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Les policiers de Vénissieux, au quotidien

Au-delà des clichés, des émissions de télévision racoleuses, quelle est la vie d’un commissariat ? C’est ce que nous avons essayé de savoir, en passant quelques jours dans celui de Vénissieux.

Il est des métiers qui ne laissent pas indifférents. Au-delà des clichés, des émissions de télévision racoleuses et des images véhiculées par ces hommes et ces femmes qui ont choisi le métier de policier, quelle est la vie d’un commissariat ? C’est ce que nous avons essayé de savoir, en passant quelques jours dans celui de Vénissieux.

Les plaintes – 5 novembre, le matin

10 heures : Première rencontre avec le major Bergier, responsable du GAJ (groupe d’appui judiciaire). Son service est chargé de recueillir les plaintes et les mains courantes. “Nous recevons entre vingt et trente personnes par jour, indique le major. Nous avons des statistiques périodiques. Par exemple, entre janvier et août 2013, nous avons recueilli plus de 3 500 plaintes, et 1 080 mains courantes. C’est un métier difficile, où l’on se prend de pleine face le vécu des gens, et où il faut parfois faire la distinction entre le vrai et le faux.”

10 h 30 : R., gérant d’un hôtel, dépose plainte contre une entreprise de l’agglomération. Celle-ci lui doit deux nuits non payées.
“- Vous avez essayé de contacter directement l’entreprise ? demande l’agent de police
– J’ai bien essayé, je me suis rendu là-bas. Mais ils ne veulent rien savoir. Maintenant, j’en ai marre.”

11 heures : J. dépose plainte pour non-présentation d’enfant.
“- Je devais avoir notre fille pour la première semaine des vacances. J’ai reçu un SMS de mon ex-compagne me disant que je ne l’aurais pas. J’avais déjà acheté les billets de train pour venir la chercher.
– Vous avez la garde une semaine sur deux ?
– Non, une semaine par mois, et la moitié des vacances. Ce qui l’embêtait, c’est que je devais l’avoir deux semaines de suite, ma semaine mensuelle suivant celle des vacances.
– Vous étiez mariés ?
– Non, en concubinage.
– La séparation date de quand ?
– Février 2012.”
L’agent de police quitte la pièce, pour aller chercher l’impression du récépissé de dépôt plainte. J. se tourne vers moi :
“- Les femmes, hein !”

L’Unité territoriale – 5 novembre, l’après-midi

14 heures : Départ de la patrouille de l’Unité territoriale. La voiture est composée de trois agents de police. “L’unité territoriale regroupe ceux que l’on appelait anciennement les îlotiers, explique le brigadier-chef. Nous assurons un service de proximité avec les habitants, en tournant dans la zone avec notre véhicule.” En moyenne, ils parcourent une cinquantaine de kilomètres. Cela peut parfois atteindre, voire dépasser, le double.

14 h 15 : Premier contact avec une dame, avenue Marcel-Cachin, qui tente de se garer mais s’y prend franchement comme un manche. Bam, la voiture derrière. L’équipage de l’UT s’arrête à sa hauteur, vérifie que la voiture touchée n’a rien, et sermonne la quinquagénaire. “Je pensais que c’était le trottoir”, indique-t-elle. “Faites attention aux véhicules derrière vous”, rétorquent les policiers.

14 h 30 : Traversée de Saint-Fons. Un appel radio va l’écourter : un larcin a été signalé dans l’hypermarché Carrefour. La routine, semble-t-il : les vols sont réguliers là-bas, et la direction du géant de la grande distribution applique une politique stricte en appelant à chaque fois la police. Dans ce cas-là, les auteurs des faits ont été confondus par la vidéo surveillance, et sont maintenus dans un local de surveillance par les vigilants vigiles de Carrefour.

14 h 45 : Arrivée à Carrefour. On n’a pas à faire à du grand banditisme : les deux jeunes, A. et H., tous deux âgés de 19 ans, ont dérobé chacun pour 2,88 euros de sandwiches. L’un d’eux a par ailleurs tenté de repartir avec des écouteurs audio à 9,99 euros. Le total s’élève donc à 15,75 euros.

14 h 55 : Malgré leur butin famélique, l’officier de police judiciaire, en lien avec l’équipe de l’Unité territoriale, décide de faire amener les deux jeunes au commissariat. La raison ? Les deux, qui affirment être nés en Tunisie, n’ont pas de papier sur eux. Si le premier indique être en possession d’un titre de séjour, le second ne disposerait d’aucune autorisation d’être sur le territoire.

