Nader Oueslati, son frère Malek et Walid El Houweij viennent de remporter le Grand prix national du prestigieux concours Talents des cités. Il récompense l’audace entrepreneuriale de ces trentenaires, qui peaufinent un avenir ambitieux.
Des “Talents des cités” ? Sans doute. Mais aussi et surtout de véritables entrepreneurs. À respectivement 36, 26 et 30 ans, Nader Oueslati, son frère Malek et Walid El Houweij ont remporté le 20 octobre le Grand prix du concours “Talents des cités”, organisé par le ministère de la Ville et le Sénat. Avec à la clé, 5 000 euros pour lancer leur nouvelle activité : Global Services, destinée aux professionnels du bâtiment. Une récompense nationale, quelques semaines après avoir remporté l’équivalent régional de ce concours, dans la catégorie “Emergence”.
Les deux frères Oueslati, Vénissians de cœur, ont grandi sur le plateau des Minguettes. Ils s’y sont installés en 1989 avec leurs parents. Nader, qui prépare un bac professionnel après un passage par le Greta pour son CAP, intègre les services municipaux, en tant qu’apprenti en hygiène et environnement. Sa formation théorique est assurée par le CFA de la Maison de la propreté, au Parc-club du Moulin-à-Vent. A 25 ans, il crée une première entreprise… qui ne marchera pas. “Puis, changement de parcours. Auprès de deux associations locales, j’ai appris les métiers du nettoyage à des personnes handicapées.” En 2006, il rejoint la société Allo Net, en tant que responsable d’exploitation. Il y rencontre Walid, un Lyonnais de la Duchère, ancien analyste financier et contrôleur de gestion. Malek, le frère, rejoint l’entreprise en 2008 en tant que chef d’équipe, après un BTS Hygiène Propreté Environnement.
“Nous avons ressenti très vite l’envie de voler de nos propres ailes, raconte Nader. En travaillant ensemble, on s’est rendu compte que l’on pouvait faire quelque chose tous les trois, que le courant passait bien et que l’on partageait les mêmes objectifs.” C’est ainsi que naît, en 2008, 6e Sens. Son domaine ? Le nettoyage des chantiers, en cours et en fin de construction. Avec une première grosse mission sous la forme d’un défi, dès l’année suivante : 116 chambres et les cuisines d’un hôtel de luxe à Val d’Isère à nettoyer, à cinq. “Une folie ! se souvient le trio pour le jury des Talents des cités. Mais nous avons réussi.”
D’abord installée à Rive-de-Gier, dans la Loire, l’entreprise emploie une douzaine de personnes à temps plein. Nader en est le gérant et le directeur commercial, Malek gère le personnel et l’exploitation, Walid s’occupe de l’administratif et des aspects financiers.
Valoriser les déchets
C’est dans la continuité que naît l’idée de Global Services, qui a fait l’objet de neuf mois de suivi par la Mission économie de la Ville de Vénissieux, laquelle a parrainé la candidature du trio au concours Talents des cités. “Nous les avions reçus dans le cadre de leur implantation en zone franche, se souvient Raddouane Ouama, ancien de la Mission économie aujourd’hui chef de projet entrepreneuriat pour le Grand Lyon. Des liens se sont créés entre nous, leur projet nous paraissait très solide. Le concours Lyon Ville de l’Entrepreneuriat venait d’être lancé, nous les avons poussés à se présenter. Ils l’ont remporté, dans la catégorie Dynamique territoriale. C’est un très bel exemple de réussite : un porteur qui croit en son projet, c’est déjà la moitié du chemin de fait.”
“On voyait tout ce qu’il y avait comme déchets sur les chantiers, et tout ce qui n’était pas recyclé, reprend Nader. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire.” D’autant que la valorisation des déchets de chantiers sera bientôt une obligation légale, impulsée par le Grenelle de l’environnement. Représentant 50 millions de tonnes par an (dont 65 % proviennent de la démolition, 28 % de la réhabilitation et 7 % de la construction neuve), ils ne sont actuellement recyclés qu’à moins de 50 %. À titre de comparaison, chaque année, environ 30 millions de tonnes de déchets ménagers sont produits. “Nous allons proposer un service complet afin de permettre aux entreprises du BTP de se mettre en conformité avec le Grenelle, résume Nader. Dans ce domaine comme dans d’autres, il ne faut pas avoir peur de faire des heures. Et du travail, il va y en avoir…”
Après un audit réalisé par leurs soins, une plateforme de tri sera implantée sur les chantiers, et placée sous la responsabilité d’un agent. Installée en partenariat avec des entreprises utilisant des produits recyclés comme matières premières, cette plateforme doit permettre d’améliorer grandement les performances de tri. “Notre objectif, c’est 70 % de valorisation. D’ici à 2020, toutes les entreprises du bâtiment devront y passer. Autant prendre les bonnes habitudes tout de suite. Selon nos prévisions, nous pourrions même atteindre 90 % de valorisation, en l’espace de six mois. De plus, le fait de travailler avec des entreprises partenaires fera baisser le coût de la valorisation des déchets. Tout le monde y gagne et cela crée de l’emploi.”
L’entreprise, réinstallée rue des Martyrs-de-la-Résistance, sur le plateau des Minguettes, et rebaptisée 6e Sens – Global Services, sera officiellement lancée en janvier 2013. “Lorsqu’il a fallu choisir une zone franche pour nous installer, celle de la Pyramide à Vénissieux nous a paru être une évidence, raconte Nader. Il s’agissait de renouer avec notre ville. Il était impensable d’aller nous installer à Vaulx-en-Velin ou ailleurs !” Global Services devrait très vite représenter près du quart du volume d’affaires de l’entreprise. Une croissance de 10 % de leur chiffre d’affaires est attendue.
“Nous avons écouté les conseils de professionnels du secteur, rappelle Malek. Ils ont apporté des critiques, qui nous ont été précieuses. Il y a en tout cas une véritable demande de la part des professionnels. Que ce soit par conviction écologique, ou par souci d’économies.” La proximité avec le client, c’est d’ailleurs ce qui fera la force de Global Services, ils en sont persuadés. “Nous voulons instaurer une véritable relation de confiance avec ceux qui nous confient la valorisation de leurs déchets. Notre service sera ultra-réactif. Nous prendrons le risque de voir nos clients nous dire “au revoir” à tout moment, puisque nos contrats ne nous lieront pas sur une durée déterminée. À nous, donc, de tout faire pour qu’ils soient satisfaits. Nous allons nous en donner les moyens.”
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