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L’inflation, un poison pour les plus précaires

L’inflation, régulière depuis plusieurs années, touche durement les plus précaires. Et 2024 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.

Photo Emmanuel Foudrot

Certes, les derniers chiffres relatifs à l’inflation sont « bons », du moins, ils sont « moins mauvais » : en novembre, selon les données provisoires de l’Insee, les prix à la consommation n’ont augmenté “que” de +3,4% sur un an, après +4% en octobre et jusqu’à +6,3% en février. Ils poussent même Bruno Le Maire, ministre de l’Économie à estimer sur France Inter que « nous sortons de la crise inflationniste » et que « nous serons sous les 4% d’inflation d’ici la fin de l’année 2023 ». « Ce qui est un véritable exploit, dû aux politiques économiques des États de la zone euro », ne manque pas de se féliciter le locataire de Bercy, avant d’ajouter que « nous aurons réussi à maîtriser l’inflation en deux ans ».

Il n’empêche : d’une part, un ralentissement de l’inflation n’est pas une déflation, et d’autre part, la hausse continue des prix depuis la fin de l’année 2020 a eu, et a toujours, des effets désastreux sur les plus précaires. Selon une étude réalisée par Le Monde et la société d’analyse de données et d’études de marchés IRI, le prix pour un chariot de courses type, composé de 38 produits (un mélange de marques nationales, de marques de distributeur et de premier prix, sans produits à la coupe ou fruits et légumes), est passé de 102,38 euros en septembre 2021 à 126,48 euros en novembre 2023. Ce qui correspond à une hausse de +23,60%.

Dans le détail, les produits ayant connu la plus forte variation en un an sont le sucre blanc en poudre (+82,28%), la lessive liquide (+25,58%) et le riz (+21,43%). Suivent, la confiture de fraise (+19,88%), la farine (+19,01%), les yaourts nature (+16,72%) et, pêle-mêle avec une hausse d’environ +16%, le coulis de tomate, les biscuits, la mayonnaise, la pâte à tartiner et le shampooing.

Les associations solidaires ne peuvent plus faire face

Résultat ? De plus en plus de foyers sont obligés de se tourner vers les associations solidaires, au premier rang desquelles les Restos du cœur, le Secours populaire et le Secours catholique. Sauf qu’elles connaissent aussi des difficultés liées à l’inflation, et qu’elles se retrouvent obligées de refuser du monde. « Une première dans l’histoire des Restos du cœur », a regretté, début octobre lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le délégué général de l’association, Jean-Yves Troy. « Les Restos du cœur ne sont pas dimensionnés aujourd’hui pour distribuer 170 millions de repas, pour accueillir 1,3 million de personnes, soit 200 000 de plus en un an, a-t-il ajouté. (…) On n’est pas taillé humainement, même si nous avons 70 000 bénévoles réguliers et 30 000 ponctuels. »

Localement, les associations connaissent les mêmes contraintes. « La campagne hivernale débute seulement, mais nous avons beaucoup de demandes, témoigne Philippe Piroelle, porte-parole des Restos du cœur de Vénissieux. Nous en sommes à 278 inscrits, certes contre 317 l’hiver dernier, mais il ne faut pas oublier que nous avons revu nos barèmes à la hausse. Sans ça, la hausse aurait sans doute été spectaculaire. Et ça continue de s’inscrire en permanence, nous allons avoir du mal à faire face ! »

Alors, pour continuer à contenter les personnes qui poussent la porte des Restos, l’association s’adapte. « Nous sommes aussi touchés par l’inflation. Nous sommes obligés de réduire les quantités distribuées. L’an passé, chaque bénéficiaire pouvait sélectionner des produits en utilisant neuf points pour chacun des quatre pôles — par exemple, tel produit valait 4 points, l’autre 2 points, etc. Désormais, c’est sept points par pôle. Et pas un de plus. »

Du côté du Secours populaire de Vénissieux également, l’inquiétude est vive. « Cette année, nous sommes débordés, explique Bernard Imbert, directeur de l’association. Nous rencontrons quelque cinquante familles par semaine, dont beaucoup de familles nombreuses. Bien sûr, cela impacte ce que l’on peut distribuer. D’autant que l’inflation augmente le niveau de nos dépenses, même si l’on fonctionne beaucoup avec les dons. »

A-t-il constaté un changement dans le profil des bénéficiaires ? « Nous avons beaucoup de personnes qui viennent d’arriver en France et de personnes qui touchent le RSA. Mais ce que je constate, c’est que de plus en plus de bénéficiaires vivent dans la rue, ou n’ont pas de domicile fixe, étant hébergées par des proches, des militants, des personnes généreuses. Les retraités, en revanche, ne sont pas très nombreux. Peut-être n’osent-ils pas venir, même si l’on sait à quel point les mois peuvent être compliqués pour eux. »

