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Au collège des enfants venus d’ailleurs

L’apprentissage du français n’est pas chose aisée. Encore moins pour les adolescents qui arrivent de très loin, parfois en cours d’année. Trois Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UP2A) existent à Vénissieux : deux au collège Paul-Éluard, la dernière à Elsa-Triolet.

L’apprentissage du français n’est pas chose aisée. Encore moins pour les adolescents qui arrivent de très loin, parfois en cours d’année. Trois Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UP2A) existent à Vénissieux : deux au collège Paul-Éluard, la dernière à Elsa-Triolet. Le 14 juin prochain, les jeunes de Paul-Éluard seront sur scène à la salle Erik-Satie. Ceux de Triolet rentrent de Paris où ils ont reçu un prix décerné par l’association Dulala qui promeut le plurilinguisme. Des élèves qui méritent un coup de projecteur.

Salles 115 et 117, 1er étage du collège Paul-Éluard. Sur les murs sont affichés l’alphabet, les conjugaisons des auxiliaires être et avoir, des verbes du premier groupe, une carte de France, et une autre du monde. Le décor est planté. Nous sommes dans une classe d’UP2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants).
Les élèves ont entre 11 et 16 ans. Ils viennent de loin, parfois même de très loin : Afrique, Amérique du Sud mais aussi Italie, Portugal, Serbie, Maroc, Allemagne… Ce sont des élèves nouvellement arrivés en France. Certains en cours d’année, d’autres le jour de la rentrée en septembre. « Leur intégration varie selon leur situation en France. Tous dépendent d’un collège de secteur. Mais en attendant leur intégration dans leur établissement, ils sont orientés dans ce dispositif », précisent Sylvia Wong et Sophie Blondenet, professeurs de Français langue étrangère et secondaire à Éluard. Objectif des classes Up2A : « Permettre à ces ados une scolarisation en milieu ordinaire en prenant en compte leurs besoins spécifiques. Ils bénéficient d’un enseignement renforcé en français – 16 heures par semaine – en fonction de leurs besoins et de leurs acquis linguistiques et langagiers ». Les autres matières leur sont enseignées parfois dans leur classe (comme les maths, l’anglais, l’histoire géographie) ou en inclusion (le sport, la musique, la technologie). Tout dépend de l’organisation de la classe.
Malgré leur expérience, les trois enseignantes, Sylvia Wong, Sophie Blondenet et Léa Crottat (Elsa-Triolet), se disent toujours surprises de “l’appétit” de leurs élèves. « Tous ont envie d’étudier, de progresser. Ils ne sont jamais en retard. Ils déploient une motivation sans borne car ils savent que l’enjeu scolaire est important pour eux. Ils font des progrès phénoménaux et généralement il y a une bonne entente entre eux. » C’est parfois plus délicat dans la cour de récréation pour s’intégrer aux autres, la barrière de la langue étant parfois difficile à franchir.

Un spectacle pour les élèves d’Éluard, un prix pour ceux de Triolet

Les élèves d’UP2A d’Éluard seront sur scène le 14 juin à la salle Érik-Satie pour présenter un spectacle préparé avec Ghislaine Bendongue, de la compagnie Traction Avant, sur le thème de la cuisine. Tous s’exprimeront en Français bien évidemment. Abdellah expliquera qu’il n’aime pas le jus de citron et sa saveur trop acide, mais qu’il apprécie le jus de noix de coco ; Kounouz qu’il adore le gratin de pomme de terre car il lui rappelle son grand-père, mais déteste les petits pois ; tandis que Dounia clamera sa passion du chocolat — « comme les maths ». Deux représentations sont programmées : en début d’après-midi pour des classes du collège et le soir pour les familles et amis.
Alors que les répétitions vont bon train à Éluard, l’UP2A de Triolet fête encore son retour triomphal de la capitale. Les 21 collégiens de l’UP2A – originaires d’Algérie, d’Italie, d’Espagne, du Portugal, du Cap vert, d’Angola ou encore des Comores – ont été primés le 16 mai par l’association Dulala (D’une langue à l’autre) qui promeut le plurilinguisme. Les enfants ont créé une pièce japonaise, un Kamishibai, sorte de théâtre ambulant présentant des saynètes sur fond d’illustrations. À partir d’une phrase d’un poème de l’écrivain portugais Pessoa « De ma fenêtre : vers le monde », ils ont créé un conte intitulé « Le jour où ma langue a ouvert tes oreilles ». Un travail mené conjointement avec leur enseignante de français et avec Mme Lavenac, professeur d’arts plastiques.
« Cette journée était fabuleuse, nous avons vu l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel, avant d’aller à la Maison de la culture japonaise où nous avons reçu notre prix », racontent-ils dans un joyeux tohu-bohu. De la fierté plein les yeux.

