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Culture

Mathieu Tulissi Gabard ne tient pas en place

14e écrivain à être accueilli en résidence littéraire, il multiplie les rencontres jusqu’à fin avril et participe au Magnifique printemps.

Photo Emmanuel FOUDROT

Le foot, le théâtre, la musique, la danse, la poésie, autant de domaines différents dans lesquels Mathieu Tulissi Gabard s’est exercé. Arrivé en février à Vénissieux dans le cadre de la résidence d’auteur mise en place par l’Espace Pandora — il est le quatorzième à être accueilli —, Mathieu séjournera dans la commune jusqu’à fin avril et reviendra en mai pour le Jour du livre.

Commençons par le foot. “J’en ai fait dès l’âge de six ans et, très rapidement, j’ai voulu devenir pro.” À 13 ans, le centre de formation de l’AS Saint-Étienne propose de le prendre. “J’habitais Paris, commente Mathieu, et j’étais trop jeune. Ça pouvait être difficile.” Deux ans plus tard, c’est à Montpellier qu’il trouve sa place. Mais… “Les centres de formation sont très fermés et déprimants. J’y suis resté un an et j’ai décidé de partir. Cela m’a dégoûté du foot. C’est d’ailleurs le sujet de mon livre actuel. J’interviewe mes ex-coéquipiers, mes entraîneurs. Le foot me faisait rêver, comme plein de gamins mais très peu réussissent et la machinerie, le système industriel insinuent en vous des désirs qui ne sont pas purs. La plupart des jeunes joueurs deviennent déprimés. J’essaie de parler de ça.”

Quant à l’écriture, Mathieu explique qu’il la doit à son grand-père. “Il habitait le Gers et tenait un journal de paysan, dans lequel il racontait ses plantations. Nous sommes partis en voyage en Italie, source de la famille, et il a continué à l’écrire. J’ai voulu faire comme lui et j’y ai pris goût.”

Il l’avoue, il ne parcourait alors que France Football ou L’Équipe et, lorsqu’il arrive au centre de formation, Mathieu se met à lire. “Il y a eu un acte héroïque, voire révolutionnaire, de la part de ma tante qui était féministe et anarchiste. Elle m’a offert deux livres : 1984 et Le Meilleur des mondes. Dans ces lieux autoritaires qui nous enfermaient, c’était une belle métaphore de l’industrie du football.”

“Nous avions ce mélange d’amour, d’irrévérence et de pédanterie aussi. Je viens d’un milieu populaire et j’ai abordé la poésie avec ces trois sentiments”

Le jeune homme démarre alors des études littéraires à Paris et se prend de passion pour le théâtre, suite à la vision d’une pièce de Koltès, Dans la solitude des champs de coton. “Ce fut une grosse révélation.” Il se trouve que la tante de Mathieu, décidément la bonne fée de son histoire, connaît Hélène Châtelain, une comédienne qui travaille avec le dramaturge, metteur en scène et cinéaste Armand Gatti. Nous sommes en 2005, Mathieu a 20 ans et il passe trois années d’expériences théâtrales auprès de La Parole errante, la compagnie de Gatti. Un beau foyer de “politisation et poétisation” !

“Je mets un an à monter un spectacle autour d’un scandale mettant en scène une ONG à Haïti : Princesse de terre brûlée. On répète dans des squats, on la joue deux-trois fois, comme le faisait Gatti.”

Photo Emmanuel FOUDROT

Décidément prêt à toutes les expériences, voici que Mathieu se tourne vers la musique. Un art qu’il a déjà conquis puisque, après des cours en école de musique, il avait monté un premier groupe à 18 ans, Joglaré. Il enregistre donc un album solo en 2009.

“Mais la poésie me manque. Je travaille à cette époque dans un Super U et c’est épuisant. Je fais alors une blague sur Facebook : j’invente une fausse école de poésie internationale, qui organise des colloques à Rio, Montréal et Paris. Les gens y croient et un ami me dit qu’il faut vraiment la créer.” C’est ainsi que naît l’École internationale supérieure de poésie intercontemporaine (EISPI), “pastiche des écoles de commerce”.

Mathieu sourit : “Nous avions ce mélange d’amour, d’irrévérence et de pédanterie aussi. Je viens d’un milieu populaire et j’ai abordé la poésie avec ces trois sentiments. Rapidement, des lieux nous soutiennent et nous créons du catch littéraire, des combats d’écriture masqués sur ordinateur pour lesquels le public donne des contraintes, des blind tests… Nous collectons des poèmes du monde entier dans un fanzine, Cactus Calamité. Ça me met le pied à l’étrier.”

Un défi donquichottesque

Ce qui arrive en 2015 n’est pas un nouveau changement de cap mais une décision : “J’ai envie de créer une œuvre personnelle. Je veux vivre de la poésie, défi donquichottesque.” Mathieu quitte Paris pour Montpellier et se retrouve poète public dans les rues. “Donnez-moi un thème et je vous écris un poème. Dès le premier jour, c’est extraordinaire. Des gens s’arrêtent, je fais des rencontres super et je gagne de l’argent.”

 

Pendant trois ans, Mathieu écume la chaussée tout en écrivant ses propres livres : Les Trains crient plus fort que les aigles (2017), CRA – 115 propos d’hommes séquestrés (2019, qui obtient le prix René-Leynaud) et La Fleur du monde (2020). “Ils appartenaient à différents types de poésie, documentaire ou lyrique. Pour les deux derniers, Le mur derrière le sommeil et Rien que le corps, elle est beaucoup plus expérimentale.”

Reste encore la danse, qu’il n’a toujours pas évoquée. “Je la pratique vraiment lors de mon deuxième séjour à Montpellier, il y a six ans. J’avais commencé par intégrer un peu de danse dans mes spectacles solos, dans les cafés associatifs. En fait, je l’ai découverte grâce à Gatti et Élie Guillou qui, tous deux, m’ont parlé de Pina Bausch. Je suis trois ans de cours auprès d’Hélène Cathala et crée trois performances. Dans la dernière, Soigner la sortie, je commence à parler du foot, ce qui est un déclencheur du texte que je suis en train d’écrire. Ce bouquin remue des choses de l’enfance et l’adolescence et réveille ma colère, un sentiment d’injustice et des traumatismes. Comme si j’avais déterré un ours !”

Dans le cadre du Magnifique printemps, Mathieu Gabard anime des ateliers d’écriture le 18 mars, entre 10h30 et 12h30, à la médiathèque Lucie-Aubrac et le 25 mars aux mêmes heures à l’Espace Pandora. Il participe aussi à la soirée Dans la diversité des voix… par-delà les frontières le 22 mars à 19h30 au théâtre Sous le caillou (Lyon 4e)

1 Commentaire

1 Commentaire

  1. Jennifer Tulissi

    17 mars 2023 à 19 h 32 min

    Bel article

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