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1848-1851 : la Deuxième République au village

Deux générations après celle de 1789, la révolution de 1848 abolit la monarchie en France. Un épisode historique fertile en évènements pour les Vénissians.

Portrait de Napoléon III en uniforme de général de division dans son grand cabinet des Tuileries (huile sur toile d'Hippolyte Flandrin, 1861)

Portrait de Napoléon III en uniforme de général de division dans son grand cabinet des Tuileries (huile sur toile d’Hippolyte Flandrin, 1861)

Deux générations après celle de 1789, la révolution de 1848 abolit définitivement la monarchie en France. Ce nouvel épisode historique fut particulièrement fertile en évènements pour les Vénissians.

Tout comme en 1789, la révolution de 1848 éclata à Paris. En trois jours, du 22 au 25 février, le régime du roi Louis-Philippe fut balayé comme un fétu de paille. Puis dans la foulée, la Deuxième République fut instaurée, le suffrage universel restauré, et le prince Louis-Napoléon Bonaparte élu président de la République, le premier dans l’histoire de notre pays. A Vénissieux aussi, les choses allèrent bon train. Dès le 5 mars, une petite troupe de paysans et d’artisans se rua en mairie et en chassa le maire royaliste, Etienne Sandier. Le bonhomme avait pourtant encore réuni son conseil municipal trois semaines auparavant, le 14 février, pris la peine de consigner les délibérations sur le grand et beau registre que conservent encore les archives de notre ville… mais il n’eut jamais le temps de les faire signer par tous les conseillers. La page est restée blanche, pour cause de révolution ! A la place du maire déchu, les Vénissians installèrent – ou plus exactement “ont investi de leur confiance”, dit l’acte – une commission provisoire de six membres présidée par un “propriétaire rentier” de 51 ans, Jean-Etienne Guillermin. Cette commission provisoire, après avoir dûment dénoncé les “négligences graves” de la municipalité monarchiste, s’empressa de mettre la main sur les archives de la commune, et nomma immédiatement un nouveau garde-champêtre, l’ancêtre de nos policiers municipaux, afin de contrôler l’ordre public à Vénissieux. En haut lieu, l’on ne tarda pas à reconnaître cette révolution locale, puisque le 15 mars 1848 le “commissaire du gouvernement provisoire de la République”, faisant fonction de préfet de l’Isère, prit un arrêté légalisant la commission vénissiane. Restait à obtenir la reconnaissance de la totalité de la population. En sa grande sagesse, l’Assemblée nationale issue de la révolution avait décidé que les municipalités seraient désormais élues au suffrage universel – enfin pas tout à fait, puisque les femmes attendirent 1945 pour pouvoir voter elles aussi. En août 1848, les Vénissians élurent donc leurs conseillers municipaux républicains qui, à leur tour, élurent le 23 août Jean-Etienne Guillermin pour maire.

Dès lors, la nouvelle municipalité se dépensa sans compter pour appliquer les idéaux sociaux et démocratiques de la Deuxième République. L’on se préoccupa de l’instruction publique, en nommant un nouvel instituteur, M. Espinasse, “géomètre et ancien adjudant sous-officier de l’Empire, homme de mœurs irréprochables”, qui accepta d’instruire gratuitement 24 “enfants indigents”. L’on songea aussi à agrandir la mairie, en logeant désormais le conseil municipal… dans l’appartement de l’instituteur ! Lorsque l’hiver se rapprocha, l’on se tourna surtout vers les plus pauvres. Imitant les Ateliers nationaux qui, à Paris, avaient procuré du travail aux chômeurs, le maire proposa en novembre 1848 une mesure révolutionnaire pour Vénissieux. Constatant qu’un “nombre considérable de pères de famille indigents de la commune sont sans travail et par conséquent dans l’impuissance de pourvoir aux premiers besoins de leur famille pendant l’hiver, [il serait] tout à la fois d’ordre et d’humanité de leur venir en aide en leur procurant du travail”. L’on vota donc une somme de 2 000 francs, une petite fortune, pour les embaucher sur un chantier d’aménagement des chemins communaux. L’argent ? Ce n’était pas un problème car les finances municipales, avec plus de 37.000 francs en caisse, coulaient des jours heureux.

Tout était-il donc rose au village républicain ? Non, car le feu couvait encore sous la cendre. La preuve, en juillet 1848 des inconnus incendièrent les récoltes du “citoyen Raymont”, ancien adjoint au maire. Plus de 360 gerbes de seigle partirent ainsi en fumée, laissant le pauvre homme sur la paille. La justice et les journaux se saisirent de l’affaire, en pure perte, et l’on attribua l’incendie à une “vengeance particulière”. Mais le pire fut atteint le dimanche 8 octobre 1848. Ce jour-là, des braconniers chassant illégalement des palombes furent arrêtés par les gardes-champêtres, mais ces bougres rameutèrent la population du Moulin-à-Vent. Une centaine de personnes se mirent à crier, à bousculer les gardes, et même les gendarmes arrivés en renfort, “qui furent reçus à coups de bâtons”. L’émotion populaire vira à l’émeute, au point que le gouvernement dût envoyer tout un régiment de soldats à Vénissieux pour calmer les esprits. Malgré cette tension latente, la municipalité républicaine continua son travail. D’importants efforts en faveur de l’instruction des enfants furent effectués en 1849, année qui vit aussi l’instauration des premiers omnibus desservant la ligne de Lyon à Vénissieux. L’on discuta beaucoup de l’embellissement de la place du village – notre place Léon-Sublet – et, surtout, de l’arrivée du tout nouveau chemin de fer entre Lyon et Avignon, dont on réclama en 1850 le passage sur la rive gauche du Rhône, donc côté Vénissieux, ce qui serait “d’un avantage marqué pour les contrées qu’il parcourrait”. Hélas, cette belle municipalité fut, à son tour, victime de l’histoire nationale. Le 2 décembre 1851, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte effectuait un coup d’Etat qui, bientôt, allait le porter sur le trône impérial sous le nom de Napoléon III. Dix jours plus tard, le 12 décembre 1851, le préfet de l’Isère révoqua le maire issu du conseil élu démocratiquement, et nomma à sa place et autoritairement Louis-Jean-Jacques Sandier. C’en était fini de la Deuxième République au village.

Sources : Archives de Vénissieux, délibérations municipales, 1848-1852. Journal Le Censeur, 1848. Archives de l’Isère, 3 U 4/1976

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