400 pétitions déposées en Préfecture

Alertés sur ce sujet « au fil des rencontres dans les quartiers », les élus communistes de Vénissieux ont fait signer, pendant plusieurs semaines, des pétitions dans le cadre d’une campagne lancée nationalement par le PCF. 400 ont été déposées le 24 novembre en Préfecture. « La Ville de Vénissieux est mobilisée sur tous les fronts pour protéger et accompagner les habitants, déclarait, à cette occasion, Michèle Picard, maire de Vénissieux. En deux ans, nous avons dû rajouter près de 1,5 million d’euros de subvention au CCAS pour tenter de répondre aux besoins. Le bilan 2023 n’est pas finalisé mais je suis déjà très inquiète face à l’explosion des situations d’urgence. »

« Un autre exemple : le coût des repas fabriqués par la cuisine centrale s’est envolé suivant l’inflation record, poursuivait le maire. Nous avons fait le choix de protéger les budgets des familles en limitant l’augmentation des tarifs de cantine à 2% soit 4 points sous l’inflation. Et nous maintenons évidemment le repas à un euro pour les familles au quotient familial le plus bas. Ces familles sont de plus en plus nombreuses (+133 % en un an). 31% des Français sautent des repas par manque de moyens : celui de la cantine est parfois le seul repas complet de la journée. »

Pour les foyers, les perspectives 2024 ne sont guère rassurantes : en pleines négociations commerciales, certains industriels proposent d’augmenter les prix de 5% en moyenne l’année prochaine — au grand dam des distributeurs qui, à l’instar d’Intermarché, n’hésitent pas à “afficher” les fabricants dans leurs campagnes de communication. Bref, la vie moins chère, ce n’est pas pour demain.


« Se serrer la ceinture, c’est tous les jours »

Photo Emmanuel FOUDROT

Sur le marché du centre de Vénissieux, la hausse des prix est un sujet de conversation courant. « Beaucoup de nos clients en parlent, témoigne un forain. Tout le monde semble touché : les personnes qui vivent seules, les familles, les personnes âgées… Ce matin, un monsieur m’a dit qu’il venait pour la première fois depuis très longtemps acheter ses légumes au marché, parce qu’en grande surface, c’est devenu trop cher. »

« C’est sûr, les prix ont considérablement augmenté, témoigne une Vénissiane, venue au marché avec son fils. J’ai dû faire des choix. Je n’ai plus les moyens d’avoir une nourrice pour le mercredi, je gagne trop pour être assez aidée financièrement, mais pas assez pour la rémunérer sans supprimer des dépenses essentielles. C’est un cercle vicieux parce que du coup, j’ai demandé à être à 80%… et donc mes revenus sont encore revus à la baisse. Mon mari alterne entre les périodes de chômage et les missions en intérim. C’est devenu difficile de se projeter. Se serrer la ceinture, c’est un réflexe devenu quotidien. »

« Pour la toute première fois de ma longue vie, je me suis renseigné sur les conditions pour bénéficier de l’aide des Restos du coeur, explique un retraité. Mais je n’y ai pas droit, le montant de ma retraite est trop important. Alors, je fais attention à ce que je dépense, j’achète de quoi faire des repas qui nourrissent bien mais sans excès. Avant, on pouvait compter sur les pâtes mais elles aussi ont augmenté. Dans un supermarché, il n’y a pas grand-chose qui reste à ma portée… »

« J’ai quatre enfants, indique une maman. Ils grandissent et donc forcément, ils se nourrissent plus. Mes deux aînés mangent autant que leur père ! À chaque début de mois, je fais le point sur le budget de la famille. Je prends nos deux salaires, j’enlève nos charges fixes, celles que je peux anticiper (la cantine, les activités…) et je vois ce qu’il reste. Comme les prix des énergies ont aussi augmenté, il n’y a pas de quoi faire des folies. Pourtant, nous avons des salaires corrects, et nous n’avons qu’un emprunt, pour les deux voitures familiales. Si nous avons du mal, je n’imagine pas comment ceux qui n’ont pas d’emploi galèrent… »


Hausse des prix : quelles causes ?

La guerre en Ukraine ? Les conséquences du dérèglement climatique ? La crise énergétique ? Lorsque l’on cherche les causes de l’inflation, il convient plutôt de se tourner vers… les multinationales. Et ce n’est pas un parti politique anticapitaliste qui le dit, mais le FMI (Fonds monétaire international) lui-même !

Dans une étude parue cet été, le FMI indique en effet que « la hausse des bénéfices des entreprises représente près de la moitié de l’augmentation des prix en Europe au cours des deux dernières années ». Les entreprises ont ainsi augmenté les prix bien plus que ce que leurs coûts de production ne l’exigeaient.

Par exemple, Unilever, qui exploite une trentaine de grandes marques en France (Magnum, Cif, Dove, Maïzena, Skip, Signal…) a vu son bénéfice net atteindre 7,6 milliards en 2022, en progression de 26% sur un an. Sur le premier semestre 2023, celui-ci a encore progressé de 21%, à 3,9 milliards d’euros. Une croissance uniquement due aux augmentations de prix, puisque les volumes de ventes ont légèrement baissé.

En France, les multinationales sont dans le viseur de l’Autorité de la concurrence. « L’inflation ne retombe toujours pas, alors que les prix des matières premières et de l’énergie sont à la baisse, regrette Benoît Cœuré sur France Info. Il y a un risque qu’elle dure plus longtemps que prévu si les entreprises en profitent pour augmenter les prix au-delà de l’augmentation de leurs coûts. »

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