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Social, les raisons de la colère

Ils sont douze : cheminots, fonctionnaires, avocate, retraitée, étudiante, salariés du privé… Ils habitent ou ils travaillent à Vénissieux, ils sont en colère et vont le dire haut et fort ce printemps. Ils expliquent à Expressions les causes de leur mobilisation.

Cheminots, fonctionnaires, avocate, étudiante, retraitée, salariés du privé : ils habitent ou travaillent à Vénissieux, ils sont en colère et ils vont le dire haut et fort en ce printemps ! Ils expliquent à Expressions les causes de leur mobilisation.

LAURENT AUBELEAU Chef de service en gare de Perrache, porte-parole des cheminots CGT du secteur de Lyon

« Notre première source d’inquiétude, c’est l’existence même de la SNCF comme service public ferroviaire. Quand on voit ce que sont devenus La Poste, France Télécom, Air France ou EDF-GDF, dont on a séparé la production, les réseaux et la commercialisation, le doute n’est pas permis : on prépare la privatisation. En Grande-Bretagne, dont on copie les recettes ultra-libérales, le chemin de fer est devenu moins sûr et beaucoup plus cher, notamment les trains du quotidien, du soir et du matin, que prennent les travailleurs. Le mode ferroviaire est stratégique pour le pays, mais il nécessite des investissements lourds que seul l’État peut assumer. Or, les rapports officiels et les mesures annoncées ne contiennent aucune ambition sur le transport ferroviaire de demain, aucun objectif clair, ni pour le fret ni pour les voyageurs. il s’agit de casser un bien commun, de le livrer à l’avidité des actionnaires. À ce jeu-là, il y aura surtout des perdants ! La privatisation n’est pas inéluctable, ce n’est même pas une obligation de l’Union européenne comme on l’entend dire. Non, c’est un choix politique, auquel on peut s’opposer. »

PATRICK MONDON Technicien de maintenance locomotives au dépôt de Vénissieux, secrétaire régional SUD-Rail

« Il paraît que les cheminots sont des privilégiés. J’ai 36 ans d’ancienneté, dont 30 en horaires décalés, un travail pénible, sur du matériel lourd, et je touche 1 950 euros net en fin de mois. C’est ça être privilégié ? OK, je ne peux pas être victime d’un licenciement économique, et je suis fier de faire un métier utile. Mais je dois accepter des conditions de travail difficiles. Aux ateliers de Vénissieux, on est en sous-effectif, il manque 20 personnes. On veut recruter mais quand on dit aux gens quels seront leurs horaires et leur salaire, ils fuient ! On a donc en permanence un volant d’une dizaine d’intérimaires, qui ne tiennent pas le coup longtemps. Notre statut nous protège ? Oui, et vous aussi. Un exemple : les intérimaires, justement, n’ont pas ce statut. S’ils refusent un boulot confié par le chef d’équipe, c’est la porte. À Vénissieux, ils sont donc envoyés travailler sur les organes de roulement des TER, des pièces vitales pour la sécurité, sans avoir été formés… Si la réforme de la SNCF passe, on pourra externaliser la maintenance. Les sous-traitants les moins chers remporteront les appels d’offres lancés par la Région. Je vous le prédis : il n’y aura plus de « privilèges », mais il y aura des catastrophes. »

SYLVIA BACHELET Aide soignante et animatrice à l’Ehpad La Solidage, à Vénissieux

« Nos revendications portent surtout sur le manque de personnel. Nous sommes sept aides soignantes et auxiliaires de vie pour 72 lits. L’unité Cantou, qui accueille les patients désorientés, plus difficiles à prendre en charge, compte deux aides soignantes pour dix lits. Les résidents arrivent en Ehpad de plus en plus âgés et de moins en moins autonomes. Ils sont souvent atteints de handicap de plus en plus lourds. La moyenne d’âge chez nous est de 90 ans. Nous ne sommes pas assez nombreuses pour leur offrir une fin de vie la plus sereine possible. Autre source de mécontentement : le salaire. Je perçois 1 500 euros au bout de 20 ans d’ancienneté. Notre métier est difficile et il n’est pas reconnu. C’est inadmissible de ne pas prendre en compte la souffrance au quotidien que subissent les professionnels, et par conséquent les personnes âgées et leurs familles. »

GISÈLE PUTHOUD Secrétaire médicale à la clinique mutualiste « Les Portes du Sud »

