“Vous êtes médecin, ou infirmière ? C’est la question qui m’exaspère le plus”, avoue Myriam Kheniche, grand sourire aux lèvres, sage-femme depuis cinq ans à l’Hôpital Femme Mère Enfant de Bron. “Nous ne sommes ni l’un ni l’autre ! »
Myriam fait partie de ces professionnels non syndiqués qui ont intégré le Collectif national des sages-femmes qui, depuis octobre, mène différentes actions pour faire entendre ses revendications. “Notre profession est beaucoup trop discrète, estime la jeune femme, et trop peu connue du grand public. Pour trop de monde encore, nous sommes des accoucheuses alors que nous faisons cinq années d’études universitaires, dont la première en commun avec les futurs médecins, dentistes ou pharmaciens. Pour autant, notre objectif n’est ni de prendre la place des médecins, gynécologues obstétriciens ou pédiatres, ni celle des infirmières spécialisées telles que les puéricultrices. Non ! Nous voulons un véritable statut. »
De fait, le champ de compétences de la sage-femme est très étendu. Il va du suivi gynécologique de prévention aux consultations de contraception ou de pré-conception, du diagnostic de la grossesse à son suivi, y compris par les échographies, de la préparation à la naissance à la parentalité, de l’accouchement (80% des mises au monde sont réalisées par les SF) à l’examen pédiatrique du nouveau-né puis la surveillance de la mère et de l’enfant, la rééducation du périnée chez l’accouchée, sans oublier l’accompagnement des parents lorsqu’il arrive que le bébé meure, in utero ou à la naissance. “Notre rôle est véritablement l’accompagnement médical et psycho-social des patients. Mais bien sûr, si nous diagnostiquons une pathologie au cours d’un suivi, nous adressons la patiente au médecin. »
“Nous voulons un statut médical”
Regroupant cinq associations et le syndicat CFTC santé-sociaux, le collectif des sages-femmes souhaite que les professionnels exerçant à l’hôpital sortent de la fonction publique hospitalière pour intégrer un statut médical qui les rendrait plus autonomes, sur le modèle des praticiens hospitaliers (médecins). « Notre profession est reconnue médicale, avec des compétences définies dans notre spécialité : la physiologie, c’est-à-dire la normalité, plaide Myriam Kheniche. Nous avons un droit de prescription spécifique. Et pourtant, on nous applique le statut des professionnels non-médicaux et des administratifs. Nous demandons donc un statut médical hospitalier, ce qui n’entacherait en rien le travail pluridisciplinaire déjà mené au sein des équipes, bien au contraire. »
Le collectif demande également la reconnaissance de « professionnel de premiers recours », vers lequel les femmes peuvent être orientées pour leur suivi gynécologique, qu’elles soient enceintes ou non. « Dans les autres pays, une femme qui pense être enceinte va voir une sage-femme sans se poser de question. En France, elle se dirige vers son gynécologue ou son médecin traitant. Elle ne s’adresse pas à nous parce qu’elle ne sait pas qu’elle en a la possibilité.” Enfin, ils et elles demandent la revalorisation de leurs salaires : « Une sage-femme commence avec un salaire de 1615 euros, sans les primes. Cela correspond à un niveau d’études à bac + 3 alors que nous avons effectué un cursus à bac + 5. »
Si la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, a lancé le processus vers un statut médical pour les sages-femmes à l’hôpital, elle refuse leur sortie de la fonction publique hospitalière. Le collectif national a donc annoncé la poursuite des actions, et organise notamment une journée d’action nationale à Paris le 5 mai, à l’occasion de la Journée mondiale de la sage-femme. Précisons cependant que la revendication du collectif ne fait pas l’unanimité, puisque l’intersyndicale des sages-femmes hospitalières (CGT, CFDT, FO, Sud, Unsa et UNSSF) s’oppose à la sortie de la fonction publique, synonyme pour elle de précarisation.
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