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La « barre ICF », une histoire de béton et de vies

Debout depuis 1967, trop chère à réhabiliter, l’immense barre ICF de Monmousseau s’écroulera dans un an. Cela fera un grand bruit et un gros pincement au cœur à ses anciens locataires, en cours de relogement.

 

Peu à peu, au fil des relogements, les locataires quittent l’immense barre ICF de Monmousseau. Debout depuis 1967, trop chère à réhabiliter, elle s’écroulera dans un an. Cela fera un grand bruit et un petit pincement au cœur à ses anciens locataires.

Depuis 1967 qu’elle se dresse dans le ciel vénissian, on ne voit qu’elle, ou presque. “La barre” comme on l’appelle communément à des airs de rempart, de mur d’enceinte planté sur les contreforts du plateau des Minguettes. Une citadelle moderne surplombant le vieux bourg. Méritant son surnom, le bâtiment barre l’horizon du haut de ses 15 étages. Plus pour longtemps.

Recoudre la ville. En même temps qu’une profonde requalification des Minguettes, la municipalité de Vénissieux a entrepris de recoudre les coupures urbaines qui séparent ce quartier du reste de la commune. C’est pourquoi, dans le cadre du nouveau Projet national de renouvellement urbain entamé au printemps 2016, l’immense immeuble de la rue Gaston-Monmousseau sera dynamité, fin 2018.

« La barre » n’est pas qu’un mur. C’était surtout le foyer de 197 familles. Des cheminots, au début, logés là par l’opérateur immobilier de la SNCF, puis des gens venus de tous les horizons. Dans la perspective de la disparition du bâtiment, ICF Habitat Sud-Est-Méditerranée, propriétaire et gestionnaire des lieux, a entamé le relogement de ses derniers locataires. Une opération soutenue par la commune et menée avec Apertise Conseil, agence lyonnaise « d’ingénierie sociale », qui a réalisé un diagnostic et élaboré un plan de relogement, en croisant les demandes et les offres.

Quand les voisins disparaissent. Dans les halls de la barre, les boîtes aux lettres sans nom ou sans porte témoignent des départs. Il ne reste plus qu’une soixantaine de ménages à reloger d’ici juin 2018. Allée 21, il y a 24 appartements vides sur 36. Les paliers inoccupés sont murés. « Il n’y a plus personne ni au-dessus ni en dessous de chez moi, et les voisins d’en face sont partis, décrit Pierrette, qui habite au 12e. Du coup, mes enfants en profitent pour mettre la musique fort ! » Cette disparition progressive du voisinage l’ennuie un peu (« on s’entendait bien »), mais ne l’inquiète pas vraiment. « Je commencerai à m’en faire quand je ne croiserai plus personne dans l’ascenseur ! »

Dans huit mois, l’immeuble devra être totalement vide. Pierrette attend une proposition qui lui convienne, étonnamment sereine. « Il faut dire que je suis un peu difficile, je demande à rester dans un T4, à Vénissieux, mais pas sur le plateau ». Trente ans qu’elle habite la commune, d’abord à Cachin puis ici. « Ils vont me trouver quelque chose, mais quoi ? J’espère que ça ne sera pas plus petit que mes 87 m2 et plus cher. Ici, les charges sont élevées mais les loyers sont bon marché. Quand j’ai besoin d’infos, je vais à la permanence du mardi ou je demande au gardien ». Ce qu’elle regrettera en partant ? « Pas le quartier, c’est devenu le Bronx. Mais la vue depuis chez moi : d’un côté Fourvière et le Pilat, de l’autre le Mont-Blanc et les Alpes ! »

” Ils ont lâché l’affaire”. Neuf étages plus bas, Noureddine, 51 ans, son épouse et leurs trois enfants demandent également à être relogés dans un T4. « J’ai déjà eu une proposition, que j’ai refusée. Ils vont m’en faire une autre bientôt. Je cherche aussi de mon côté, pourquoi pas vers Vienne, où je travaille, mais ça risque d’être plus long qu’en passant par ICF. J’aime bien Vénissieux, mais il y a 25 ans, l’immeuble c’était un palais, propre et tout. Maintenant, on sent bien qu’ils ont lâché l’affaire… »

