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Vénissieux, terre de vignerons

Vous l’aurez remarqué, Vénissieux n’est ni le Beaujolais ni la Bourgogne. Pourtant, il y a quelques siècles, notre commune était peuplée par une foule de vignerons.

“Coin de vigne”, par Édouard Debat Ponsan (1886) – Wikipedia Commons

277, pas une de moins ! C’est le nombre de parcelles de vignes qui existaient à Vénissieux au 17e siècle, précisément en 1659. On les trouvait sur les coteaux de Saint-Fons, « au terroir de Champrion », à « Montchaud », « au terroir de la Coste », « aux Tronches », « au Cluisel » (rue du Cluzel), « au terroir de la Darnaise », mais aussi et surtout aux Minguettes, comme celle que Jacques Vetard, un vigneron de Vénissieux, vendit en 1761 au sieur Pierre Sublet, un marchand lyonnais. Quant au lieu-dit « Grandes Terres des Vignes », autour de l’actuelle rue de la Démocratie, son nom suffit à désigner sa vocation. Bref, les hauteurs de notre commune étaient en bonne partie couvertes de ceps, sur une centaine d’hectares. Vous êtes surpris ? Il y a de quoi !

Mais en fait, ces vignes ne concernaient pas que les terroirs vénissians. L’Est Lyonnais formait autrefois un prolongement des vignobles des Côtes-du-Rhône, qui s’étendaient jusqu’à Feyzin, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron et même Saint-Priest. Le vin produit ici était consommé dans notre village, bien sûr, mais aussi dans les communes environnantes et sans doute dans les auberges de Lyon. La preuve, en 1835 à Bron, lors de la très populaire fête de la saint Denis, des milliers de bons vivants venus de toute l’agglomération se rendirent « sous de longues tentes où d’immenses tables les attendaient. De tous côtés on voyait des broches chargées de viandes tourner devant des feux pétillans. Le vin du Moulin-à-Vent, un village près de Lyon, sur la route de Marseille, livré à quatre sous la grande mesure, coulait à pleins bords ».

Un milieu très fermé

Du coup, les grappes constituaient à Vénissieux, affirme une enquête de 1702, « le principal revenu des habitans ». Et par conséquent, dans les archives d’autrefois, les vignerons vénissians coulent à flot ! Jean Varichon, Pierre Billon, Jacques Buisson, Jean Thibaudon, Louis Drivon, Claude Labonne, Laurent Sambet, Louis Violet, Jacques Arnaudier, Jean Nugue – et j’en passe –, tous exercent cette noble profession au temps du roi Louis XV, dans les années 1750-1760. Ils forment un milieu très fermé, dans lequel le métier se passe de père en fils, de génération en génération, et dans lequel l’on se marie pratiquement toujours entre vigneron et fille de vigneron. Voyez ce contrat de mariage conclu le 13 juin 1758, devant le notaire de Vénissieux : il unit le vigneron Jean Manuel avec Clémence Vetard, fille de Jacques, aussi vigneron à Vénissieux. Pour l’occasion, la fiancée apporte à son futur époux un joli trousseau, composé d’une armoire en noyer, de trois robes, d’un corset rouge, d’un cotillon noir, d’une brassière, 24 chemises, 33 coiffes, 8 tabliers, et 12 aunes (14 mètres) de toile tissée à la maison. Le tout est évalué à 200 Livres, soit l’équivalent d’un an de salaire d’un ouvrier agricole.

Petits et grands vignerons

Est-ce à dire que nos vignerons vénissian sont riches ? Non, pas tous, et loin de là. Leur milieu professionnel apparaît très contrasté, qui compte aussi bien des « petits vignerons » –c’est le terme employé par les notaires –, que des gens à leur aise. Guillaume Sandier appartient à la première catégorie. « Alité, malade, néanmoins sain de ses sens », il fait venir en mars 1760 maître Pain, notaire à Vénissieux, pour inventorier ses biens. Une page suffit à en faire le tour : deux armoires en noyer, un pétrin entouré de deux bancs, deux tonneaux et quatre barils pour le vin, six draps et douze chemises, voici toute la fortune de ce quadragénaire. Le reste de sa demeure appartient à sa femme, Marie Robin, chez laquelle notre homme est venu « vivre en gendre », au moment de son mariage, en 1746. Jacques Vetard, lui, vole nettement plus haut. Suffisamment pour qu’il s’offre, en avril 1758, une maison neuve pour la somme rondelette de 600 Livres. Construite par le maçon et charpentier Jacques Billon, elle aura un étage, deux portes et trois fenêtres, et sera commencée « sitôt que la récolte qui est dans le fonds destiné a ladite bâtisse sera levée ».

Entre un Sandier sans le sou et un Vetard un tantinet richard, Etienne Buisson représente le cas d’un vigneron moyen, sans doute le plus représentatif de ses collègues vénissians. Lui aussi fait appel au notaire de Vénissieux pour inventorier ses biens, en avril 1763. Il est suffisamment aisé pour savoir lire et écrire, mais ne signe pas l’acte « pour ne le pouvoir faire par aport a sa grande faiblesse et un deffaut de vüe ». Dans sa cave, Etienne Buisson ne conserve « que très peu de vin pour suffire a son ménage ». Est-ce à dire que toute sa récolte de l’année précédente est déjà partie dans le gosier de ses clients ? Probablement, puisque le vin autrefois, se consommait très jeune. Déjà bien beau qu’il ait une cave, une modernité, car les vignerons du 18e siècle entreposent plutôt leur vin dans un cellier, perméable aux changements de température et donc guère favorable à la conservation de leur nectar. Sa maison quant à elle, se compose d’une vaste pièce faisant à la fois office de cuisine et de chambre à coucher. Elle contient de beaux meubles en noyer ou en hêtre, dont un immense lit à quatre colonnes, une « grande table de 14 pouces de largeur », et une armoire monumentale, à l’intérieur de laquelle Buisson cache son trésor : 300 Livres en « argent monnaie ». Son nécessaire à culture – charrette, araires, mulets et vache – est, lui, remisé dans sa cour et dans une écurie. C’est aussi là qu’il range ses « bennes et benot a tenir vendange ».

Les viticulteurs comme lui travaillèrent pendant encore longtemps les ceps vénissians, puisque le recensement de 1891 en cite toujours. Tel Jean-Baptiste Boiron, auquel l’agent recenseur accorda généreusement le titre de vigneron, malgré ses 73 ans d’âge.

Sources : Archives du Rhône, 3 E 11452 et 11453, 6 M 402. Archives de l’Isère, 2 C 318. Revue du Lyonnais, 1835.

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