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Portraits

Thierry Boccoz, premier couteau

Dans son atelier du Moulin-à-Vent, ce coutelier forgeron fabrique des pièces uniques de manière artisanale, en utilisant à la fois des techniques ancestrales et ses connaissances scientifiques. Il est aussi formateur, agréé par l’Institut national des métiers d’art.

Dans son atelier du Moulin-à-Vent, ce coutelier forgeron fabrique des pièces uniques de manière artisanale, en utilisant à la fois des techniques ancestrales et ses connaissances scientifiques. Il est aussi formateur, agréé par l’Institut national des métiers d’art.

Bio express
Août 1970 : naissance à Marseille
1994 : arrivée à Vénissieux
1994-2014 : dessinateur industriel, deviseur, acheteur puis responsable des achats dans une société d’ingénierie
1999 : formation au métier de coutelier
Février 2015 : lancement de l’activité au Moulin-à-Vent

Certains métiers viennent du fond des âges, et ne s’appuient sur aucun diplôme ni école. Ainsi en est-il de celui de Thierry Boccoz, coutelier forgeron de son état. De fait, en pénétrant dans ce qu’il nomme « son antre », le visiteur se retrouve immédiatement quelques décennies en arrière, voire un peu plus loin. Forge, rectifieuse, marteau, marteau-pilon et poste à souder côtoient perceuse à colonne, scie à rubans, perceuse à bande et autres fours thermiques.

« On pourrait penser que le métier est assez « bourrin », et c’est vrai qu’il faut parfois buriner et taper comme un sourd sur le métal. Mais c’est un aussi métier très technique, avec une très grande dimension artistique, fait remarquer Thierry Boccoz. On peut très bien forger sans utiliser de gabarit et laisser libre cours à son imagination. Mais j’ai sur mon établi des gabarits imposés par mes clients, auxquels je dois m’adapter. » Dans ce métier, on ne parle donc plus seulement d’outils, de formes et d’épaisseurs, mais aussi de calculs mathématiques divers, de réactions chimiques et de taille des molécules.

Pour parvenir à maîtriser son art, Thierry Boccoz peut compter sur les compétences acquises durant ses études, puisqu’il est titulaire d’un Bac et d’un BTS électrotechnique. Il puise aussi son savoir dans une formation qu’il a suivie il y a vingt ans, et qui a agi comme un déclencheur. « C’était chez un maître coutelier dans la Drôme, Christian Avakian. C’est lui qui m’a véritablement transmis cette passion et m’a donné envie d’en vivre. »

Des pièces uniques
Thierry Boccoz utilise l’acier au carbone pour fabriquer ses lames. « Je ne travaille pas l’inox, je déteste cela, expose-t-il. C’est un travail plus contraignant que celui de l’acier au carbone, dont la qualité est mille fois supérieure. Avec le temps, l’acier au carbone a tendance à s’oxyder un peu et à noircir, mais ensuite il ne bouge plus. J’ai même des cuisiniers parmi mes clients, qui les utilisent dans leur travail. » Quant aux manches, ils sont réalisés avec des bois d’essences diverses : noyers, châtaigniers, ébène, olivier… « J’utilise aussi des bois d’animaux comme celui du Mammouth (sic), dont la vente est libre », précise-t-il.

C’est dans le petit atelier de quelques mètres carrés qui jouxte sa maison du Moulin-à-Vent, que Thierry Boccoz réalise et conçoit tous ses couteaux depuis février 2015. « Je suis autonome à 100 %. Je forge les lames, je fabrique les étuis, et c’est même moi qui récupère le bois avant de le laisser sécher quatre à cinq ans », sourit-il. Il ouvre l’un de ses couteaux d’un geste rapide et précis, en nous regardant droit dans les yeux. Puis approche quelques feuilles de papier et les entaille d’une dizaine de centimètres par une simple pression de la lame. Le papier se coupe, mais ne plie pas. « C’est un bon test pour savoir si la lame est assez affûtée. »

Intarissable, il nous montre les multiples motifs incrustés sur le fer. « Toutes mes lames sont faites en acier de Damas. C’est un matériau constitué de plusieurs couches d’aciers différents, soudées et forgées pour obtenir des motifs parfois très complexes, que je réalise ici. » Certains représentent des flammes, d’autres suggèrent des vagues ou font penser aux veines du bois, d’autres encore ne représentent rien. Mais tous ces objets sont de petites œuvres d’art. Des pièces par ailleurs uniques : Thierry Boccoz n’a jamais réalisé une seule série destinée à être reproduite.

Transmettre le métier
Mais que fait Thierry Boccoz lorsqu’il ne forge pas ? Il chasse… à l’arc. « Je chasse principalement le gros gibier, mais aussi le canard ou les faisans en vol. Je n’ai pas touché une carabine depuis que j’ai découvert l’arc. «  Il emporte ses couteaux avec lui, pour dépecer ses proies ou abréger leurs souffrances. Mais pas question de fabriquer les arcs ou les pointes des flèches, dont la fabrication répond à des exigences techniques trop pointues.

Depuis quelque temps, Thierry Boccoz a ajouté une nouvelle corde à ses compétences : la formation. « J’ai actuellement un stagiaire qui effectue sa troisième semaine de formation chez moi. Il apprend le métier de A à Z, explique-t-il, précisant qu’il est formateur agréé, reconnu par l’Institut national des métiers d’art. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu d’être récompensé aux Trophée de l’artisanat du Progrès en juin dernier, dans la catégorie « jeune entrepreneur ». Il reçoit aussi 30 à 40 stagiaires particuliers par an. Ces derniers découvrent le métier pendant deux jours, et repartent avec le couteau qu’ils ont fabriqué de leurs propres mains. La tradition a encore de beaux jours devant elle.

A découvrir sur http://www.coutelier-forgeron.fr/

 

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