15 h 15 : Les derniers détails réglés, retour au commissariat avec les deux interpellés. Le temps de faire les vérifications nécessaires, ils sont emmenés dans une pièce à part.

15 h 30 : Une seconde patrouille arrive au commissariat. Elle est “accompagnée” par trois Roms et leurs valises, remplies de matériel informatique et électronique. Ceux-ci ne semblent pas impressionnés et rient devant les policiers qui fouillent leurs effets personnels.

15 h 50 : Les trois Roms repartent avec une convocation —“à laquelle ils ne répondront probablement pas” craignent les policiers— et l’obligation de justifier de la propriété du matériel confisqué s’ils veulent le récupérer. “Autant dire qu’on n’est pas près de les revoir…” C’est d’ailleurs le sourire aux lèvres qu’ils quittent le commissariat.

16 h 15 : Les deux jeunes voleurs de sandwiches attendent toujours. L’un d’eux demande à aller aux toilettes. Il est accompagné par un officier de police.
“- Ça va durer encore longtemps ?
– Le temps qu’il faudra !”

17 heures : H., qui n’a pas de permis de séjour, est emmené à la préfecture, pour d’autres vérifications. Son comparse devra lui attendre le retour de ses parents à leur domicile.

Police Secours – 6 novembre, le matin

9 heures : L’équipage, en poste depuis 4 h 30 du matin, entame sa deuxième patrouille de la matinée. Elle devra couvrir Feyzin, Saint-Fons et Vénissieux, c’est-à-dire tout le territoire de compétence du commissariat. Elle débute sa mission par… un changement d’ampoule arrière du véhicule de police. “Si on arrête quelqu’un parce que son ampoule est grillée, ce serait bête de se faire reprocher la même chose…”

9 h 30 : L’équipage remonte la route de Vienne, à Saint-Fons. De nombreux regards se tournent vers la voiture. “On finit par s’y habituer, commente l’un des policiers. On ne passe pas inaperçus, en tout cas.”

9 h 45 : Premier passage sur le plateau des Minguettes. Tout est encore calme. “Le supermarché de la drogue n’ouvre qu’à 11 heures”, note, pince-sans-rire, le policier. Ils ont très peu de chances de faire un “flag”, ils le savent. Et pour cause : à chaque entrée dans la ZUP, ils sont “annoncés”. “Il y a des guetteurs un peu partout, explique le brigadier-chef. Ils sifflent dès qu’ils nous aperçoivent, pour prévenir les autres tours de notre arrivée. Cela, combiné à la configuration des lieux, très cloisonnés, fait qu’il est difficile pour nous d’intervenir.” Seul un jeune en pull rouge et survêtement noir se trouve sur le trottoir, boulevard Lénine. Il fixe la voiture de police, qui ralentit en arrivant à sa hauteur. Les policiers, qui le connaissent et savent son rôle de “guetteur”, lui rendent son regard appuyé, puis s’en vont. “Lui, c’est un lève-tôt…”

10 h 15 : Redescendus des Minguettes, les policiers interpellent une voiture immatriculée en Allemagne, qui vient de griller un feu sous leurs yeux. Le conducteur, au permis anglais, reconnaît l’infraction, et explique qu’il était au téléphone (!) avec un ami dont l’épouse vient d’accoucher. En règle, il repartira sans amende. “On fait parfois preuve d’indulgence, commente le policier. Il a reconnu sa faute, ça veut dire qu’au moins, il ne se moque pas de nous. Et ça peut parfois payer !”

10 h 30 : Patrouille dans le quartier Charréard, plus résidentiel. L’équipage vérifie qu’aucun cambriolage n’est en cours. Une maison attire leur attention. La porte du garage est ouverte, et elle semble déserte. Les policiers font donc le tour de la propriété, quand ils aperçoivent un homme dans le jardin, qui n’est autre que… l’occupant du logement. Fausse alerte.

10 h 40 : Sur le chemin du retour, une grosse cylindrée, conduite par un jeune homme, qui sort de son stationnement attire l’œil de l’équipage. Celle-ci, qui a en plus le culot d’être immatriculée 42 en plein département du Rhône, fait l’objet d’un contrôle.
“- Vous avez vos papiers ?
– Je les ai oubliés, mais j’habite à côté, je peux les récupérer.
– Vous êtes connu des services de police ?
– Non… Oui… Enfin, il y a longtemps.
– Longtemps comment ?
– La dernière fois, en 2009.”
Le permis récupéré, les vérifications effectuées, tout semble en règle.
“- Monsieur, quand vous sortez de chez vous, ça vous arrive d’oublier votre téléphone portable ?
– Euh, non…
– Eh bien, le permis c’est pareil, essayez de ne pas l’oublier !”

