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Sécheresse et parasites, “une tempête silencieuse” décime nos arbres

Canicules à répétition, sécheresse, tempêtes plus fréquentes, invasions de parasites : plus de 1.500 arbres ont dû être abattus en deux ans à Parilly et à Vénissieux. L’impact des changements climatiques se produit sous nos yeux, et à toute vitesse. Comment les collectivités font-elles face ?

Réchauffement global, canicules à répétition, moindres précipitations, tempêtes plus fréquentes, invasions de parasites… L’impact des changements climatiques ne se fait pas sentir seulement au bout du monde, mais aussi sous nos yeux, et à toute vitesse. Dossier.

Souvenez-vous : fin décembre 1999, deux tempêtes balayaient la France coup sur coup. Avec des pointes à plus de 200 km/h, le vent causait des dommages sans précédent sur plus de 6 % de la forêt française. Vingt ans plus tard, les forêts font face à une « immense tempête silencieuse ». L’expression de Claudine Richter, chercheuse à l’Office national des forêts (ONF), décrit bien l’ampleur des conséquences locales d’un changement climatique mondial.

Selon l’ONF, plus de 218 000 hectares de forêts publiques ont été touchés l’an dernier en France par des dépérissements. L’équivalent des deux tiers de la superficie du département du Rhône. Et ce n’est qu’un début, car la température pourrait augmenter de 2 à 5 °C dans les prochaines décennies, et le régime des pluies être profondément modifié. Cette évolution fragilise les grands végétaux, qui ne peuvent pas s’adapter aussi vite à la nouvelle situation.

Aux températures élevées et aux sécheresses répétées, s’ajoute l’invasion de ravageurs comme le scolyte, un petit coléoptère qui se nourrit de la sève des épicéas, des hêtres, des sapins, jusqu’à les tuer. Déjà, « les forêts du grand nord-est sont en situation de crise sanitaire », observe l’ONF. Et chez nous ?

Chez nous, il y a les 18 000 arbres du parc de Parilly, géré par la Métropole, et les 7 000 présents dans les parcs et jardins municipaux. Et dans la forêt ou dans les squares, nul n’échappe à l’évolution constatée. « Que des arbres dépérissent et meurent, c’est naturel, c’est le cycle du vivant. Mais dans cette proportion, ça n’est pas normal », s’étonne Mathieu Lamure, responsable de l’unité Espaces naturels de la direction Parcs et jardins du Grand Lyon. À Parilly, il dû faire abattre 1 300 arbres, 740 l’hiver dernier et plus de 550 cet hiver, soit 7 % du patrimoine arboré du parc. « À ce rythme, si on ne replantait pas, le parc serait déboisé en douze ans. »

“Du jamais vu” à Parilly et aux Minguettes

Dans les espaces verts gérés par la Ville de Vénissieux, pour la même période, il a fallu couper 260 arbres atteints de dépérissement. Du jamais vu. « Avec 170 arbres abattus, c’est le parc des Minguettes qui a subi le plus de pertes, explique Philippe Laurent, responsable du service municipal des espaces verts. Les sols y sont peu profonds et peu fertiles, faits d’un mélange de cailloux, de gravier et de sable qui ne retient pas bien l’eau. » À Parilly aussi, le terrain très sableux draine l’eau. Les arbres du parc Dupic ont moins souffert, car son sol est composé d’une terre végétale plus fertile. Autre point commun entre les parcs de Parilly et des Minguettes, ils sont situés dans un milieu urbanisé, minéral, qui accumule la chaleur pendant la journée et la restitue la nuit, laissant peu de répit aux végétaux.

Au parc des Minguettes

La sécheresse, voilà l’ennemie. Non seulement les canicules estivales deviennent chroniques, mais les printemps ne sont plus assez arrosés. « En 2030, Lyon aura le climat actuel de Madrid, et en 2050 celui d’Alger aujourd’hui », pronostiquent les experts. Après tout, avoir des orangers et des palmiers à la place des bouleaux et des platanes, est-ce si dramatique ? « Sauf que Lyon connaîtra encore des épisodes hivernaux avec des températures allant de – 2° à -15°. Ces arbres-là ne supporteront pas une telle variabilité climatique », explique Julie Dussert, responsable du service Patrimoine vert et technique à la Métropole de Lyon. « Les animaux et les plantes avec un cycle de vie court peuvent s’adapter, mais l’échelle de vie d’un arbre, c’est plusieurs siècles. Ça va trop vite pour les chênes et les charmes. »

Des “climatiseurs naturels”

Mais au fait, pourquoi faire de la préservation du couvert végétal un tel enjeu dans nos villes ? « La végétation a une fonction d’épurateur d’air très efficace, rappelle Julie Dussert. Sur Terre, les forêts absorbent chaque année 8 milliards de tonnes de CO2, dont 70 millions de tonnes en France. Un arbre de 5 m3 peut en capter 5 tonnes à lui seul. C’est aussi un climatiseur naturel. À l’ombre d’une futaie, la température baisse de 2 à 8°. Et puis c’est un facteur de bien-être, d’agrément. »

