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Portraits

Claude Mollet, médecin engagé

Par choix éthique, Claude Mollet a débuté sa carrière comme médecin salarié à la clinique mutualiste La Roseraie. Trente-sept ans plus tard, il la termine aux Portes du sud. D’abord généraliste puis urgentiste, il a été témoin de tous les soubresauts de notre société. Et s’inquiète des difficultés croissantes des gens à se soigner.

Après trente-sept ans passés à exercer la médecine à Vénissieux, le Dr Claude Mollet a décidé qu’à 66 ans, il était temps pour lui “de s’éclipser”. Mais pas sans réunir ses confrères et amis pour un moment de convivialité. Et ils sont venus nombreux, le 30 septembre au centre hospitalier mutualiste Les Portes du sud, pour lui souhaiter une bonne retraite. L’émotion s’était invitée, aussi.
Le livre d’histoire du Dr Mollet s’ouvre en 1974. Claude vient de finir ses études de médecine à l’université de Lille. Dès ses premières années de fac, il s’était engagé politiquement, à gauche : “C’était clair : je ne voulais pas de rapports d’argent entre les malades et moi. J’ai rapidement adhéré au syndicat UNEF puis au parti communiste. J’ai même été le premier élu étudiant au conseil d’administration de l’université de Lille après 1968 ! Je garde de cette période d’excellents souvenirs.”
Sa thèse passée, le jeune médecin a l’objectif de s’installer. Mais pas n’importe où. “Colette Marcand, qui exerçait déjà à la clinique mutualiste La Roseraie, m’a informé qu’un poste de généraliste se libérait. Elle m’a suggéré de postuler. Voilà comment je suis arrivé à Vénissieux.”
La Roseraie est alors un centre de santé géré par l’UMUTR, l’union des mutuelles de travailleurs du Rhône, “fille naturelle de la CGT”. “Je militais pour la création de ces structures et ce n’était pas bien vu de notre hiérarchie. Quand je suis allé au Conseil de l’ordre avec mon contrat de médecin salarié, le président a refusé de le ratifier. La médecine sociale, ça n’existait pas pour lui. Avec quelques autres confrères, j’ai refusé de payer ma cotisation à l’Ordre. J’ai été condamné à payer… et je suis rentré dans le rang !”

La clinique rouge
Alors que la ZUP de Vénissieux manque de médecins libéraux, quatre cabinets de généralistes salariés sont implantés à La Roseraie. Claude Mollet s’engage pleinement dans cet exercice qui colle à son exigence éthique : “Nous avions nos patients, nous faisions des visites à domicile. Des liens se sont d’ailleurs tissés avec certains malades qui sont devenus de vrais amis.”
Paradoxalement, c’est après 1981 que les conditions d’exercice se compliquent. “Après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, la gauche qui s’était battue avec nous pour ouvrir des centres de santé les a laissés fermer. Quelle déception ! À La Roseraie, on a mené une vraie bataille mais on nous a très vite fait comprendre que nous concurrencions les médecins libéraux du secteur. Nos tutelles nous appelaient la clinique rouge !”
Les cabinets de médecins salariés sont fermés et Claude Mollet prend de nouvelles fonctions. Il a en charge à la fois l’information médicale et les urgences. “Concrètement, je passais presque tout mon temps aux urgences. À sa création, c’était un petit service : j’étais le seul médecin thésé avec cinq internes.”
La fusion de la clinique (mutualiste) La Roseraie avec la polyclinique (privée) des Minguettes n’a pas été non plus de tout repos. Le Dr Mollet en garde un souvenir douloureux. “Nous n’étions pas dans la même logique. Comme président de la CME (commission médicale d’établissement) de La Roseraie, je savais bien qu’on ne pouvait pas faire autrement, mais ce n’était pas simple. Aujourd’hui je reconnais que la construction à Vénissieux du pôle hospitalier mutualiste Les Portes du sud, issu de la fusion des deux établissements, est une chance pour les habitants du sud-est lyonnais.”

Le stéthoscope et la calculette
Au fil des décennies, Claude Mollet a vu s’approfondir la crise sociale, le chômage progresser, les Minguettes se paupériser. La violence a fait son apparition. “Quand je suis arrivé à la ZUP, la population était jeune. On avait des liens extraordinaires avec les patients. Puis avec l’augmentation des problèmes sociaux, les relations se sont transformées. Le métier de médecin n’est plus considéré comme il l’était avant. Aux urgences notamment, le climat devient très vite conflictuel.”
Il regrette aussi la logique économico-financière qui prévaut dans l’exercice de la médecine : “Quand j’ai débuté, on avait uniquement le souci de nos patients. Maintenant, à cause de la tarification à l’activité, on a un stéthoscope dans une main et une calculette dans l’autre. La médecine est gérée au plus haut niveau par des économistes. La preuve : le numéro un de l’APHP (assistance publique des hôpitaux de Paris) n’est autre que l’ex numéro 2 de la SNCF !
“Les ministres qui se succèdent veulent à tout prix freiner les dépenses de santé, c’est une aberration. On fait du high-tech, comme les greffes de visage. C’est très bien. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la santé des gens. Or, aujourd’hui, ceux qui ont peu de moyens se soignent moins bien que les autres. Si on voulait que l’ensemble de la population se soigne correctement, il faudrait injecter de l’argent pour la santé et arrêter les suppressions de postes dans les services.”
Ce qui manquera le plus au docteur Mollet ? “La démarche du diagnostic : une responsabilité… et un plaisir”.
Désormais, outre qu’il aura plus de temps à consacrer à sa famille, Claude Mollet veut reprendre les échecs, aller au théâtre, au cinéma, lire… Mais pas question de couper les ponts avec la médecine : “J’ai très envie de passer un diplôme d’éthique médicale pour intervenir ensuite en tant qu’expert. Surtout, je souhaite choisir les contraintes. C’est la définition même de la liberté, non ?”

1 Commentaire

1 Commentaire

  1. jean claude malfait

    25 janvier 2021 à 7 h 28 min

    ancien compagnon de fac à Lille, je confirme son engagement de gauche qu’il a toujours manifesté. j’ai été heureux de le revoir à Lyon où il m’a gentiment reçu.
    Hélas, depuis plus de nouvelles malgré mes appels sur le net.
    Dois-je craindre sa disparition ?

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