11 h 30 : Retour aux Minguettes. Comme prévu, des sifflets retentissent ça et là. Les policiers sont repérés, et comprennent qu’ils ne feront pas de “grosse prise”. Un jeune adulte sera bien contrôlé en vitesse, suspecté d’avoir acheté de la drogue quelques minutes plus tôt. Même s’il n’a pas sur lui de pièce d’identité, il sort en fait de chez le médecin. Chou blanc, donc.

12 h 15 : Boulevard Laurent-Gérin, un automobiliste baisse sa vitre à hauteur de l’équipage de police. Il les informe qu’un adolescent vient de chuter aux abords de la station de tramway Croisat/Paul-Bert. Celui-ci serait sérieusement blessé. Les policiers s’y rendent à toute vitesse, et trouvent effectivement un jeune blessé, le visage ensanglanté, et une foule agglutinée autour de lui. Parmi les curieux, les rumeurs circulent. Il aurait “essayé de traverser, avant de se faire renverser” ; une femme d’une quarantaine d’années assure qu’il a “été poussé par deux jeunes” ; d’autres pensent qu’il a glissé. Bref, la tension monte, et les forces de l’ordre ne sont pas épargnées.

12 h 20 : Les pompiers arrivent. Ils prennent en charge le jeune blessé.

12 h 30 : Le boulevard Ambroise-Croizat est bloqué par la police municipale, qui a rejoint la Nationale et les pompiers. Les esprits se calment peu à peu.

12 h 50 : La mère du jeune apporte une explication aux policiers. Son fils, épileptique, aura peut-être fait une crise au moment de se rendre à la station. Il est emmené par les pompiers à l’hôpital, pour soigner ses blessures.

La brigade de sûreté urbaine – 7 novembre, l’après-midi

14 heures : G. est auditionné. Ce vieil homme, convoqué par la BSU (le service chargé de l’investigation judiciaire et qui procède, à ce titre, aux enquêtes, notamment quand une plainte a été déposée) est accusé par son épouse de l’avoir frappée et menacée avec un couteau.
“- Elle me frappe aussi. Elle a essayé de me taper dans les parties. Elle est trop exigeante.
– Vous êtes toujours amoureux ?
– Non, je veux juste être tranquille… Faire mes mots croisés en paix.”

15 heures : G. essuie une larme. Avant de quitter les locaux de la BSU, il promet de rencontrer une assistante sociale. L’agent de police, elle, doit contacter le parquet. C’est lui qui décidera des suites à donner à cette affaire.

15 h 30 : Dans un autre bureau, le major Dambrine, en poste depuis 1995, attend de pouvoir auditionner un jeune homme de nationalité roumaine. Il a été arrêté le matin même, en possession de nombreuses marchandises achetées en lots à des vendeurs non autorisés en marge du marché des Minguettes. “Il a demandé à s’entretenir avec un avocat, indique le major. Il a droit à passer trente minutes avec lui, puis nous pourrons l’interroger sur la provenance de ces marchandises.”

15 h 45 : Pendant que l’avocat s’entretient avec le jeune Roumain, le major Dambrine ne se fait guère d’illusions sur ses chances de le “coincer” : “On n’a pas grand-chose, il nous dit qu’il a tout acheté pour l’envoyer à sa famille en Roumanie. Nous, on pense que c’est pour le revendre. Mais s’il ne l’admet pas, on n’a aucune preuve.”

16 h 15 : Début de l’audition. Le jeune homme nie le recel, s’explique comme il peut sur la provenance de la marchandise, et ce qu’il comptait en faire. Il n’est pas de Vénissieux, donc il ne savait pas que les vendeurs n’étaient pas autorisés. Il a cinq enfants et une femme en Roumanie, toute cette marchandise leur était destinée. Il est de passage ici, mais va rentrer bientôt à Rouen, où il a un logement loué dans les règles.

17 heures : Fin de l’audition. Le major doit contacter le parquet, pour décider des suites de cette affaire. L’avocat, qui a assisté à l’entretien, rassure son client : “Encore quelques heures, et vous êtes dehors.”

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