Immeuble en phase terminale. La dernière réhabilitation d’ampleur a eu lieu dans les années 1990, et l’on voit que l’immeuble est en fin de vie : infiltrations, mauvaise isolation thermique et phonique, pannes d’ascenseur à répétition faute d’investir dans une réparation coûteuse. Les halls sont nickels, mais parfois occupés par des guetteurs, et dès les premiers étages de la cage d’escalier, on tombe sur les classiques du squat parasite, murs noircis par les prospectus calcinés, barquettes de kebab, canettes de soda, flaque d’urine… Entre le 1er et le 2e étage du 21, un graffiti « Sarko fils de pute » prend une valeur quasi archéologique.

Une vie en HLM. Allée 11, Yvonne a le même sentiment d’une lente dégradation de son cadre de vie, mais elle ne voulait pas partir. La vieille dame a emménagé ici au début des années 1970, elle a l’impression d’être « fichue à la porte, délogée », alors qu’elle a « toujours payé son loyer ». Fin novembre, elle quittera tout de même l’endroit où elle a élevé ses enfants et vu grandir ses petits-enfants. Pas toujours facile de lâcher « la barre ».

La moitié des familles relogées en un an. À ce jour, 98 locataires ont été relogés, soit plus de la moitié des 163 foyers recensés en juin 2016 (avant cette date, 34 familles avaient déjà déménagé d’elles-mêmes). Les deux tiers ont été accueillis dans le parc d’ICF, le reste chez d’autres bailleurs sociaux grâce à une convention inter-bailleurs qui fonctionne bien et évite les listes d’attente. Plus de 30 % sont restés à Vénissieux, à leur demande. Les autres sont partis vivre ailleurs dans la Métropole. Selon une étude réalisée cet été par le bailleur, la grande majorité des ex-locataires sont satisfaits du processus de relogement (voir encadré).

Déménagement pris en charge. C’est le cas d’Anliati, 38 ans, mère de deux adolescentes. Après « 15 ans au 14e étage de l’allée 13 », elle a emménagé cet été dans un F4 au 1er étage d’une petite résidence rue Gustave-Noblemaire. « On était bien, là-haut, raconte-t-elle, mais tant qu’à partir, j’ai demandé plus grand. On m’a fait une première proposition, chez Alliade, mais la cuisine était trop petite ! La seconde a été la bonne : les filles ont chacune leur chambre, et c’est tout refait. Déjà, c’est mieux isolé. À la barre, on entendait les voisins parler, se brosser les dents, aller aux toilettes ! » Avec des charges en moins, son loyer a même baissé. Son déménagement a été financé par ICF, « mais les jeunes ont remonté les lits à l’envers et mal vissé l’armoire ». La perfection n’est pas de ce monde…

La vue, toujours la vue… Élodie (29 ans) est, elle aussi, encore dans la barre, dans le T3 de 64 m2 qu’elle loue depuis 2009. Mais elle emménagera aux vacances de Noël, dans une résidence ICF neuve, rue Eugène-Varlin, un rez-de-jardin de 80 m2. « Maman solo » de deux garçons de 11 et 2 ans, elle est heureuse de rester sur Vénissieux. « Ça va peut-être vous étonner mais je m’y sens plus en sécurité qu’à Lyon. Et c’est bien plus tranquille : quand je vais chez des copines à Lyon ou à Villeurbanne, je ne ferme pas l’œil de la nuit tellement c’est bruyant dans la rue ! » Ce qu’elle regrettera ? « Le tram et le gymnase juste à côté où mon grand fait de la boxe et de l’escrime. Et puis la vue »

Seront-ils là, tous, dans un an, pour voir s’écrouler leur barre ? « Oui, pour tourner la page, résume Noureddine. Mais ça fera un pincement au cœur, de voir une partie de notre vie partir en poussière. »

Un relogement bien vécu
88 % des locataires interrogés se disent « satisfaits », ou « très satisfaits » des conditions de leur relogement. 96 % sont « satisfaits » ou « très satisfaits » de l’information apportée sur les conditions de relogement. 84 % se disent « très satisfaits » de la disponibilité, de l’écoute et de la prise en compte de leurs besoins. Enquête ICF auprès de locataires relogés réalisée en juin 2017.

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