les laboratoires Boiron et une autre machine pour le cuisinier Daniel Ancel.
“La vie m’a permis de voyager, de rencontrer plein de gens. Ce n’est pas la première fois que je travaille avec des jeunes parce que j’ai la volonté de transmettre. Je suis arrivé à Sembat-Seguin avec un projet farfelu. Les élèves se demandaient si j’étais sérieux. Maintenant, ils me questionnent sur le prochain projet. C’est encourageant.”
Après le Scoolpter en 2010 et le Spoutnik l’année suivante, voici donc le robot, baptisé “Marcel Duled, l’homme à fleur de peau” (un petit hommage à Boby Lapointe pour le prénom). Philippe Ramu et Jean-Luc Chandioux, deux des profs du lycée professionnel, interviennent : « Les élèves en maintenance des équipements industriels font de la mécanique, de l’électricité, de la pneumatique. Avec eux, on a dessiné un robot, un beau dessin bien carré. Guy est arrivé et l’a tronçonné pour le faire vivre un peu. Ce qu’on voit aujourd’hui est le résultat de ce qui a marché… et de ce qui n’a pas marché ! Par exemple, on voulait lui faire bouger les oreilles mais la recherche n’a pas abouti.”
Anthony, qui prépare un bac pro, s’est chargé de l’éclairage du robot. “J’avais déjà participé à d’autres projets. Là, on avait deux programmateurs et pas de notice. J’ai travaillé avec la tête. Avec d’autres élèves, on a pris du temps sur notre temps, on venait sur notre temps libre. Guy nous a laissé beaucoup de liberté, c’est plaisant. Il a créé une bonne ambiance et, aujourd’hui, le robot donne un charme à l’établissement.”
Guy Poirat reconnaît qu’il n’était pas facile de passer de la fiction (une maquette en volume) à la réalité. “Pourquoi j’ai choisi le spoutnik et un robot ? Je me mets dans la peau des lycéens, je prends des choses qu’ils connaissent, je leur tends la perche. L’essentiel est que tout le monde prenne son pied. Le lycée a fourni tout le matériel : l’acier, les roues de fauteuils roulants qui viennent de l’association Canhumanitaire (que préside M. Castano – NDLR). Sept ou huit élèves travaillaient sur la carcasse, moi je supervisais. Certains profs ont mis la main à la pâte.”
Marcel Duled est malgré tout différent de ce que fait habituellement le plasticien. Pour s’en rendre compte, on pourra voir son exposition à la galerie L’œil écoute (3, quai Romain-Rolland, Lyon 5e), du 14 au 18 décembre, de 12 heures à 20h30. Vernissage ce 13 décembre à 18h30.

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