Remerciements : aux enseignantes Sylvia Wong et Sophie Blondenet (Paul-Éluard) et Léa Crotat (Elsa-Triolet) pour leur accueil, ainsi qu’à Leydermar, Ousmane, Modibo, Andrejas, Meriem, Malak, Anas et à tous ces ados qui ont accepté de témoigner.

 

Témoignages

Leydermar, 14 ans, Vénézuélienne
« Quitter ma famille et mes amies a été une vraie déchirure »

Au collège depuis mars 2018, l’adolescente parle le français avec beaucoup d’application. Elle raconte : « Avec mes parents et mes deux sœurs plus âgées nous habitions à Barquisimeto, une ville à 200 km de Caracas. Mon père est Portugais, ma mère Vénézuélienne. Compte tenu de la situation politique et économique dans mon pays, mes parents ont décidé de partir. Papa est d’abord venu en France puis nous l’avons rejoint ».
Un soir, se souvient-elle, « alors que je rentrais de l’école mes parents nous ont annoncé notre départ pour la France ». Un choc pour l’adolescente : « Je ne voulais pas partir. Maman m’a beaucoup parlé, m’a dit que c’était bien pour nous, pour notre avenir. Elle a fini par me convaincre ».
De la France elle ne connaissait rien. « Je ne situais pas du tout ce pays, n’avais jamais entendu parler de Paris. » Le plus dur pour elle fut de laisser sa famille et toutes ses amies. « J’étais scolarisée, j’aimais bien étudier et j’avais beaucoup de copines. Toutes sont venues nous accompagner à l’aéroport, et ce fut extrêmement difficile. Je ne savais pas où j’allais. J’étais très attachée à ma vie là-bas. »
Elle arrive au collège en mars 2018. « Je ne comprenais rien du tout ! Il y avait une fille dans la classe qui parlait portugais et comme je me débrouille bien dans cette langue, elle me traduisait ! Dans la classe, l’ambiance est bonne. Nous nous entendons bien. Nous avons dû faire face à des difficultés qui nous ont fait grandir. Je parle l’espagnol couramment bien évidemment, le portugais, le français et je maîtrise quelques mots d’arabe maintenant. »
Ses rêves : rester en France, y devenir infirmière et retourner au Venezuela pour passer des vacances.

Andrejas,12 ans, Serbe
« Je croyais qu’en France on parlait le Serbe ! »

« J’ai quitté la Serbie à l’âge de 8 ans, avec mes parents et ma petite sœur. Nous habitions à Novi Pazar. » Arrivé au collège Paul-Éluard en septembre 2018, Andrejas n’avait jamais été scolarisé avant d’intégrer l’UP2A. Sa famille a dû affronter des situations extrêmement difficiles tant sur le plan politique qu’économique. « Nous sommes allés d’abord en Allemagne. Un jour ma mère m’a demandé si je voulais venir en France. Je n’y connaissais personne. Et contrairement à Leydermar, je n’avais plus de familles dans mon pays d’origine. Celle de mon père a entièrement disparu pendant la guerre. »
Le jeune garçon croyait qu’en France tout le monde parlait le serbe ! « Très vite j’ai déchanté. D’abord j’ai été accueilli dans une classe UP2A à Dijon avant que mes parents décident de venir à Lyon. J’ai d’abord été au collège Jules-Michelet, dont les enseignants m’ont très rapidement orienté vers cette classe de Paul-Éluard. »
Aujourd’hui, le collégien se dit heureux. « Nous nous sommes fait des amis dans la classe et en dehors. » Lui aussi veut poursuivre ses études. « C’est très  important pour notre avenir. C’est une chance d’aller en classe. »

Ousmane, 16 ans, Ivoirien, mineur isolé
« Perdu au milieu de la mer »

C’est en juillet 2018 qu’ Ousmane arrive en France. Il n’a jamais été scolarisé auparavant. Son parcours ? Difficile à raconter pour lui. « Mes parents sont restés en Côte d’Ivoire. Je suis venu ici parce que je voulais m’en sortir et pour cela je devais quitter mon pays. » Pour atteindre la France, le voyage fut très très long : six jours de voiture et une traversée de la Méditerranée sur un petit bateau entre la Libye et l’Italie. « Je me suis senti perdu au milieu de la mer. C’était terrible. »
Après avoir vécu huit mois dans un hôtel à Perrache, Ousmane intègre un foyer à Lyon, où il est accompagné par la MEOMIE (Mission d’évaluation et d’orientation des mineurs isolées étrangers) pour son suivi et ses besoins quotidiens. « Mes parents, je les appelle régulièrement, ils sont contents pour moi. » Mais Ousmane ne cache pas qu’il a des moments d’inquiétude et d’angoisse face à son avenir. À 18 ans, pourra-t-il rester en France ?

