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Les consuls de Vénissieux

Trois cents ans avant Michèle Picard, portrait des hommes qui furent à la tête de la municipalité tout au long de l’Ancien Régime.

Trois cents ans avant Michèle Picard, portrait des hommes qui furent à la tête de la municipalité tout au long de l’Ancien Régime.

Pendant l’Ancien Régime, les consuls avaient notamment la responsabilité de recruter les maîtres d’école.

La messe vient de finir dans l’église Saint-Germain, au cœur du village de Vénissieux. Femmes et enfants sortent du sanctuaire et s’égaillent sur la place, les uns pour papoter, les autres pour rejoindre leur maisonnée. Point de travail aux champs en ce jour du dimanche, l’on goûtera à un repos bien mérité. Les hommes, quant à eux, sont pour la plupart restés dans l’église. L’auberge les attendra encore un peu. Comme l’a rappelé Monsieur le curé depuis le haut de sa chaire à prêcher, ils doivent élire leur consul, l’ancêtre de notre maire actuel. En cette année 1704, c’est Pierre Crépieu qui brigue leurs suffrages. Ce Vénissian pure souche n’a que 27 ans à peine et est totalement illettré, mais il est fils d’un laboureur, un paysan aisé, ce qui fait de lui un candidat tout désigné.

Les chefs de famille discutent entre eux, pèsent le pour et le contre, puis clament leur décision : c’est bien du fils Crépieu dont ils veulent pour consul. L’affaire n’a rien de démocratique car les moins fortunés, les journaliers, les « travailleurs de terre », n’ont pas eu voix au chapitre et encore moins la possibilité de candidater. Et de fait, quand on parcourt la liste des consuls – Jean Calliot en 1693, Joseph Comte en 1700, Louis Vachon en 1703 et en 1705, Jean Pron en 1707, Jean Crépieu en 1709, et toute la procession qui suit, n’apparaissent que des laboureurs ou des maîtres artisans, qui tous tiennent le haut du pavé. Il faut dire à leur décharge, qu’un habitant n’ayant que deux ou trois sous en caisse aurait eu du mal à occuper cette fonction, car le consul était souvent amené à avancer sur ses propres deniers, des sommes dues par le village entier.

D’ailleurs à peine élu, Pierre Crépieu se voit contraint de compter l’argent dû à d’anciens consuls : le seul Jean Calliot présente une ardoise de 140 Livres, soit plus d’un an de salaire d’un ouvrier agricole, dont il attend le paiement depuis maintenant onze ans !

Patience et dévouement

La charge de consul demande donc beaucoup de patience, et aussi un grand dévouement car elle n’est pas de tout repos. Pendant la durée de son mandat, un an, ce maire d’avant l’heure fait office de chef de la communauté d’habitants, l’administration ayant précédé nos communes actuelles. En tant que tel, c’est donc lui qui applique les décisions prises par les chefs de famille à l’occasion de leurs assemblées périodiques.

Lui qui sert d’intermédiaire entre les autorités royales et le village, et à ce titre se charge de répondre aux enquêtes officielles, accueille les soldats qu’il faut héberger et, surtout, veille au règlement des impôts : il a pour cela plusieurs aides, les « péréquateurs » et les « percepteurs », qui s’occupent de leur répartition et de leur prélèvement.

Mais gare si l’impôt rentre mal : c’est avec ses propres biens que le consul devra payer l’argent manquant à l’appel ! Le roi a-t-il besoin d’hommes pour garnir ses armées ? C’est encore au chef de la communauté d’habitants que l’on fait appel. Ainsi en janvier 1703, le consul Louis Vachon « faisant pour les garçons dudit lieu qui ont dû tirer au sort pour fournir un homme au régiment de Sault », engage un jeune Vénissian, Simon Rodet, qui moyennant un salaire de « septante deux livres », promet de revêtir l’uniforme, évitant du même coup aux camarades de son âge d’affronter les horreurs de la guerre.

Outre le service du roi, le consul s’occupe aussi des services rendus aux habitants eux-mêmes. Sous l’Ancien Régime, Vénissieux possède de vastes terrains communaux, des brotteaux et des îles le long du Rhône, des carrières de pierres dans les collines dominant Saint-Fons, et des bois et pâturages à Parilly, qui sont pour partie loués à des laboureurs, et pour le reste mis à la disposition des habitants pour y puiser du bois ou mener paître leur bétail. La défense de ces communaux incombe au consul, qui n’hésite pas à solliciter des avocats et à entamer des procès quand ils sont menacés.

De manière plus quotidienne, la police au village est assurée par un garde, le « champier », embauché par le consul et qui préfigure nos gardes-champêtres. Ainsi en novembre 1704, Pierre Crépieu recrute-il un homme qui, moyennant 54 Livres de salaire annuel, « se charge bien et deubment de garder et veiller a la conservation des fruits des vignes, vergiers, arbres et généralement tous autres fruits de ladite communauté ».

Les enfants ? C’est un employé de la communauté, lui aussi engagé par le consul, qui veille à leur éducation. En 1709, Mathieu Sagniol fait ainsi office de maître d’école… mais sans école, la classe se déroulant dans une chambre de sa maison, autour d’une « grande table bois noyer » et sur des « bancs bois sapin pour asseoir les escoliers, my uzés ». L’école n’est pas la seule à manquer au village. L’argent faisant cruellement défaut pour des investissements conséquents, Vénissieux n’a pas non plus de mairie ; du coup, le consul et ses aides se réunissent souvent « dans la maison seigneuriale dudit Vénissieux », vraisemblablement une grosse demeure possédée par la famille de Chaponay.

Reste un domaine dont le consul et l’assemblée des chefs de famille se préoccupent encore : le service de Dieu. Si l’abbaye Saint-Pierre de Lyon a la responsabilité d’entretenir le chœur et le clocher de l’église du village, les réparations de la nef de l’église, du cimetière et du logement du curé, incombent à la communauté d’habitants. C’est donc le consul qui surveille les lézardes sur les murs ou les fuites dans le toit, et fait intervenir les artisans nécessaires : comme en 1700, lorsque Joseph Comte a recours à un maçon et à un tailleur de pierres vénissians pour ériger le mur destiné à clore le cimetière.

En ces matières, le curé veille évidemment au grain, ce qui n’est pas sans susciter parfois des conflits : don Camillo et Peppone avaient déjà leurs dignes prédécesseurs au XVIIIe siècle, à Vénissieux comme ailleurs !

Sources : Archives du Rhône, 3 E 11447 à 11449.

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