Au centre social Roger-Vailland, ce lundi après midi, Kosal, Malika, Meryème, Mao, Hawa, Diabou, Aïcha et une quinzaine d’autres personnes travaillent intensivement. À leurs côtés, Michèle Annarelli, formatrice FLE (Français langue étrangère), présidente du centre social, mais aussi Simone, Dominique, Clémence et Raymonde, toutes bénévoles.
Michèle encourage les “élèves” : “Vous êtes là pour apprendre ! Vous avez donc le droit de vous tromper.” Au programme : lecture syllabique d’abord, puis des mots à déchiffrer (moto, lavabo, vélo), suivis d’une petite dictée. Certaines sont plus à l’aise que d’autres. Mais toutes ont un point commun : le désir d’apprendre à lire, écrire, pour se débrouiller seules. Meryème, d’origine algérienne, participe depuis deux ans aux ateliers. Aïcha, Tunisienne et maman de quatre enfants, veut apprendre le français pour discuter avec les enseignants, les médecins… Tout comme Diabou, de Guinée-Conakry, qui a 6 enfants. Mao, Cambodgienne, n’ose pas intervenir, tandis que Hawa, originaire du Sénégal, se félicite d’avoir pu laisser ses jeunes enfants à la crèche du centre social.
Les ateliers sociolinguistiques existent depuis la création du centre. “Ils ont disparu en 1998 pour mieux renaître en 2005, explique Marie-Hélène, animatrice. Une renaissance que l’on doit au travail mené par la plateforme linguistique coordonnée par le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles), mise en place à la Maison du projet dans le cadre du Grand Projet de Ville. Cette plateforme est un collectif de partenaires : on y retrouve des centres de formation comme le Greta, le Certa, des acteurs de l’insertion professionnelle comme Estime, la Régie de quartier, Pôle emploi… Ces structures nous font remonter les besoins.” Et le diagnostic est sans appel : le nombre de places n’est pas à la hauteur de la demande.
Le centre social, situé au cœur des Minguettes, propose pourtant huit heures d’ateliers par semaine contre deux en 2005. Mais cette offre reste insuffisante. Serge Buy, le directeur, le regrette : “90 personnes participent à nos ateliers, et près d’une centaine est sur liste d’attente. À Roger-Vailland, nous sommes dans l’apprentissage du français pour accéder à la citoyenneté. Parallèlement aux cours, nous avons organisé quatre visites à la mairie, ce qui permet la découverte des institutions locales, la connaissance des droits et des devoirs.”
Malika : “Lire et écrire, c’est s’intégrer”
Vénissiane depuis 2006, elle décide de se lancer en septembre dernier. Premier sentiment de bonheur : l’invention de sa propre signature ! “Michèle notre formatrice nous avait dit que c’était important. Dans ma vie, il y a un avant et un après, insiste-t-elle. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureuse quand je dois aller chercher un document à La Poste ou ailleurs et que je signe. C’est extraordinaire !”
Tenir une conversation lui est aisé. En revanche, l’écrit et la lecture restent difficiles. “C’est une copine qui m’aide pour mes papiers. Mais j’ai vraiment envie de tout faire toute seule. Le jour où je saurai lire et écrire je ferai une grande fête.” Depuis septembre, elle constate ses progrès au quotidien, dans le métro par exemple. “Avant je comptais les stations et je descendais toujours aux mêmes endroits. Maintenant je mets du temps mais j’aime bien essayer de décrypter le nom des arrêts. Ce n’est pas encore gagné, mais j’espère bien y arriver.”
Malika est intégrée professionnellement. “Je travaille dans une société de nettoyage de cinq heures du matin à midi et tous les jours j’attends le cours du lundi !” Et pendant deux heures elle travaille ardemment. Elle rechigne même un peu pendant la pause-café. “C’est du temps perdu”, argumente-t-elle. Elle voudrait venir plus souvent, mais il n’y a pas de place. Pour elle comme pour toutes les personnes que nous avons rencontrées, savoir lire et écrire, “c’est la porte de l’intégration”.
Kosal : “Apprendre le français, c’est accéder à la citoyenneté”
Clémence connaît bien ces ateliers pour y avoir fait son stage de troisième année de Licence. “J’ai tout naturellement continué. C’est très gratifiant, ces personnes ont besoin d’aide et on leur apporte. Leur motivation est sans borne. Ce qui nous paraît évident est très complexe pour elles. Nous travaillons toujours avec le même groupe. On s’aperçoit que des liens se sont tissés entre nos “élèves”. Et c’est réussi quand ils arrivent à échanger un peu en français !”
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