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« L’enjeu, c’est de retrouver un peu de maîtrise sur son quotidien »

Chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier, le professeur Nicolas Franck revient dans son livre ‘Covid-19 et détresse psychologique’ sur les conséquences du confinement sur notre santé mentale.

Chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier et responsable d’enseignement à l’université Claude-Bernard à Lyon, le professeur Nicolas Franck revient dans son livre « Covid-19 et détresse psychologique » sur les conséquences du confinement sur notre santé mentale.

– Votre livre est sous-titré « 2020, l’odyssée du confinement ». Vous considérez donc que le confinement est, selon la définition du Larousse, un « voyage mouvementé, semé d’incidents » ?
Oui, absolument. C’est un voyage introspectif mouvementé au minimum, qui change nos habitudes quotidiennes. C’est particulièrement vrai concernant les personnes fragiles d’un point de vue psychologique. Le confinement ne les a pas aidées, elles ont pu se trouver plus anxieuses, plus stressées. Mais on ne peut pas faire de généralités : d’autres, qui apprécient la solitude, s’en sont mieux tirés !

– Le confinement a aussi été un « révélateur de fragilités » ?
Oui. Nous avons constaté que certains sont venus pour la première fois de leur vie en psychiatrie à cette occasion. Cela ne veut pas dire qu’ils devront être suivis durablement, mais tout de même, cette conséquence du confinement est réelle.

– Comment se manifeste le stress lié au confinement ?
Ce que l’on retrouve le plus souvent, ce sont des troubles anxieux, des insomnies, des crises d’angoisse ou de panique, des dépressions… Comme souvent en matière de psychologie, c’est très hétérogène. Il n’y a pas deux patients identiques, chacun a son seuil de vulnérabilité.

– Dans votre livre, vous comparez le stress des personnes confinées à celui que peuvent ressentir les astronautes. Quels sont les points communs entre ces deux isolements ?
En effet, pour mon livre, je me suis intéressé aux astronautes et à la littérature consacrée aux conséquences psychologiques de leurs missions. J’ai trouvé beaucoup de points de comparaison : en confinement, il est possible de se retrouver physiquement limité à quelques mètres carrés, les échanges sont compliqués autrement que par les réseaux sociaux ou le téléphone, on doit gérer seul ses émotions… Or, la différence avec les astronautes, c’est la préparation. Eux sont entraînés à cela, suivis en amont. Pas la population, peu habituée à ce genre d’isolement !

Ce deuxième confinement aura-t-il les mêmes conséquences que le premier ?
Pas forcément. Les gens semblent très contrariés par ce nouveau confinement, mais moins sidérés. Il y a donc, cette fois, un peu plus de préparation mentale, d’habitudes retrouvées, lesquelles sont rassurantes. Néanmoins, ceux qui ne supportent pas ce type de situation risquent de se retrouver à nouveau en grande difficulté.

– Qui sont les personnes à risque ?
Le confinement peut être source de stress pour tout le monde. Chacun a sa manière de gérer, de reconstruire un quotidien avec des règles différentes. Quelqu’un de très sociable, par exemple, va vivre une rupture importante avec ses habitudes mais, s’il fait preuve de résilience, va s’en sortir, grâce aux réseaux sociaux par exemple. À l’inverse, quelqu’un qui se sent déjà coupé du monde et qui en souffre, va se sentir encore plus mal, et devra faire plus d’efforts pour passer cette épreuve.

– Justement, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui craindrait de se sentir mal à cause du confinement ?
Le principal enjeu, c’est de réussir à retrouver un peu de maîtrise sur son quotidien, de ne pas subir les événements. Il faut ainsi structurer son emploi du temps, se fixer des objectifs à court et à moyen terme, se projeter au-delà de la période… C’est très important, de parvenir à se représenter ce que va être la sortie. De même, pour rompre l’isolement, la solidarité est la clé. Il faut chercher à créer, maintenir et enrichir le lien que l’on a avec l’extérieur.

– Et les enfants, comment vivent-ils le confinement ?
Ils sont plus résilients que les adultes, et bien plus que ces derniers ne le pensent parfois. Je recommande néanmoins à leurs parents de veiller à ce qu’ils ne s’enferment pas dans une vie d’écrans (jeu vidéo, smartphone, tablette…). En décrocher ensuite peut être assez difficile.

– À qui recommandez-vous la lecture de votre livre ?
Je suis persuadé que tout le monde peut trouver un intérêt à sa lecture. Le confinement est une expérience déconcertante, déstabilisante. On a tous une santé mentale, et ne pas en parler, ne pas s’y intéresser, constituerait une erreur. Ainsi, en cas de difficultés, il est important de se faire accompagner. Cela n’a pas besoin d’être long, parfois, se contenter d’en parler peut faire du bien. Et pour ceux qui seraient plus fragilisés par cette période, des solutions existent.

« Covid-19 et détresse psychologique. 2020, l’odyssée du confinement »
Par le professeur Nicolas Franck. Édité chez Odile Jacob. 211 pages. 21,90 euros.

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