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Portraits

Cyrille Bonin : rock the banlieue

Ce Dijonnais a vécu une dizaine d’années à Vénissieux et s’en souvient avec tendresse. Depuis, il est devenu directeur du Transbordeur, la salle de spectacles lyonnaise. De sa jeunesse aux Minguettes à sa passion du rock, souvenirs, souvenirs…

Ce Dijonnais a vécu une dizaine d’années à Vénissieux et s’en souvient avec tendresse. Depuis, il est devenu directeur du Transbordeur, la salle de spectacles lyonnaise. De sa jeunesse aux Minguettes à sa passion du rock, souvenirs, souvenirs…

“J’aurais jamais imaginé, dans notre bande, que l’un d’entre nous deviendrait directeur du Transbordeur, l’autre une écrivaine ayant obtenu le prix Renaudot, l’autre encore le manager du Peuple de l’herbe. On est de la génération du rock alternatif et on a fait nous-mêmes ce qu’on ne nous a pas donné. C’est le Do It Yourself !”

Dans son bureau du Transbordeur, salle de spectacles lyonnaise — le directeur, c’est lui —, Cyrille Bonin évoque sa jeunesse. Ce fils de cheminots dijonnais arrive aux Minguettes en 1972. “Mon père, qui bossait à la SNCF, avait été embauché à 17 ans. En 1970, ils étaient très peu à devenir cadres, à condition de travailler à un projet de train qui relierait Paris à Lyon en deux heures, ce qui paraissait improbable.”

La famille quitte donc Dijon pour s’installer à Vénissieux, “parce qu’il y avait des appartements avec salle de bains, c’est aussi con que ça !” Cyrille grandit rue Pierre-Dupont, derrière l’avenue Jean-Cagne, entre 3 et 11 ans. Puis, c’est à nouveau un déménagement, cette fois direction Saint-Symphorien-d’Ozon, “la banlieue campagne”, parce que ses parents voulaient devenir propriétaires.

“Mes souvenirs de gosse sont géniaux et je suis resté assez banlieusard dans l’âme. Il n’existait alors pas de tensions ni d’économie parallèle. Je suis resté fidèle à Vénissieux. Quand j’habitais Chaponnay, j’allais à Lucie-Aubrac. Elle est mortelle, cette médiathèque !”

Cyrille fréquente l’école Paul-Langevin, où il saute des classes. “L’école était importante, on y passait toute notre vie. En dehors, il y avait les assos, les clubs de sport. J’ai appris à nager à la piscine et j’ai suivi de près l’épopée du club de hand. Et puis, je lisais un max de bouquins que j’empruntais à la bibliothèque de la SNCF, au pied de la tour Monmousseau. Le cinéma Gérard-Philipe n’existait pas encore. Alors, voir des films était une aventure, on prenait le bus pour Lyon. On allait aussi au marché des Minguettes, jamais à celui de la vieille ville. Je suis resté un fidèle défenseur de ce mode de vie. Aujourd’hui, la mixité sociale n’existe quasiment plus. Après mon divorce, je me suis posé la question de retourner habiter à Vénissieux mais j’ai trouvé une opportunité à Lyon et j’y suis resté.”

Cyrille fréquente ensuite le collège Jacques-Prévert à Saint-Symphorien, puis le lycée Colbert, “pour les gosses durs”. Pendant tout ce temps, dès 12-13 ans, il se prend d’une véritable passion pour la musique. “J’ai toujours écouté du rock’n’roll. J’étais fils unique et j’avais les livres et la musique. La radio aussi, le soir, à partir de 20 heures, avec les émissions de Francis Zégut sur RTL et Bernard Lenoir sur France Inter. Et la presse, grâce à mon père qui acceptait de m’acheter Le Progrès, Libé, Rock & Folk et Best. À la bibliothèque SNCF dont j’ai déjà parlé, il y avait déjà quelques disques proposés. C’est à cette époque que j’ai découvert par exemple le Velvet. On mettait des mois à trouver des disques d’Iggy Pop avec les Stooges. On n’avait pas beaucoup de pouvoir d’achat. C’était aussi l’époque où on trouvait plus facilement un petit job. À Saint-Sym, on aidait les cressonniers. Ou on passait le Bafa et on pouvait travailler dans les centres aérés de Ternay.”