Comme les hommes, les arbres ne sont pas tous égaux face aux aléas climatiques. Par exemple, ceux qui ont le plus souffert ne sont pas forcément les plus vénérables : à Parilly comme aux Minguettes, les arbres sont des jeunots. Ils n’ont été plantés qu’entre les années 1950 et 1970, lors de l’aménagement de ces espaces. Quand on sait qu’un hêtre ou un érable vivent au moins 200 ans et qu’un chêne dépasse facilement les 500 ans…

“On les voit disparaître sous nos yeux”

Ensuite, certaines essences ont plus « dégusté » que d’autres. Les 178 hectares de Parilly abritent une centaine d’espèces différentes. Des cèdres, des chênes rouges, des érables, des pins, des hêtres, des charmes, des frênes, des ormes… « On a perdu la totalité des épicéas, ravagés par le scolyte, raconte Mathieu Lamure. Maintenant, on voit disparaître sous nos yeux ces arbres emblématiques de nos forêts que sont les hêtres, les charmes, les ormes… » Dans les espaces verts de Vénissieux, Philippe Laurent constate le même processus, avec les mêmes victimes (plus les bouleaux), pour les mêmes raisons. « Ces deux derniers étés, les feuilles ont littéralement grillé et sont tombées comme en automne. »

Petit rappel de botanique : un arbre d’une trentaine de mètres de hauteur a besoin de 200 litres d’eau par jour pour vivre. Pour faire monter la sève chargée de nutriments jusqu’au bout des branches, les arbres « évapo-transpirent » par leurs feuilles. Si ces dernières sont absentes l’été, l’arbre ne peut ni se nourrir ni « boire » et meurt, comme tous les êtres vivants confrontés à la même situation.

Avenue Francis de Pressensé, les micocouliers résistent bien

Arbres d’alignement : élevés à la dure

Et qu’en est-il des arbres d’alignement ? Situés sur les trottoirs de la ville, sur des surfaces imperméables, ils ont moins de sols fertiles à prospecter que dans un jardin, et sont plus exposés à la chaleur et à la pollution. « Pourtant, à part quelques dépérissements de cerisiers à fleurs et quelques dessèchements de vieux tilleuls, ils ont l’air d’avoir moins souffert », observe Frédéric Ségur, responsable du service ingénierie et prospective du Patrimoine végétal du Grand Lyon, membre du conseil scientifique du collectif Plante et Cité. Il avance deux raisons à cela. « La variété des espèces dans les rues de Vénissieux, plus d’une centaine, minimise le risque de disparition massive des essences. Et puis, étant élevés à la dure, peut-être ces arbres développent-ils des résistances plus importantes que leurs congénères des parcs, habitués à de bonnes conditions et qui souffrent en cas de situation exceptionnelle ? »

Des réponses communes

Confrontés au même problème, les techniciens de la Métropole et de la commune apportent la même réponse en deux temps. Primo ils modifient leurs pratiques, secundo ils diversifient les espèces. « Nous favorisons la végétation spontanée, avec moins de tonte ou de fauche, et nous créons des mares et des zones hors public pour favoriser la biodiversité, décrit Julie Dussert. Nous allons aussi planter 1 000 arbres et 2 000 arbustes ». Une action à laquelle participent les élèves des établissements voisins, comme l’école de Parilly à Vénissieux (voir ci-dessous).
À Vénissieux, justement, « les jardiniers plantent désormais des arbres moins gros, plus jeunes, avec moins de feuillage au départ, pour leur laisser le temps d’installer en douceur leur système racinaire, ce qui garantit une meilleure reprise, annonce Philippe Laurent. Bien sûr, nous remplaçons systématiquement les arbres morts, et nous en plantons d’autres. ». Pour Frédéric Ségur, « la fertilité des sols est mieux prise en compte dans les nouveaux projets de plantations, pour améliorer les conditions de vie des arbres. De même que le choix du bon arbre au bon endroit permet de l’adapter aux contraintes du site pour maximiser les chances de réussite. »

Quelles essences planter ?

