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Alexis Carlier joue la carte sensible

Bien longtemps avant les cartes Michelin ou Google Maps, “la carte du Tendre” cartographiait les sentiments dans un pays imaginaire. Aujourd’hui, Alexis Carlier, alias Alcatela, dessine des villes réelles avec poésie, et Vénissieux en fait partie.

T4, Alcatela, 2020. © Alexis Carlier

Bien longtemps avant les cartes Michelin ou Google Maps, “la carte du Tendre” cartographiait les sentiments dans un pays imaginaire. Aujourd’hui, Alexis Carlier, alias Alcatela, dessine des villes réelles avec poésie, et Vénissieux en fait partie.

Cow-boys, princesses ou super-héros… À l’âge des premiers feutres, on a tous plus ou moins dessiné des amis imaginaires et des châteaux un peu bancals. Alexis Carlier, lui, c’était des villes. Des villes entières, avec les rues, les ponts, les maisons. Né à Corbas il y a 23 ans, Alexis Carlier en dessine toujours, sous le pseudo d’Alcatela. Après les années collège à Louis-Aragon (Vénissieux), il suit l’option arts plastiques du lycée Lumière à Lyon. Une rencontre déterminante s’opère alors. C’est l’année où la ligne T4 du tramway lyonnais entre en service sur l’ensemble du parcours. Loin d’un pensum quotidien, les trajets entre Vénissieux et le lycée sont une révélation. “J’ai été témoin du processus de transformation urbaine que permet la création d’un axe fort de transport, et c’était passionnant”.

Changement d’aiguillage pour l’artiste en herbe, qui n’intègre pas les Beaux-Arts mais Sciences Po Toulouse, puis une école d’urbanisme. Pour son mémoire de fin d’études (“l’impact du désenclavement par les politiques de transports sur les quartiers sensibles”), il fouille même les archives d’Expressions. Il travaille aujourd’hui à la RATP, sur les projets de tram et de métro à l’étranger. Dans le même temps, il suit en alternance une formation d’ingénieur à l’école nationale des Ponts et Chaussées, l’une des plus prestigieuses grandes écoles françaises. Adieu feutres et Canson, bonjour règle à calcul ? Pas vraiment. Alexis planche sur le métro de Dubaï, mais Alcatela n’oublie ni d’où il vient, ni les différentes cordes de son arc.

Depuis 2018, ses villes dessinées ne sont plus imaginaires, mais “réelles et utopiques”. Et il a changé d’échelle. Il a commencé par Toulouse, puis Vénissieux (avec ajout de la mer au niveau des Grandes Terres !), Paris et Lyon suivent. Puis Tokyo, Berlin, Téhéran, Sydney… “Dès que j’ai des sous de côté, je voyage”. Ses rues tracent des rhizomes sinueux à partir de ronds-points souches. Loin d’un urbain minéral et froid, ses cités sont des mégalopoles organiques, des métroblobs, Gotham surgies d’un compost où macèrent François Schuiten et Gaudi, Niemeyer et Di Rosa.

En vente dans les boutiques spécialisées de la capitale, les cartes de Paris d’Alcatela connaissent un beau succès. Photo DR

Si ses plans ont les rondeurs de Bibendum sans la rigueur des cartes Michelin, c’est qu’ils sont dressés de mémoire et à main levée, après des balades à vélo. “Je ne cartographie que les villes que j’ai visitées, explique Alcatela. J’ai besoin d’un rapport personnel et sensible aux lieux”. S’il n’est pas passé par une rue ou un quartier, il ne les dessine pas. Comme dans les anciennes mappemondes où les contrées inexplorées sont laissées en blanc ou emplies d’animaux étranges, Alcatela y place des ondulations tagliatelles, des terrains vagues. Au XVIIe siècle, on avait inventé la “carte de Tendre” : une gravure allégorique des passions amoureuses, où l’on pouvait relier la ville de Nouvelle-Amitié à celle de Tendre en évitant le Lac d’Indifférence… Les dessins au cyclo-bille d’Alcatela décrivent d’autres géographies poétiques.

Début avril, Alcatela a dévoilé un nouveau jardin secret, la chanson. Le succès de ses cartes tirées en affiches a financé son premier enregistrement studio avec musiciens. Disponible sur les plateformes d’écoute musicale en ligne, le titre s’appelle… “T4”. Une chanson douce-amère qui raconte une banlieue sans stéréotypes, vu d’un drôle de tram. Posté sur YouTube, le “clip” qui accompagne le morceau montre le dessin en train de se faire. Bluffant, ce timelapse (voir ci-dessous) ramène à 4 minutes un travail mené d’une traite en 8 heures, à raison d’un cliché toutes les 20 secondes. De la page blanche à la carte terminée, on voit les immeubles, les parcs et les rues s’étendre comme des champignons sur un sol vierge. Et finir par couvrir toute la feuille, de la station Lénine-Corsière à Jet d’eau Mendès-France. “Follow me”, dit la chanson. Et l’on suit du regard la propagation d’une ville revisitée, autour d’une ligne directrice, la T4, ligne de cœur d’Alcatela.


Timelapse ?
Une vidéo en “timelapse” utilise un effet de défilement accéléré. Un effet obtenu en assemblant, à une cadence de 24 images par seconde, une série de clichés pris d’un même endroit à intervalle régulier, pour montrer son évolution et ses changements, de la première image à la dernière. Inventée en 1878, la technique de la “chronophotographie”, est désormais accessible à quiconque possède un smartphone, et de la patience. Elle est souvent utilisée pour illustrer l’avancement d’un chantier ou la succession des saisons dans la nature, moins souvent une performance artistique comme celle d’Alcatela.

2 Commentaires

2 Comments

  1. Françoise BARRET

    27 juin 2020 à 15 h 00 min

    Une passion curieuse ,originale qui vous a guidé dans les méandres de la ville ,dans les trams, dans l’art du dessin et de la musique ,un circuit remarquable :Bravo
    Françoise

  2. Elisabeth

    26 juin 2020 à 13 h 18 min

    Merci pour la découverte de cet artiste multi casquettes.
    C’est impressionnant pour son âge d’avoir autant de talent.
    Félicitations à lui !!! Et à vous pour ce partage

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