Né à Vénissieux, Swann Meralli publie chez Marabout, avec le dessinateur Deloupy, une belle bande dessinée sur le destin de plusieurs femmes pendant la guerre d’Algérie. Algériennes convainc aussi grâce à la divergence des points de vue.
Swann Meralli met tout de suite les choses au point : “Je suis né à Vénissieux mais j’ai habité au-dessus de la place Valmy, à Vaise.” Raison insuffisante pour ne pas s’intéresser à l’actualité du jeune homme : il vient de signer dans la collection Marabulles de Marabout le scénario d’une bande dessinée, Algériennes 1954-1962, mise en images par Deloupy. L’album sera en vente le 31 janvier.
Formé en génie civil et urbanisme — “un hobby alimentaire” —, Swann cultive deux passions : la réalisation de courts-métrages et l’écriture. Il a ainsi conçu plusieurs ouvrages pour la jeunesse, illustrés par Carole Crouzet, et vient d’achever une fiction tournée à l’hôpital du Vinatier, “un peu avant le film de Depardon”. Et, donc, il y a Algériennes.
“C’est un roman graphique destiné à un public adulte, une fiction documentée. J’ai pas mal de scénarios de côté, plus ou moins avancés. Pour Algériennes, il me fallait ensuite trouver un dessinateur disponible et qui travaillait dans le style que j’imaginais.”
C’est grâce à un éditeur de Saint-Étienne qu’il fait la connaissance de Serge Prud’homme, alias Deloupy. Un des points de départ de l’histoire d’Algériennes, avoue Swann, est sa méconnaissance totale du sujet qui va occuper tout le livre : la guerre d’Algérie. Il a autour de lui des amis dont les familles ont été concernées et il se met donc à rechercher des ouvrages parlant de la guerre. “Plus je découvrais les événements, plus je me disais que c’était un truc de fous ! Le personnage de Béatrice me correspondait — NDA : cette jeune femme, dont le père qui a été soldat en Algérie refuse d’en parler, décide de se rendre sur place pour en savoir davantage. Je ne suis pas journaliste, je n’ai pas vécu l’affaire, que pouvais-je faire de mieux que le plein de témoignages de bords différents ? Cela apportait du recul.”
Un ensemble de points de vue
C’est là la grande force de ce passionnant Algériennes, cet ensemble de points de vue qui nous fait aller d’un camp à l’autre : les militaires français, les combattants algériens, les Harkis, les Pieds-noirs… Avec, et c’est sans doute là le plus important, la parole donnée aux femmes. Dont cette résistante au pouvoir français qui remarque que “la guerre d’indépendance, ça a aussi été la guerre des femmes dans la guerre des hommes”.
“Je voulais également, reprend Swann Meralli, me remettre dans le contexte de l’époque. Il ne faut pas oublier que l’Algérie a été française avant la Savoie. Et donner la parole aux femmes parce que ça me saoule, quand on parle d’Histoire, qu’on ne mentionne que les guerres et les grands hommes. Le plus dangereux est le tabou. C’est important de parler sans rancœur. Résister, c’est aussi s’exprimer sur des sujets qu’on veut taire.”
Pour parfaire leur album, le scénariste et le dessinateur partent à Alger. D’où ces très belles cases, telle la vision panoramique de la capitale. “Nous avons été dans un Airbnb tenu par une Algérienne qui vivait en France et qui désirait accueillir des Pieds-noirs pour leur montrer le pays.” Dressés il y a plus de 60 ans, des murs méritent en effet d’être abattus aujourd’hui entre les différentes communautés. “Dans cette guerre de la mémoire, reprend Swann, chaque camp estime avoir raison.”
Il va bien entendu être question de torture dans la BD. Les planches qui la concernent, malgré leur dureté, font preuve de pudeur, sans voyeurisme. Quant au récit de cette guerre “où personne n’est ni blanc ni noir, où il n’existe pas une vérité mais plusieurs points de vue”, Swann l’assimile davantage à une roue qu’à une ligne droite. “Une boucle où chacun se renvoie la balle !”
Algériennes 1954-1962 de Meralli et Deloupy, éditions Marabulles (Marabout), 128 pages, 17,95 euros. Parution le 31 janvier.
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