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L’école de la République s’installe au Moulin-à-Vent

Au cours des années 1880 et 1890, Vénissieux se débat sans relâche et se saigne aux quatre veines pour doter le nord de la commune de ses premières écoles publiques.

Au cours des années 1880 et 1890, Vénissieux se débat sans relâche et se saigne aux quatre veines pour doter le nord de la commune de ses premières écoles publiques.

Lundi 13 février 1882. À deux heures de l’après-midi, Monsieur Brussaud monte dans l’omnibus à chevaux place de la Charité, à Lyon, et se rend à Vénissieux. Son costume distingué tranche avec les blouses des autres passagers, pour la plupart paysans ou ouvriers. Il faut dire que Monsieur Brussaud est un homme important, un inspecteur de l’Académie. Il a rendez-vous au Moulin-à-Vent avec le maire de Vénissieux, Napoléon Sublet, et plusieurs de ses adjoints. Après une demi-heure de trajet sur des chemins poussiéreux, l’inspecteur descend de l’omnibus et salue l’équipe municipale, endimanchée pour l’occasion. Puis la petite troupe se rend sur un terrain communal, où l’on projette de construire une toute nouvelle école publique de garçons.

Le quartier du Moulin-à-Vent a déjà des classes à lui depuis quelque temps : les religieux des Écoles chrétiennes se sont chargés d’en ouvrir dès 1851, puis la commune a pris le relais en 1878 et 1880, en louant une “maison d’école” sur la route de Vienne. Mais cette solution s’avère maintenant insuffisante. Le quartier a vu sa population augmenter chaque année, s’approchant des 1 000 puis des 1 500 habitants ; du coup, les élèves s’entassent de plus en plus dans des locaux devenus trop petits. Surtout, allons-nous payer indéfiniment un loyer exorbitant ? Ne vaut-il pas mieux avoir une école bien à soi ? Enfin, même si les délibérations municipales du temps restent pratiquement silencieuses sur la question, l’enjeu scolaire dépasse le cadre purement local et prend à cette époque une importance nationale. Ayant succédé en 1870 au Second Empire, la IIIe République encore toute jeune entend emporter l’adhésion des Français, en commençant par ceux qui incarnent un futur prometteur : les enfants. C’est dans ce cadre-là que sont votées les fameuses lois de Jules Ferry, celle du 16 janvier 1881 instaurant la gratuité de l’enseignement, et celle du 28 mars 1882 rendant l’école laïque et obligatoire.

Républicain convaincu, le maire Napoléon Sublet entend bien prendre le train des réformes, en dotant chaque quartier de Vénissieux d’un temple à la gloire de l’éducation publique. Le bourg est ainsi pourvu d’une mairie-école monumentale dès 1881 : celle qui se dresse toujours sur la place Sublet. Puis l’on passe au quartier du Moulin-à-Vent dans la foulée. Sitôt l’accord de l’inspecteur obtenu, la réalisation des plans de la future école de garçons est confiée à l’architecte lyonnais Barthélémy Bernard, auteur des groupes scolaires qui viennent à peine de sortir de terre à Villeurbanne. Moyennant 14 600 francs, dont la moitié payée par la commune et le reste par des subventions de l’État et du Département, il construit un bâtiment en pierres blondes de La Grive, près de Bourgoin, accueillant une classe en rez-de-chaussée et le logement de l’instituteur à l’étage. Les travaux sont menés tambour battant en 1883, et s’achèvent en moins d’un an, le 15 septembre, juste avant la rentrée scolaire.

La municipalité exulte. Hélas pour peu de temps. Dès 1891, soit seulement huit ans après l’inauguration de la nouvelle école, sa classe déborde déjà. En 1893, se plaint encore le maire, “cette école a aujourd’hui près de 60 élèves, il n’est plus possible à son directeur de donner à tous ses élèves les leçons nécessaires pour former leur instruction”. L’on pare alors au plus pressé, en abattant la cloison séparant la classe du couloir, en divisant l’espace gagné en deux parties, et en embauchant un deuxième instituteur. Quand arrive un miracle — républicain bien sûr. En octobre 1894, la veuve Marie Bouché, propriétaire d’une parcelle située “au chemin du Milieu” (rue du professeur-Roux), en fait donation à la commune, à la condition expresse d’y faire construire une école de filles ou de garçons. Napoléon Sublet se précipite sur l’occasion. À peine un mois plus tard, il met sous les yeux de son conseil municipal les plans de la future école. Ces plans nous sont parvenus. Magnifiques, en couleurs, ils montrent un bâtiment doté de neuf fenêtres sur chacune de ses façades, avec deux grandes classes en rez-de-chaussée, les logements des instituteurs à l’étage, un préau, une cour et même un jardin. Sur la façade côté rue apparaît une inscription en lettres capitales : “ÉCOLE DE GARÇONS”.

Un bâtiment inauguré le 15 octobre 1898
Malheureusement pour les enfants, ce beau projet du Moulin-à-Vent tarde à se réaliser. La faute en incombe à l’État, qui ne veut pas allouer les 7 840 francs de subvention, alors que la commune est prête à en investir 12 500 de son côté. L’architecte retenu, M. Laurençon, ronge son frein. Le nouveau maire, Claude Chagnieux, perd patience, tempête, écrit au préfet pour se plaindre du retard, démarche des notabilités, jusqu’à un député de Saône-et-Loire, Eugène Genet, qui prend fait et cause pour Vénissieux. Un rendez-vous avec le ministre de l’Instruction Publique débloque tout. Le 15 octobre 1898, les garçons entrent en riant dans leur nouvel établissement.
Et les filles dans tout cela ? Pour elles, la municipalité se montre nettement moins empressée. Elles s’entassent dans une classe minuscule, à 53 élèves pour seulement 35 m2, louée à un habitant et de surcroît dangereuse, “attendu que les murs en sont d’une solidité douteuse, que les planchers sont presque entièrement pourris et qu’on ne peut trouver dans le quartier un local convenable” ! L’inauguration en 1898 de la nouvelle école leur offre un ballon d’oxygène, en leur permettant de s’installer dans l’ancienne classe des garçons. Il restait encore à la IIIe République à appliquer les idéaux d’égalité entre les hommes et les femmes. g

Sources :
Archives de Vénissieux, registres des délibérations municipales (1878-1901), et dossier non coté “Moulin à Vent, 1881-1899 + plans”.
Archives départementales du Rhône, O 1861.

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