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Bonne chair ne saurait mentir

La Maison Anselme, la plus vieille charcuterie de la place de Lyon, a récemment fêté ses 170 ans. Pierre-Marie a fait décoller l’entreprise familiale en s’installant à Vénissieux dans les quatre-vingt.

Chez les Anselme, le commerce de viande de porc se transmet de génération en génération. Et pas question d’envisager une autre carrière. « J’ai commencé à 12 ans, en 1956, dans l’entreprise de mes parents, Eugène et Jeanne, se souvient Pierre-Marie Anselme. À l’époque, la boucherie-charcuterie était installée à Lyon, rue de la Cité, dans le 3e arrondissement. J’ai pris la suite de mon père en 1968, avec ma femme Thérèse. Nous avons commencé à vendre nos produits, au-delà des particuliers, à des bouchers et des charcutiers ; le bouche-à-oreille a fonctionné et notre entreprise a pris son envol. »

Un envol qui mène le Père Anselme… à Vénissieux, au hasard, ou presque, d’une vente aux enchères. « À la fin des années 1980, notre activité ne correspondait plus aux normes européennes en milieu urbain. Trop de bruit, trop tôt… Il nous fallait donc trouver un nouvel endroit où nous installer. »

« Pendant la Seconde Guerre mondiale, mon père a connu un ouvrier de la soie, dont le nom de famille était Gilibert. Ce dernier lui a dit ‘Écoute, Eugène, il faut que tu m’apprennes le métier de charcutier, sinon M. Peyzaret ne voudra pas que j’épouse sa fille’. Ce qu’il a fait, et l’entreprise Peyzaret-Gilibert s’est installée à Vénissieux. Ils ont fait faillite en 1981, et leurs locaux ont été récupérés par Serge Bahadourian. Quelques années plus tard, je me rends à une vente aux enchères — c’était ma tocade — et je n’achète rien. Serge m’appelle et me dit ‘Alors, je ne t’ai rien vendu aujourd’hui ?’. Je lui réponds que je n’ai besoin de rien, sauf de locaux. Il me dit alors que ces locaux, rue Marius-Vivier-Merle, sont à vendre. On a discuté, négocié, on s’est tapé dans la main. Et c’était parti. »

Une visite de l’Élysée avec Jacques Chirac

Avec ses camions, sa viande et ses employés (dont le nombre atteint, aujourd’hui et tous sites confondus, la centaine), Pierre-Marie Anselme va s’attacher à faire grandir son entreprise, marché après marché, client après client, bonne rencontre après bonne rencontre. « J’étais un acharné du travail, précise-t-il. Tous les matins, nous commencions à 2h30. Il y a eu des coups durs, des périodes difficiles. Mais j’avais envie de tout faire pour transmettre, moi aussi, une belle entreprise à mes enfants. Mon activité m’a même mené à l’Élysée : un des apprentis avait, à l’armée, été cuisinier pour Jacques Chirac. Il lui a offert un saucisson, et de fil en aiguille, nous avons été invités chez le président de la République ! »

Un an après avoir pris sa retraite, Pierre-Marie Anselme se montre nostalgique des années passées dans les locaux de « son » entreprise. Au point… d’en rêver la nuit. « Lorsque j’ai pris ma retraite, l’inactivité me rendait dingue. Pensez donc : j’avais passé ma vie à me lever avant l’aube, à travailler tous les jours… Alors oui, le départ à la retraite a été pénible. Ça va mieux aujourd’hui, je le vis bien, mais je rêve souvent de ce qu’était mon quotidien lorsque j’étais actif. Ce sont des souvenirs qui reviennent, de différentes époques, à Lyon avec mes parents, à Vénissieux, sur les marchés… »

Depuis son départ à la retraite, ce sont ses enfants, Philippe et Paul, qui ont pris la relève de Pierre-Marie Anselme, aidés de Mélissa et Florian, ses petits-enfants. « Ils s’inscrivent dans une longue tradition familiale, qui a débuté en 1852, sous le Second Empire avec Pétrus Anselme, raconte Pierre-Marie. Je fais partie de la quatrième génération, mes deux fils représentent la cinquième génération, ma petite-fille et mon petit-fils la sixième. Et je sais qu’il y en aura d’autres encore. »

Et ce, même si la consommation de viande a de plus en plus de détracteurs, que ce soit pour des raisons environnementales ou éthiques ? « Les temps ont changé, admet-il. Avant, nous avions entre 300 et 350 clients professionnels, maintenant il ne nous en reste qu’une petite centaine parce que beaucoup de boucheries et de charcuteries ont fermé. Sur les marchés, les enseignes comme la nôtre sont moins nombreuses. Avant, pour faire tourner notre camion, nous venions à sept, désormais deux personnes suffisent. Mais je suis persuadé que notre credo est le bon : nous vendons de la viande de porc de qualité, sans produits chimiques. Nous prenons le temps de bien faire notre travail, dès la phase d’élevage des cochons, avec un mode de fonctionnement encore proche de l’artisanat. Et c’est cette qualité qui nous permettra d’avoir toujours des clients. » Et donc de continuer à écrire l’histoire de l’entreprise.

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