« Les hospitaliers se battent contre des conditions de travail infernales. Elles se dégradent depuis plusieurs années. En particulier chez les personnels soignants : on leur demande de faire toujours plus avec de moins en moins, de faire face à un afflux de patients, notamment aux urgences, alors que nous subissons une réduction de personnel et de matériel. On était déjà en flux tendu, ça devient impossible. Comme les autres services publics en grève, comme nos collègues de l’hôpital Édouard-Herriot, nous dénonçons la baisse de notre pouvoir d’achat et la dégradation du service rendu au public. On nous explique que l’hôpital est en déficit, mais la faute à qui ? Pas la nôtre : nous avons été augmentés de 0,5 % en décembre 2010 et de 5 euros en juillet 2017. De qui se moque-t-on ? »

CHRYSTÈLE ALCARAZ Agent administratif, secrétaire générale du syndicat CGT de la ville de Vénissieux

« Depuis plusieurs mois, le gouvernement se livre à une attaque d’une grande violence contre les agents de la fonction publique : gel du point d’indice, ré-instauration d’un jour de carence, recours accru au non-titulariat et à la précarité, extension du salaire au mérite à la discrétion de la hiérarchie, diminution des instances de représentation du personnel… À Vénissieux même, ces mesures entraînent par exemple le non-remplacement des départs à la retraite dans certains services, avec des réorganisations qui pèsent fortement sur des agents à flux tendu. Nous demandons un plan de titularisation des contractuels, des mesures pour combattre la précarité et non pour favoriser son extension comme le préconise le gouvernement. »

SAMUEL DELOR Professeur de lettres et d’histoire-géo au lycée Marc-Séguin, secrétaire départemental de la CGT – Éduc’Action

« Nous sommes en colère à cause de nos conditions de travail qui se dégradent, mais aussi à cause de la refonte de la formation professionnelle. On s’oriente vers un « tout apprentissage » ouvert massivement au privé. Les branches patronales définiraient le contour de l’offre de formation professionnelle et les entreprises financeraient des filières en CFA. À l’arrivée, des diplômes « maison » sans valeur nationale. C’est une grave erreur de croire que ça améliorera « l’employabilité » des apprentis. Ils seraient enfermés dans un carcan local ou de marque. De plus, 20 % des contrats d’apprentissage sont rompus avant leur terme. Si la formation n’est pas intégrée au cadre scolaire, l’élève ne retournera pas à l’école mais ira direct à Pôle emploi. Nous contestons aussi la réforme du bac, qui remplace le caractère national du diplôme par des spécificités de plus en plus locales. Un « bac Vénissieux » aura-t-il autant de valeur qu’un autre ? »

SONAM PERE Étudiante à l’IEP Lyon, membre du Comité de mobilisation de Lyon contre les réformes sur l’Éducation

« La sélection sociale et institutionnelle dans l’enseignement supérieur se met en place, tranquillement mais sûrement, dès avant le bac puis au cours des études. Au lieu de mettre des moyens pour la réussite de tous, les universités vont choisir leurs étudiants en fonction de leur lycée d’origine, de leur capacité à rédiger une lettre de motivation en respectant les « prérequis »… Ensuite, nouvelle sélection au niveau du master. Aux uns les facs d’élite, aux autres des facs poubelles où l’on ira sans motivation. La tension monte dans les universités. En organisant des assemblées générales, notre collectif a pour but de faire comprendre les implications concrètes de cette sélection, de la fin du baccalauréat national, des suppressions de places en licence, et plus globalement d’alerter sur les conséquences des réformes actuelles dans l’Éducation nationale. Nous appelons à une convergence des luttes. »

MAUD MILLIER Secrétaire générale du syndicat CGT lyonnais de l’énergie (EDF, GDF, Engie, Ennedis, GRDF, GRT Gaz, ENRS Solaire, G2S)

« Le secteur de l’énergie a été libéralisé et vendu à la découpe il y a 15 ans, avec les mêmes arguments utilisés aujourd’hui pour privatiser et démembrer la SNCF : sortir du « carcan du service public » et permettre à la concurrence de faire baisser les tarifs et d’augmenter la qualité de service… On voit ce qu’il en est ! En juin, vont arriver des directives européennes imposant la régionalisation du transport et de la distribution de l’énergie, sur le modèle des Landers allemands. Cela entraînera une inégalité d’accès à l’électricité et au gaz, moins de qualité et de sécurité d’approvisionnement, des différences de coût selon les régions. C’est l’inverse du modèle choisi en 1945, qui entendait répondre aux besoins des populations dans tout le pays, de manière égalitaire et solidaire. La directive à venir donne la priorité au profit, aux clients rentables, alors que la précarité énergétique explose déjà ces dernières années ! La directive aura un impact terrible sur la sécurité, la santé et la dignité. »

SALAH FERKOUNE Ouvrier dans l’industrie chimique, délégué syndical, membre de l’Union locale FO de Vénissieux.

