Le jour de la rentrée scolaire, j’avais rencontré Thomas et Marie, deux enseignants stagiaires qui ont réussi leur concours en juin et qui effectuaient leur première rentrée à Vénissieux, en Zone d’éducation prioritaire. Marie est instit en CM2 ; Thomas prof d’histoire en 6e. Nous nous étions donné rendez-vous avant les vacances de la Toussaint. Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés, ce jeudi 14 octobre, pour parler de leurs débuts dans le métier et des difficultés nées de l’absence de formation concrète.
Marie s’est fait tout un monde de sa première rencontre avec sa classe, le 2 septembre. “On a eu une brève formation à l’inspection académique mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Alors que ces premiers contacts sont primordiaux, surtout en CM2. La semaine précédant la rentrée, je n’arrivais pas à dormir. Heureusement, l’équipe de l’école a été formidable. La veille de la rentrée, mes collègues m’ont donné de précieux conseils. Mais quand même… on se demande si notre hiérarchie se rend compte de la réalité de notre travail dans les quartiers populaires.”
“Ce qui m’a vraiment surpris, ajoute Thomas, ce sont les niveaux extrêmement variés dans ma classe. En 6e, certains travaillent bien, mais d’autres enfants sont déjà en échec scolaire. Certains me semblent relever de l’enseignement spécialisé, sur le plan intellectuel ou comportemental. Comment faire pour aider ceux qui sont le plus en difficultés ?”
En principe, un tuteur doit être au côté de ces jeunes profs, pour les aider. “Mais le mien a plusieurs collègues à suivre, insiste Thomas. Alors je fais comme je peux. Ce qui me désespère, c’est de voir que l’Éducation nationale ne favorise pas l’égalité des chances. Dans ma classe, la plupart des enfants ont des parents au chômage. Beaucoup ne peuvent pas être aidés dans leur scolarité à la maison. Combien iront jusqu’au bac ? Certainement moins que dans un établissement du centre-ville ou dans une structure privée. Et ce n’est pas de notre faute !”
Autres problèmes pointés par les deux jeunes enseignants : l’absence des parents et le manque de travail. “Certains gamins arrivent le matin au collège sans avoir jamais travaillé la veille. Quand on met des mots sur les carnets de liaison, ils nous reviennent rarement signés. Il faut s’y faire !”
Pourtant, Thomas et Marie trouvent attachants la majorité de leurs élèves. “On sent chez certains une réelle volonté de se battre… On a envie de tout faire pour les aider.”
Il y a tout juste un an, à l’université, les deux jeunes gens rêvaient d’autre chose… “Quand on est à la fac, on est entre nous, se souvient Marie. Et on n’imagine pas vraiment les conditions de travail des profs. On ne nous en parle pas ! C’est pour ça que la formation que donnaient les IUFM était essentielle. Aujourd’hui, seuls derrière notre bureau, on est démoralisés. Heureusement que les équipes sont motivées.”
Quant à la préparation des cours, ils y passent tous deux beaucoup de temps “sans trop savoir où on va”. Moins de deux mois après le début des cours, Thomas et Marie confient : “On ne sait pas si on fera toute notre carrière dans l’enseignement. Pourtant, on aime ça…”
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