Dans le cadre de son Plan énergie air climat, le Grand Lyon s’engage à compter 300 000 arbres sur son territoire d’ici 2030, alors qu’elle en gère aujourd’hui 80 000. « Il s’agit de mobiliser tous les propriétaires d’espaces potentiellement arborés, les collectivités, les entreprises, les bailleurs, les particuliers, avec un effort porté sur l’Est, pour réduire la fracture arboricole avec l’Ouest lyonnais », explique Julie Dussert. Planter massivement, d’accord, mais quoi ? Comment savoir si les espèces choisies aujourd’hui tiendront le choc thermique des décennies à venir ? « On ne le sait pas vraiment, admet Mathieu Lamure. On observe, on tente, c’est un pari sur l’avenir. Pour se donner plus de chances, on diversifie les essences, en choisissant les moins gourmandes en eau, avec une forte rusticité pour passer l’hiver. »

plantation d’arbres dans le parc de parilly

Une quarantaine d’espèces sont « tentées » à Parilly : chêne pubescent, chêne-liège, cornouillers, viorne, baguenaudier… Mathieu Lamure à un faible pour le chêne vert. Très présent sur tout le pourtour méditerranéen, il résiste bien au sec et au froid. Mais son feuillage persistant le rend vulnérable aux forts coups de vent et au poids de la neige très mouillée. Exactement ce que l’on a connu en décembre et qui a fait tant de dégâts… À Vénissieux, les jardiniers municipaux aussi varient les plantations. Philippe Laurent observe que « certaines espèces déjà présentes résistent mieux que d’autres, comme les micocouliers, les cèdres, les mélias… » N’en déplaise à Dutronc, ce n’est donc pas demain que le monde entier sera un cactus, mais pour certains arbres, ça va être chaud.


COMMENT PROTÉGER LE PATRIMOINE ARBORICOLE DE VÉNISSIEUX ?

3 questions à Jean-Maurice Gautin, adjoint au maire de Vénissieux, en charge du cadre de vie

En décembre, la neige et le vent ont cassé des branches et arraché des arbres. Le service des espaces verts est intervenu pour sécuriser les lieux, ici au parc Dupic.

Combien d’arbres compte Vénissieux ?
Le patrimoine arboré géré directement par la commune est de 7 180 arbres. S’y ajoutent les 5 254 arbres gérés par la Métropole sur les trottoirs. L’opération « Puisoz – Grand Parilly » a permis de planter près de 1 000 nouveaux arbres. Enfin, le nombre d’arbres qui se trouvent sur les terrains des particuliers, des entreprises et des bailleurs est estimé à plus d’un millier d’unités. On a donc près de 15 000 arbres à Vénissieux, auxquels s’ajoutent une bonne partie de ceux du parc de Parilly et des espaces agricoles des Grandes Terres.

Quelles mesures prend la Ville pour adapter son patrimoine arboricole ?
Nous enlevons les arbres malades et nous en replantons en changeant les essences. On les remplace par des variétés qui demandent moins d’eau et qui résistent mieux au dessèchement, mais qui doivent aussi supporter des épisodes de gel.

Comment végétaliser davantage la ville ?
Il faut poursuivre les plantations d’arbres d’alignement sur les trottoirs, sans gêner les déplacements de personnes à mobilité réduite. Je pense aussi qu’il faut intégrer la végétalisation des aménagements dès leur conception, plutôt que « débitumer » l’existant, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives. Par exemple, végétaliser et enherber les places, conduirait à installer les marchés dans les rues.


« MAINTENANT, C’EST NOTRE ARBRE ! »

« À la Sainte Catherine, tout bois prend racine. » Ce dicton bien connu rappelle le bon moment de l’année, fin novembre, pour planter arbres et arbustes. Des élèves de CM1-CM2 du groupe scolaire Parilly ont respecté cette indication pleine de sagesse, et sont allés planter une vingtaine d’arbres dans le grand parc voisin. Une initiative de la Métropole qui veut sensibiliser les jeunes à la lutte contre le réchauffement climatique. « Les arbres sont malades à cause de la canicule, les jardiniers sont obligés de les couper » se désole Amel. Achille, lui, a adoré l’étude des feuilles. « On a vu des petites bêtes, comme les mille pattes. Elles mangent les feuilles qui tombent par terre et après, leur caca fait du terreau très bon pour les arbres. » La plantation des arbres a été un jeu d’enfant, à entendre Ali : « alors, on a pris un arbuste, on a mouillé ses racines, on a creusé un trou, on l’a mis dedans, on a mis des copeaux de bois autour et un bambou pour qu’il pousse droit, puis on a installé un grillage autour. Aussi, on a accroché notre nom sur une fiche. Maintenant, c’est notre arbre ! » Depuis, Achille y est retourné avec ses parents, pour voir s’ils avaient poussé. « Ça ne va pas vite », a-t-il observé…

 


EN EUROPE, UN ARBRE SUR DEUX MENACÉ D’EXTINCTION

Des 454 espèces d’arbres européens, 42 % sont menacées d’extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Plus inquiétant, 58 % des arbres endémiques d’Europe (ceux qui n’existent nulle part ailleurs sur la planète) sont menacés et 15 % ont été classés dans la catégorie « en danger critique », dernier palier avant l’extinction. Les sorbiers, l’orme de montagne, le marronnier ou certains lauriers font partie des espèces les plus menacées.

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