« Nous défendons notre convention collective, attaquée par les nouvelles dispositions du Code du Travail créées par Macron quand il était ministre de l’économie puis portée par El Khomri. Ces mesures donnent désormais la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche. Dans les boites où le rapport de force est défavorable aux salariés, il y aura une dégradation des conditions de travail et des rémunérations… Et avec la suppression des CHSCT, une moindre protection des salariés. Dans le secteur de la chimie, c’est dramatique ! Il faut une riposte d’ensemble, forte et sur la durée, en mettant en avant ce qui nous rassemble, public comme privé : la défense de nos statuts et de nos conventions collectives, l’emploi, les salaires ».

ARLETTE CAVILLON Retraitée de l’éducation nationale

« Depuis janvier, à cause de la hausse de la CSG décidée par Macron, j’ai 60 euros de moins par mois sur ma pension. Je n’ai pas l’habitude de me plaindre, mais je déteste qu’on me fasse passer pour une nantie. Oui, j’ai une bonne retraite, mais après avoir travaillé toute ma vie, je ne l’ai pas volée ! J’ai un toit sur la tête (avec un loyer que je paye plein pot…) et de quoi vivre, mais je ne peux pas me payer un appareil auditif, par exemple. Et puis j’aide un peu ma fille et ma petite-fille, j’ai même dû vendre mon appartement, à un moment de plus grandes difficultés. Je me demande si cette solidarité entre générations sera encore possible dans l’avenir. Le gouvernement veut faire passer les classes moyennes pour des privilégiées, pour protéger les riches. Il y a de l’argent en France, mais il n’est pas pris là où il est. »

MARIE-CÉCILE VILLA-NYS Avocate à Vénissieux

« Le 21 mars, un mois après un rassemblement devant le TGI contre la réforme de la carte judiciaire, nous nous sommes retrouvés à plus de 300 avocats du barreau de Lyon à l’ancien palais de justice, pour protester contre le projet de loi de programmation pour la justice. Sous prétexte de désengorger les tribunaux, le gouvernement présente une réforme à l’approche essentiellement comptable et gestionnaire. Alors qu’il faudrait donner plus de moyens, notamment humains avec plus de magistrats, plus de greffiers, la solution choisie consiste à enlever des compétences à la justice pour les confier au privé. La réforme propose, par exemple, que ce soit la CAF et non plus un juge qui fixe la pension alimentaire en cas de séparation. L’arbitrage entre intérêts particuliers opposés ne devrait pas relever d’un organisme de droit privé. C’est une brèche ouverte dans les missions régaliennes de l’État. La réforme vise également a faciliter le recours aux interceptions des communications électroniques et à modifier le régime de la garde à vue, ce qui risque de porter atteinte aux libertés individuelles. »

GUILLAUME DUMOULIN Ouvrier du Livre, délégué central CGT de Presstalis

« Presstalis, anciennement les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), est le principal distributeur de la presse française. Il permet à 4 000 titres, la presse nationale et les trois quarts des magazines, d’être diffusés dans 25 000 points de vente. Il y a 5 ans, une restructuration a déjà fait disparaître des centaines d’emplois, mais nous sommes de nouveau dans une situation critique, on a frôlé la cessation de paiement. Ce qui est en cause, c’est la baisse des ventes de la presse papier, mais aussi la gestion de l’entreprise, où les éditeurs de presse sont à la fois actionnaires et clients. Ils ont laissé filer les pertes, qui atteignent des sommes astronomiques. Du coup, 9 « mandats » (dépôts) seraient vendus au privé ou fermés, dont 2 à Vénissieux. C’est de là que partent les journaux chaque nuit vers l’Auvergne, l’Isère, la Savoie. Une dizaine de CDI et une trentaine d’intérimaires sont concernés. Si la distribution des journaux obéit à des critères de rentabilité, certains titres ne seront plus diffusés partout, c’est une menace pour le pluralisme de la presse. »

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