Après le bac, Cyrille s’inscrit en lettres modernes, obtient son Deug “mais pas la licence” et se constitue un nouveau “gang de potes” : parmi eux, Virginie Despentes — la titulaire du prix Renaudot, c’est elle —, Stéphane Chaumat (Le Peuple de l’herbe) et Laurent Zine, qui fit partie de l’aventure du journal 491. Il monte un petit groupe de rock, les Bikers, participe aux créations de “labels, petites maisons de disques”“Nous étions punks, engagés politiquement, écoutions Bérurier Noir, NTM, le début du hip-hop. J’ai toujours aimé organiser. Nous avions plusieurs labels, fanzines, associations : Les Trottoirs propres, Gougnaf Mouvement, Attaque sonore, Splash et Prout, Gougnaf Land…”

Ce dernier nom désigne la boutique de disques que tient Cyrille, rue Burdeau, où travaille également Virginie Despentes. De là à penser que notre héros a initié le personnage de Vernon Subutex, superbe roman en deux volumes de Virginie — le troisième tome est déjà annoncé —, il n’y a qu’un pas que Cyrille coupe dans son élan. “Virginie est une romancière, “Vernon Subutex”, son livre, c’est de la fiction ! C’est elle qu’il faut aller questionner, moi je ne peux rien dire là-dessus !”

“On a créé des programmes d’été
à l’extérieur de la salle,
pour l’émergence, la découverte,
et c’est gratuit.
On aime que ça brasse,
que les publics se mélangent.”

Avec Gougnaf Mouvement, label créé en 1984 en région parisienne par Rico Maldoror et étendu ensuite à Angers et Lyon, Cyrille se souvient de la sortie du 45 tours de Parabellum et de ses titres : “On est gouverné par des imbéciles” ou “Anarchie en Chiraquie”, bien avant le “Bienvenue en Chiraquie” de Sinsemilia.
“En 1990, il fallait trouver un job. Il y avait mon numéro de téléphone sur les 45 tours qu’on sortait et un jour, la Fnac appelle chez mes parents : l’enseigne ouvrait un magasin à Saint-Étienne et recrutait des disquaires. J’y suis entré en 1989 et en suis parti en 1993 après avoir passé deux ans à Saint-Étienne et deux ans à Paris.”

C’est aussi l’époque où, à Lyon, avec Independance Records, il fait le lien entre le rock traditionnel, l’indérock, l’alternatif, la techno… “Nous avons vendu des milliers de disques. En parallèle, j’ai fait partie des gens qui ont fondé Les Nuits sonores.”

Mais posons-nous quelque temps sur l’année 1989, celle où Cyrille entre à la Fnac. Dans les années quatre-vingt, il se revendique banlieusard et, avec ses copains, fréquente le Truc(k), la salle de spectacles de Vénissieux. Et se souvient de “moments fantastiques” avec les prestations de Nick Cave ou des Feelies. Puis de l’ouverture du Transbordeur, en 1989, dans une ancienne usine de traitement des eaux. Dont il deviendra le directeur des années plus tard.

“Quand il a été question de la délégation de service public pour le Transbo — le bâtiment appartient à la Ville de Lyon et est situé sur la commune de Villeurbanne —, nous avons construit un alliage pour la remporter, avec Eldorado, Alias, le tourneur qui possède Le Bataclan, Vincent Carry (le directeur des Nuits sonores, ndlr) et moi. On l’a remportée en 2010. Une DSP sans subventions, ni de l’État, ni de la Région, ni de la Ville de Lyon. Nous avons une économie modeste, deux millions d’euros de chiffre d’affaires, c’est celui d’un artisan à Vénissieux. Elle provient d’un mélange de recettes, de billetterie, de bar, de partenariats privés et d’utilisation de la boîte à outils, qui nous permet d’avoir cinq salariés à plein temps.”

Boîte à outils : c’est ainsi que Cyrille parle du Transbo, qui réunit 150 000 spectateurs par an pour 180 dates. Ce qui lui donne l’occasion d’exposer brièvement ses convictions en matière de politique culturelle. Il applaudit l’affluence des gosses à la médiathèque de Vénissieux ou l’existence des Fêtes escales, festival gratuit. Il reconnaît toutefois chez lui “un engagement citoyen très complexe” qui lui demande de “ménager la chèvre et le chou”, de “ne pas faire table rase mais de faire évoluer les choses”. “Le prix moyen du Transbo est de 15 euros, ce qui reste accessible.”

L’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan a quelque peu modifié la donne. Cyrille avoue en avoir été très perturbé (on le serait à moins). “On l’a vécu ici en direct, nous sommes proches des équipes du Bataclan. Pour moi, un gosse de banlieue, j’avais un sentiment d’échec. On organise des concerts et, à cause de nous, des gens se font tuer. Il fallait rassurer l’équipe et le public et réutiliser notre boîte à outils de la meilleure façon possible. On a créé des programmes d’été à l’extérieur de la salle, pour l’émergence, la découverte, et c’est gratuit. On aime que ça brasse, que les publics se mélangent. Heureusement, la passion reste au cœur du truc !”

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