Thierry Quattrociocchi le reconnaît volontiers : “Rien ne me destinait à travailler dans une maison comme Hermès. Je suis Vénissian, j’ai grandi au Charréard et à Joliot-Curie. Pour tout dire, je ne connaissais même pas la marque avant d’y entrer !”
La vie en décida autrement. Après avoir fréquenté les écoles Jules-Guesde et du Centre, les collèges Jules-Michelet et René-Cassin (à Corbas, celui-là), il entre au lycée professionnel Hélène-Boucher… bien loin encore de l’univers Hermès. “J’ai fait un CAP cuisine, se souvient-il. Je l’ai obtenu en 1985. Ça me plaisait, oui, mais je n’en ai pas fait mon métier !” À cette époque pas si lointaine, les jeunes gens devaient partir un an à l’armée, loin de leur quotidien et de leurs ambitions professionnelles. Thierry Quattrociocchi n’y échappera pas. Son service militaire terminé, il revient à Vénissieux. Il enchaîne les petits boulots en cuisine. Une société d’intérim l’envoie “à droite à gauche, pour des missions plus ou moins longues. Rien de bien viable.” Mais un jour, cette société lui propose l’emploi “qui va changer (sa) vie”. “On m’a dit : j’ai un petit boulot pour toi à Pierre-Bénite. Comme je le disais, je ne savais pas ce que représente Hermès. Quand je racontais à mes amis où je travaillais, ils hallucinaient tous ! Moi je répondais : Bah quoi ? C’est connu à ce point ? Je n’ai pris conscience du rayonnement de la marque que petit à petit. J’ai été engagé en tant qu’aide main-d’œuvre. Mon boulot consistait à lever le tissu après impression. Ça m’a vite plu. Et ma mission, qui devait ne durer qu’un mois, a été prolongée.”
“Une famille”
Thierry entre alors dans ce qu’il décrit à la fois comme “une grande famille et une équipe, comme au rugby” — un sport qu’il a d’ailleurs pratiqué à l’US Vénissieux. “Dès mon entrée dans l’entreprise, et même si je n’étais qu’un intérimaire, j’ai été bien accueilli. Tout le monde est venu me serrer la main, me saluer. Cet esprit d’équipe et de fraternité m’a touché. Pour tout dire, le vendredi, j’avais hâte d’arriver au lundi pour retrouver tout le monde !”
Chez Hermès, la personnalité et la motivation de Thierry plaisent. Plusieurs responsables décèlent son potentiel. Il sera formé à l’impression sur tissu par un collègue, nommé quelques temps plus tôt Meilleur ouvrier de France. “En devenant Imprimeur, j’ai découvert un nouveau métier que j’ai adoré. En cuisine, je ne me sentais pas complètement satisfait. Cette fascination pour mon poste, pour les matières avec lesquelles nous travaillons, ne m’a jamais quittée. Tous les lundis, je découvre un nouveau dessin, une nouvelle matière, de nouvelles couleurs !”
“Dans une maison comme Hermès, on ne peut jamais se reposer sur ses acquis.”
Thierry est fasciné. Donc motivé. Tout au long de sa carrière, il cherche à progresser. En 2011, il remporte le Prix de l’Adresse, un concours interne de fabrication de “pièces exceptionnelles”. Mais, comme son mentor avant lui, c’est le titre de Meilleur ouvrier de France (MOF) qu’il vise. “J’aime relever de nouveaux défis, assure-t-il. Je suis très fier de travailler pour Hermès, et ce concours MOF est une façon de rendre hommage à mon employeur.”
Un concours loin d’être une sinécure. Une première étape qualificative le place face à une épreuve écrite : dix questions portant sur les techniques d’impression sur tissus traditionnels et modernes, sur les notions de chimie inhérentes à l’impression sur tissus, sur la technologie et la culture du métier. L’épreuve finale l’occupera des mois durant. A partir d’un dessin sélectionné dans la bibliothèque de son entreprise, il lui est demandé de mettre au point un coloris permettant une impression similaire sur 10 mètres de twill en application sur fond blanc, et autant sur fond noir. “Ça n’a pas été facile. Mon motif est un dessin de 14 couleurs, avec une partie en impression à l’aveugle. Cela a été un gros défi, d’autant que je devais le réaliser sur mon lieu de travail mais en dehors de mes horaires de production. Concrètement, j’étais sur les lignes à 7 heures du matin, je travaillais pendant 8 heures sur mon projet, puis j’enchaînais 8 heures sur ma charge de travail normale.”
Ces efforts ont payé. En février dernier, au musée de Bourgoin-Jallieu, Thierry Quattrociocchi, le Vénissian titulaire d’un CAP cuisine qui n’avait jamais entendu parler d’Hermès avant d’y travailler, a été désigné Meilleur ouvrier de France. Il fait partie des 224 lauréats, sur plus de 5 000 présents au départ. “C’est une grande fierté et un immense honneur, bien sûr. C’est la reconnaissance d’un apprentissage qui n’est pas terminé : dans une maison comme Hermès, on ne peut jamais se reposer sur ses acquis.”
À 48 ans, Thierry sait ce que représente ce titre. Et il voit l’avenir avec un objectif : la transmission de compétences uniques, nées en 1837 avec la fondation d’une manufacture de harnais et de selles qui deviendra l’enseigne de luxe Hermès. “Pour la suite de ma carrière, je n’ai que deux souhaits : continuer à découvrir de nouveaux produits, et transmettre mon savoir-faire. Il ne m’appartient pas. Mon rôle dans une maison comme Hermès, c’est de le passer à quelqu’un d’autre. Je veux être le maillon d’une très longue chaîne !”
Tiffany
4 juin 2015 à 19 h 16 min
trop la classe
bernal yvette
3 juin 2015 à 21 h 05 min
chapeau!!!!!