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Le prieuré de Vénissieux, huit siècles d’histoire

L’église Saint-Germain constitue le plus vieil édifice de Vénissieux, puisqu’elle remonte au Moyen Âge. Une église qui cache bien son âge, et qui pourrait bien être… à l’origine de notre ville.

Cette vieille feuille de papier, un peu moins grande qu’une tablette numérique, a été couverte d’une écriture fine au moment de la Révolution, en 1790, et constitue le plus ancien document que possèdent les archives municipales de Bron. Mais de Bron, il n’en est pratiquement pas question dans ses 35 lignes bien serrées. Elles parlent surtout de notre commune, et plus précisément des « revenus du prieuré de Vénissieux ». Un prieuré ? A Vénissieux ? Voilà de quoi s’étonner. Car ce mot désigne un établissement ecclésiastique voué non seulement au culte quotidien des villageois, mais abritant aussi plusieurs religieux ou religieuses dans des bâtiments annexes, faisant du tout l’équivalent d’un petit monastère. La preuve ? Voyez ce prieuré de Carennac, dans le Lot. Puissamment fortifié, il se compose d’une belle église du XIIe siècle que jouxtent un cloître donnant accès à une salle capitulaire, dans laquelle se réunissaient les moines, et aussi des dortoirs, un réfectoire, sans oublier un logis du prieur semblable à un petit palais Renaissance.

Le prieuré de Vénissieux était-il aussi ample que cela ? Sans doute pas, et bien malin qui pourrait en dessiner les contours car aucune fouille archéologique n’est venue l’explorer. Mais le fait est que cet établissement était riche puisque, d’après le texte brondillant de 1790, les impôts qu’il levait sur les grains et les raisins vénissians au titre de la dîme, plus une autre redevance qu’on appelait le « droit de tache », lui rapportaient chaque année « six mille cinq cents Livres », soit une petite fortune, équivalente aux revenus d’un bon bourgeois. Et encore, il ne s’agissait plus que des restes d’un patrimoine autrefois bien plus grand, puisqu’au XIVe siècle le prieuré possédait plus de 429 hectares de parcelles vers la rue de Tâche-Velin, entre l’hypermarché Carrefour et la route de Vienne. Il se targuait même d’un titre de seigneur, au moins sur une partie de Vénissieux, et levait des droits seigneuriaux sur les habitants du village – comme sur le laboureur Simon Berne qui, en 1565, reconnaît devoir pour des parcelles situées au Mas, « la tierce parte de deux sous vienoys », payable chaque 11 novembre « dans leur meyson du prieuré du chateau de Venissy ».

Une tradition bien ancrée voulait qu’il soit déjà présent en 1195

De quand datait ce prieuré ? Mystère. Une tradition bien ancrée voulait qu’il soit déjà présent en 1195. Mais le texte l’évoquant laisse sceptiques les archéologues, qui remettent notamment en question sa datation. Par contre, une génération plus tard, plus de doute : en 1223 le prieuré de Vénissieux existe bel et bien, puisqu’il est donné cette année-là par l’archevêque de Lyon à l’abbaye Saint-Pierre-les-Nonnains. Vous connaissez sûrement ce monastère-ci : ses immenses bâtiments se dressent sur la place des Terreaux, et sont occupés aujourd’hui par le Musée des Beaux-Arts de Lyon. Elle-même fondée avant le VIe siècle, cette abbaye bénédictine accueillait des religieuses et était l’une des plus riches et des plus puissantes de Lyon et de sa région. A partir de 1223 et jusqu’à la Révolution, c’est donc l’abbaye Saint-Pierre qui préside au destin du prieuré de Vénissieux. A ce titre, elle entretient l’église Saint-Germain et notamment le « chœur, sacristie, clocher et bâtiments du prieuré », et pourvoit aussi le sanctuaire en « luminaire, vases sacrés, ornements et lithurgie ». C’est elle encore qui salarie le curé du village, en lui versant chaque année « vingt quatre bichets froment, vingt quatre bichets seigle et vingt quatre bichets orge » – soit environ 2500 litres de céréales.

À l’abbaye Saint-Pierre revient aussi très probablement le soin de choisir le curé parmi les candidats potentiels. Mais ce n’est pas elle qui le nomme, car cette responsabilité incombe à l’archevêque de Lyon. Ainsi à la fin du XVIIe siècle, c’est Monseigneur Claude de Saint-Georges qui reçoit Louis Dereylieu pour curé de Vénissieux, et qui l’installe dans sa charge au cours d’une cérémonie : le 27 février 1699, en présence des notables du village, messire Dereylieu pénètre dans l’église Saint-Germain en compagnie du représentant de l’archevêque. Les deux hommes font alors sonner les cloches à toute volée, embrassent le maître-autel, admirent la cuve servant à baptiser les enfants et ouvrent le tabernacle contenant les hosties, constatant ainsi et le proclamant à la face du monde, que l’église du village est en bon état et digne du culte qui s’y déroule depuis maintenant des siècles.

En 1790, le coup de grâce

Ces curés successifs sont témoins de la lente déchéance du prieuré vénissian. La guerre de Cent Ans, déjà, lui avait été particulièrement funeste, avec son cortège de destructions, de famines et d’épidémies de peste tuant des millions de personnes, comme en 1349 et en 1361. Vénissieux étant vidée d’une partie de sa population, le prieuré fut contraint en 1364 de distribuer aux paysans ses centaines d’hectares du Velin, probablement pour tenter de retenir les survivants de cette apocalypse, et éviter qu’ils partent vers des lieux plus cléments. Puis, la paix étant revenue, le rempart entourant le village se remplit inexorablement de nouvelles maisons qui, peu à peu, cernèrent le ou les bâtiments prioraux. Enfin vint le coup de grâce : en 1790, l’abbaye Saint-Pierre de Lyon fut supprimée, entraînant du même coup la disparition du prieuré. Subsiste de cette histoire l’église actuelle du Bourg… et aussi peut-être Vénissieux. Car une hypothèse vient tout de suite à l’esprit : le prieuré ne serait-il pas à l’origine de la création du village, au cours du Moyen Âge ?

Sources : Archives du Rhône, 3 E 11447 (27/2/1699), 27 H 573 à 576. Archives de Bron, 1.857.82 (culte). J.-L. Joly, Vénissieux, îlot D, rapport de fouilles 1999. S. Nourissat et T. Vicard, Vénissieux, îlot B, rapport de fouilles 2003.

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