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Hier migrant, aujourd’hui éducateur au VFC

Parti seul de Guinée à 14 ans, Ibrahim a traversé de multiples épreuves. Il est aujourd’hui, à 22 ans, apprenti éducateur au Vénissieux football club.

Sur l’un des synthétiques du complexe sportif Auguste-Delaune, Ibrahim Barry passe inaperçu. Il est l’un des nombreux éducateurs qui animent des séances de perfectionnement du football. Attentif, il a en charge les moins de 13 ans. Il intervient aussi sur le foot loisir avec les moins de 8 ans, le mercredi matin. Enfin, il anime les étapes des « soccer-city tour », certains mercredis. Au contraire de certains de ses collègues, il observe plus qu’il ne parle. Et s’excuse presque en déclarant : « Je suis de nature discrète ».

Pour comprendre cette attitude, il est nécessaire de retracer son incroyable parcours. À 14 ans, Ibrahim décide de quitter N’Zérékoré, 3e ville de Guinée, pour des raisons sociales et familiales. « Il fallait vraiment que je m’en aille« , dit-il, sans approfondir. Après une première tentative infructueuse pour retrouver de la famille au Sénégal, parcourant plusieurs centaines de kilomètres en auto-stop et en bus, il revient bredouille.

Quelques semaines plus tard, Ibrahim reprend la route : Côte-d’Ivoire, Burkina Faso, Niger puis Mali. « Mon intention était de me reconstruire dans l’un de ces pays voisins, et de me recréer une nouvelle vie. » Hélas, obligé de vivre de la débrouille, il ne rencontre qu’ennuis, menaces et violence, et décide d’aller voir plus loin, plus au Nord, si l’herbe est plus verte. D’abord en Algérie, puis en Libye. Mais il doit faire face aux mêmes désagréments. Pire, contrôlé sans papiers en territoire libyen, il sera emprisonné une quinzaine de jours.

« J’ai compris qu’il fallait que je quitte le continent africain. Toujours en me débrouillant comme je le pouvais. » Ce qu’il réussira à faire après deux tentatives, la première se soldant par un drame. Prenant l’eau de toutes parts, l’embarcation pneumatique de fortune sur laquelle il s’était embarqué parvient tout juste à retourner à son point de départ. Mais pas tous les passagers. « Durant la traversée, il y a eu plusieurs morts », précise Ibrahim le visage grave, sans entrer dans les détails.

Lampedusa, Gênes, puis Lyon

En mars 2016, il arrive en Italie, à Lampedusa, réputée pour accueillir des vagues de migrants. La Croix-Rouge assure sa prise en charge. « J’ai été transféré vers un centre d’accueil, j’ai bénéficié d’une assistance médicale, puis j’ai été conduit à La Spezia, près de Gênes, dans un autre centre où j’ai pu bénéficier de cours de français, jouer au ballon, me ressourcer. Six mois plus tard, j’ai fait une demande d’asile pour la France, à Lyon plus précisément, parce qu’on m’avait dit que c’était plus accueillant que Paris. Arrivé à la gare de la Part-Dieu avec mon petit sac à dos, j’ai trouvé un foyer dans le quartier Jean-Macé. »

Ibrahim en a alors presque fini avec la galère. Il se démultiplie pour obtenir un récépissé provisoire, approfondit la langue française, se rapproche d’associations comme Kabuku, qui favorise l’inclusion sociale et professionnelle des personnes exilées grâce à au sport. Il finit par obtenir une carte de réfugié pour une durée de cinq ans. La vraie vie peut commencer. En septembre dernier, il décroche un job en intérim comme préparateur de commandes dans une boîte de transport de Saint-Priest. Grâce à Kabuku, il réussit ensuite à intégrer le programme FIER (Football Inclusion Emploi pRimo-arrivants), mené par l’Olympique Lyonnais. Un projet qui prépare les participants à intégrer une alternance afin de les former au titre d’employé administratif et d’accueil dans des associations sportives.

Se reconstruire aux Minguettes

Ibrahim avec son tuteur, Bailly Ouraga, directeur de l’école de foot de l’USV.

Les bons rapports et le partenariat du club olympien avec le Vénissieux football club (VFC) font le reste. Accueilli et accepté comme alternant par Bailly Ouraga, directeur de l’école de foot, qui devient son tuteur, Ibrahim affine son apprentissage. « Il est débrouillard, motivé, il parle quatre langues quand même, explique Bailly. On l’accompagne pour qu’il gagne en autonomie et pourquoi pas pour l’aider à obtenir le BPJEPS (brevet professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et du Sport), diplôme indispensable pour un poste ici ou dans une autre structure sportive. »

Un petit sourire discret illumine le visage d’Ibrahim, sa marque de fabrique. « J’apprends au quotidien, je veux avancer dans ma nouvelle vie, trouver un vrai job et aussi un logement social, je viens d’en faire la demande. »

 

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