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Abdel Ferkous : scout toujours !

À 74 ans, Abdel Ferkous est l’un des piliers du Jardin de la passion, à La Darnaise. Amoureux de la nature, sportif émérite, cet ancien soudeur arrivé d’Algérie à 22 ans est aussi un fervent adepte du scoutisme.

Abdel Ferkous – À 74 ans, il est l’un des piliers du Jardin de la passion, à La Darnaise. Amoureux de la nature, sportif émérite, cet ancien soudeur arrivé d’Algérie à 22 ans est aussi un fervent adepte du scoutisme.

Son sourire et sa bonne humeur sont hautement contagieux. À bientôt 74 ans, Abdel Ferkous passe une bonne partie de son temps au Jardin de la passion, où il cultive autant les plantes que l’ouverture aux autres. « Ici, c’est la maison du bon Dieu. Jardinier, pas jardinier, connu ou inconnu, habitant du quartier ou d’ailleurs, chacun est le bienvenu, explique-t-il dans un grand sourire. Parfois, je vois des gens regarder par-dessus la barrière, et je leur dis de rentrer si ça les intéresse. Le jardin est fait pour tout le monde ! C’est un coin de paradis, façonné par des hommes et des femmes de cœur, avec passion, amour et beaucoup de générosité. »

À l’écouter parler de romarin, de tulipes ou de salades, on pourrait le croire jardinier de profession. Mais cet ancien soudeur ne s’est intéressé au jardinage qu’en 2012, deux ans après la création du Jardin de la passion. « Avec les autres utilisateurs, on partage les mêmes valeurs, la convivialité, la curiosité… Et l’amour de la nature bien sûr. » C’est aussi un retraité dynamique. « Malgré mon âge, je fais toujours du sport : je cours, je fais des randonnées, de la marche nordique et même des semi-marathons. Et là, tout le monde ne me suit pas ! »

Abdel Ferkous est né en 1944 à Annaba, dans l’Est algérien, au sein d’une famille de paysans. « On n’était pas pauvre, pas riche non plus », se souvient-il. Puis d’évoquer son éducation : « Mes parents m’ont donné des limites à ne pas dépasser. Ils m’ont toujours dit : ton capital, c’est ta conduite, la manière dont tu vis avec les gens. Honnêteté, partage, solidarité, confiance et travail. Quand tu as tout ça, tu n’as peur de rien ». D’autres valeurs lui seront inculquées… par les scouts algériens, avec qui il passe une bonne partie de son enfance à crapahuter dans les montagnes.

Mais à 22 ans, il lui faut aller plus loin, beaucoup plus loin. Depuis quelque temps déjà, il rêve de traverser la Méditerranée. « Ce qui m’a poussé à prendre le bateau ? La jeunesse. Je voulais découvrir des choses et des gens que je ne connaissais pas. Alors je suis parti sans point de chute avec un collègue, juste comme ça. On s’est retrouvé à Marseille, avec la tête qui tournait dans tous les sens, les yeux et les oreilles grands ouverts, mais sans savoir où aller ! »

Deux mères patries
Nous sommes en 1966. Quatre ans à peine après la guerre d’Algérie, le jeune adulte doit s’intégrer dans une société dont il ne connaît pas encore tous les codes. Rapidement, il trouve du travail et un logement. Arrivé à Lyon, nostalgie oblige, il rend visite aux scouts de l’église Sainte-Blandine, près de Perrache. « Ils m’ont accueilli à bras ouverts, comme l’un des leurs. Et en voyant le taudis que j’habitais avec d’autres travailleurs immigrés, ils ont été choqués. Ils m’ont alors proposé de dormir dans la cure avec les religieux. »

Il y restera cinq ans. « Quand je leur ai demandé d’entrer chez les scouts, ils étaient surpris. Ils disaient « Nous, on est chrétien, toi tu es musulman ! » Je leur ai expliqué que ça ne me posait pas de problème. Chrétien, musulman, pour moi c’est la même chose, on partage des valeurs. » L’aumônier donne son accord mais impose une condition en forme de boutade : « N’essaie pas de nous convertir à l’islam », lui lance-t-il. « Vous êtes combien ? C’est à vous de ne pas me convertir au christianisme », répond Abdel Ferkous. Le pacte est signé par une grande tape dans le dos, les sorties s’enchaînent et les liens perdurent encore avec ceux qui sont restés. « Grâce aux scouts, j’ai trouvé mon cadre et ma liberté. Je ne pensais pas qu’on puisse ouvrir comme cela sa porte. Ils m’ont donné une autre façon de voir les choses. »

À 28 ans, Abdel Ferkous se marie et s’installe à Vénissieux. Quatre filles et deux garçons naîtront de cette union. Il se lance dans l’intérim comme soudeur, un métier qu’il conservera jusqu’à sa retraite. « Grâce à l’intérim, j’ai rencontré des professionnels qui m’ont mis sur les rails et m’ont beaucoup appris. J’ai refusé d’être embauché pendant vingt ans, mais j’étais très demandé par les clients, relate-t-il. Un jour, un patron m’a dit : « Abdel, tu as une grande gueule, mais tu as les bras qui vont avec ! » Et c’est vrai que si je veux revendiquer, je le fais. Mais toujours dans le respect. On est des ouvriers, pas des esclaves. » Puis vient finalement l’embauche, et vingt ans de carrière dans la même entreprise.

Aujourd’hui, Abdel Ferkous se dit bien à Vénissieux. « C’est une jolie ville. Mais il appartient aux habitants de donner la vraie mesure à leur quartier. Il faut offrir leur chance aux jeunes qui veulent réussir dans les valeurs de la République », fait-il valoir. « Moi j’ai deux mères patries. La première, celle qui m’a donné le sein, m’a vu naître puis partir. Et la seconde, celle qui m’a pris dans ses bras, m’a donné du pain et m’a vu vieillir. Ici on est chez nous, là-bas on est chez nous. »

Luis reste peut-être un ultime défi à relever. « Après avoir participé à des ateliers d’écriture, j’ai envie d’écrire un livre sur mon parcours. Je ne regrette rien de ma vie, et les gens me disent que c’est une belle histoire. Pourquoi pas après tout ? »

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