Modibo 15 ans, Malien
« Chaque fois que je téléphone à maman, elle pleure »

« Mes parents ont quitté le Mali pour la Côte d’ivoire quand j’étais petit. La situation de ce pays était difficile et mon avenir incertain. Nous n’avions pas les moyens d’aller à l’école, ce que j’ai toujours regretté. Certains de mes amis partaient en France, j’ai voulu faire comme eux. Mais maman s’y opposait totalement. Je n’avais que 15 ans !”
Malgré tout, Modibo se lance sur les routes de l’exil. Une séparation déchirante. « J’appelle Maman dès que je peux pour avoir des nouvelles. Chaque fois qu’elle m’entend elle pleure. ».
Comme Ousmane, le périple pour arriver ici fut long et dangereux. En voiture jusqu’en Libye avant de prendre le bateau. « Quand je l’ai vu, j’ai pris peur. Les passeurs vous obligent à embarquer. Nous devions être 160 personnes à bord. Nous ne savions pas où nous allions. La traversée a duré plus de 20 heures. Nous avons été récupérés par la marine nationale italienne. Quand j’ai vu ce gros bateau, j’ai réalisé à quel point le nôtre était ridiculement petit. Arrivés en Italie, on pouvait venir en France, à Nice, Gap ou Briançon, ville que j’ai choisie. Puis ce fut Lyon. »
Aujourd’hui Madibo poursuit ses études sans souci et s’exprime avec facilité. Il a décroché le DELF (Diplôme d’études en langue française) avec 99,5 % de bonnes réponses. Et s’interroge sur le métier qu’il va choisir plus tard.

 

Après l’UP2A

Ebtessam rêve d’enseigner le français

Passée par l’UP2A d’Éluard, Ebtessam est aujourd’hui en classe de première littéraire à Jacques-Brel.

Quand Ebtessam arrive du Maroc il y a tout juste trois ans, elle n’a qu’une envie : pousser ses études le plus loin possible. « Mon père était là le premier, raconte la jeune fille. Quand il a trouvé du travail, nous l’avons rejoint avec maman et ma sœur. Je ne connaissais que quelques mots de français. »
Quitter le Maroc a été difficile. « Ce n’est jamais évident de couper avec ses racines, mais j’allais retrouver mon père, Vivre en famille me rendait heureuse. » Ebtessam craint surtout de ne pas avoir le niveau en français. « J’ai passé un an à l’UP2A de Paul-Éluard. Cette mixité de culture et de langues m’a tout de suite rassurée. J’ai apprécié l’esprit de solidarité entre les élèves qui avaient tous comme moi des appréhensions. »
Dans ce cadre de travail adapté, Ebtessam grille les étapes. En un an, elle atteint le niveau d’anglais d’un élève de troisième, alors qu’elle découvrait cette langue. En français, elle acquiert une bonne maîtrise de la conjugaison et de la grammaire. Avec Ghislaine Bendongue, comédienne de la compagnie Traction avant, elle découvre le théâtre. « Une femme formidable qui m’a donné envie de poursuivre cette activité au lycée. »

Des enseignants aidants et à l’écoute

Quand sonne l’heure de l’orientation, elle intègre naturellement une classe de seconde générale à Jacques-Brel. « C’était quand même difficile. J’étais dans une classe ordinaire, je ne comprenais pas tout. Pour m’en sortir, je n’avais qu’une solution : demander de l’aide aux adultes. Tout le monde m’a encouragé. Je restais au lycée de 8 heures à 18 heures. Je prenais des rendez-vous avec les assistants d’éducation, j’allais au CDI. Je voulais atteindre mon objectif sans redoubler ». Résultat : la jeune fille décroche les félicitations du conseil de classe à chaque trimestre.
Au Maroc, Ebtessam voulait devenir enseignante de français. « Aujourd’hui je veux toujours être prof de français mais ici ! » Le chemin est encore long. « Actuellement je suis en première L et je passe en terminale. Je travaille énormément le français et la littérature. Je lis beaucoup et je continue le théâtre. Dans quelques jours, je passe le bac de français. »
Ebtessam n’oubliera jamais Mme Wong ni le collège Paul-Éluard. « Si j’en suis là, c’est grâce à elle et à tous les enseignants qui ont été patients avec moi ! »

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