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Humanitaire : Dorothée Lintner, de la Sorbonne à Bioforce

Dorothée Lintner est la nouvelle directrice de Bioforce depuis février 2022. Avant de prendre la tête du centre de formation pour les métiers de l’humanitaire, cette mère de famille de 38 ans a été enseignante chercheuse en littérature française à Sciences Po et à la Sorbonne, puis responsable de la formation pédagogique de l’université interne d’Engie.

Ancienne prof de littérature française à la fac, vous avez travaillé chez Engie avant de prendre la direction de Bioforce. Peut-on dire que votre CV est atypique ?

« Déjà, chez Engie, mon profil était relativement atypique. Dans un groupe industriel, une prof agrégée en lettres modernes, ce n’est pas très courant. »

Avez-vous conservé cette fibre de l’enseignement ?

« J’ai toujours gardé le statut de vacataire pendant mes dix années d’entreprise. Je donnais les cours le soir. Je préparais les étudiants aux oraux du Capes de lettres modernes. Je suis spécialisée dans les siècles anciens, la Renaissance et l’Ancien Régime. J’aime l’histoire et l’histoire de la littérature. »

Vous avez vécu une tranche de vie au Liban…

« J’ai pris ce congé sabbatique entre 2019 et 2020. J’ai suivi mon mari, qui est prof de droit. Nous étions avec deux enfants en bas âge, dont un bébé de 18 mois. Je me suis présentée à l’université de lettres pour enseigner. Je suis rentrée en France quinze jours avant l’explosion au port de Beyrouth. Mon appartement n’existe plus. Cette expérience au Liban m’a énormément marquée. Ce fut une plongée dans l’inconnu. »

Que vous a apporté votre expatriation ?

« Je n’étais pas forcément préparée aux enjeux de la vie locale. Même avant la révolution, il y avait des coupures d’eau et d’électricité. Au Liban, l’absence de service public est totale. Il n’y a pas de bus, pas de trains, pas de piscines. Tout se paye au prix fort. Cela questionne les possibilités d’éducation. Il faut s’adapter à la réalité sociale qui est très contrastée. Au final, j’ai énormément appris. Parfois dans la douleur, c’est vrai. Mais ça a été une vraie ouverture. Les voyages forment la jeunesse. Les expatriations forment tout le monde. Le retour à Paris m’a ouvert de nouveaux projets professionnels. »

Quel a été votre parcours chez Engie ?

« J’ai été chef de projets de l’université interne. Puis, je suis devenue directrice pédagogique. A mon retour, j’ai pris en charge le pilotage de la formation pour le groupe. Il y a eu une transformation numérique à mener. La crise Covid a chamboulé le monde de l’apprentissage. On a vu qu’on ne reviendrait pas au ‘monde d’avant ‘. Aujourd’hui, pour faire venir les gens sur place, il faut de bonnes raisons. »

Quel aspect de votre vie professionnelle vous plaît le plus ?

« Ce que j’aime, c’est créer les conditions pour que les gens apprennent bien. C’est ce que j’ai acquis dans mon parcours. J’avais envie de prendre la direction d’une école ou d’un institut, quel que soit son domaine, pourvu qu’il ait du sens. »

Que comptez-vous changer chez Bioforce ?

« Bioforce a une carte à jouer sur l’accessibilité. A nous d’être plus proches des besoins des territoires et des personnes à former. Nous travaillons sur des formations plus modulaires. Quand il faut caser entre trois et six mois de formation dans un agenda, c’est compliqué. La numérisation permet d’être moins contraint d’un point de vue logistique. »

Après Dakar, au Sénégal, prévoyez-vous d’ouvrir un nouvel établissement d’enseignement ?

« A priori, nous ouvrirons nos futurs bureaux en Jordanie. Les sièges des grandes organisations internationales sont implantés là-bas. Il est essentiel de s’associer avec des universités et des écoles. Depuis la création de nos formations en Afrique de l’Ouest, l’idée est de former les professionnels de la solidarité internationale sur place, dans les pays en développement. »

Comment vos formations vont-elles évoluer ?

« Nos contenus doivent s’adapter au niveau d’éducation et de la présence universitaire sur place. On a également besoin de bras pour déployer nos formations. Les exercices et les mises en situations dépendent du contexte. Au Moyen-Orient, les niveaux d’éducation et de formation sont élevés, tout comme les possibilités numériques. »

Quels sont les grands sujets à aborder ?

« Le transfert monétaire est un sujet important au Moyen-Orient. L’eau, l’hygiène et l’assainissement aussi, comme partout ailleurs. En Afrique, ce sera la nutrition et la protection de l’enfance en situation d’urgence. »

La guerre en Ukraine ouvre-t-elle des perspectives d’action ?

« Il est trop tôt pour le dire. Les organisations internationales ont été prises de court. Elles tentent de calibrer leurs actions dans un champ inédit. Nous suivons tout cela de près mais restons prudents. Il est essentiel de garder une vision à long terme et ne pas oublier les autres sujets. Enormément d’aides se déversent. Pour nous, le temps de l’information n’est pas celui de l’action. Mais le conflit pourrait susciter des vocations. »

De quels profils les ONG ont-elles besoin ?

« Les ONG ont besoin de personnes qui ont une certaine maturité professionnelle et personnelle. Ces gens doivent être alignés avec eux-mêmes. Leur projet doit être bien défini. Les ONG recherchent avant tout des personnalités et des compétences relationnelles. Pour la chaîne logistique, le travail de synthèse et de rapport demande une grande rigueur et prend beaucoup de temps. Pour le coup, on est loin des compétences techniques. Ces capacités rédactionnelles et de comptabilité sont très demandées. »

Qu’est-ce qu’un bon humanitaire ?

« D’après ce qu’on me rapporte, il serait une alliance de plusieurs compétences. Il possède un savoir-faire professionnel mais n’est pas forcément spécialisé. Il apprend sur le terrain mais a un peu de bouteille. Il développe un grand sens de l’engagement. Son savoir-être l’aide à faire face aux situations difficiles. Il sait tenir le coup, il est résistant. Son grand sens du collectif lui permet d’agir dans l’urgence. »

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