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Portraits

Jessica El Melhem : le voyage et l'engagement

Partie trois mois en Inde travailler auprès d’une ONG sur la prévention des droits des enfants, cette Vénissiane en est revenue avec une belle série de photos exposées au BIJ jusqu’à mi-janvier. Et le prix Prodige de la Ville de Lyon.

Partie trois mois en Inde travailler auprès d’une ONG sur la prévention des droits des enfants, cette Vénissiane en est revenue avec une belle série de photos exposées au BIJ jusqu’à mi-janvier, le prix Prodige de la Ville de Lyon et une expérience de vie formidable.

Comment revenir indemne de trois mois passés en Inde ? À plus forte raison quand on n’y est pas allé pour la seule raison touristique mais pour aider des enfants qui subissent le travail forcé ? Jeune habitante de la Rotonde, Jessica El Melhem a fait toute sa scolarité à Vénissieux (collège Elsa-Triolet puis lycée Marcel-Sembat) avant d’étudier le droit international à l’Institut des droits de l’homme, à Lyon. Elle est actuellement en Master 2.
“Après ma première année de Master, je voulais profiter de trois mois libres pour accomplir un voyage et m’intéresser de près à une cause qui m’est chère : la prévention des droits des enfants. J’étais déjà partie en Afrique, au Liban et en Thaïlande, dans des zones pas forcément faciles.”
En juin 2013, Jessica atterrit donc à Bombay. Elle va passer deux mois dans le sud de l’Inde, à Bangalore, auprès d’une ONG indienne, FSL India, en partenariat avec le gouvernement. Pendant le mois d’août, elle voyage dans le nord du pays pour voir comment le problème du travail des enfants est réglé à Delhi, au Rajasthan ou à Calcutta (l’Inde est une fédération d’états).
“La prévention du travail des enfants prend deux aspects. Il y a d’abord le travail volontaire, domestique, grâce auquel les enfants ramènent de l’argent à leurs familles. Et la prévention du travail forcé, lequel passe par les pires formes comme la prostitution et la traite des femmes. Pour le premier volet, les lieux où la population est la plus touchée sont les bidonvilles. Je me suis donc retrouvée à Mathikere, un bidonville de Bangalore. J’allais voir les familles pour les sensibiliser et identifier les petites victimes. J’étais accompagnée par une institutrice et des membres de l’ONG.”
Jessica se heurte aux barrières de la langue mais aussi à d’autres, culturelles. L’Inde est un pays très complexe. “Parfois, je ne comprenais pas. D’autres fois, j’arrivais à comprendre sans chercher mais souvent, c’est en vain que je cherchais à comprendre.”
Jessica devait convaincre les familles de leur laisser les enfants pour qu’ils puissent recevoir des cours d’anglais ou de maths, et prendre un repas. “C’est un dispositif mis en place par le gouvernement. En échange, on leur donnait 150 roupies. Nous étions confrontés à plusieurs difficultés. L’argent que nous leur proposions n’était parfois pas suffisant (si l’enfant rapportait plus). Et surtout, dans la culture indienne, cela fait des centaines d’années que les enfants travaillent.”
Quand l’échange fonctionnait, les enfants venaient dans le shelter, un refuge dans le bidonville, où Jessica et les autres membres de FSL délivraient des cours. “Il fallait composer avec toutes les tranches d’âges, de 5 à 17 ans. C’était aussi un travail d’éveil, pour leur apprendre des rudiments de discipline. L’étape suivante leur permettait d’accéder aux écoles gouvernementales, le shelter servant de transition. Beaucoup ont réussi leur examen d’entrée dans ces écoles. Une fois par semaine, je donnais aussi des cours aux élèves de l’école publique.”
Le deuxième volet était encore plus difficile. “J’ai longtemps suivi le directeur de l’ONG qui était en relation avec la police. Il fallait savoir comment identifier les lieux de prostitution ou de traite, comment infiltrer les réseaux et mettre les filles hors de portée. Celles-ci allaient ensuite dans des maisons de transit où j’allais les voir. Il y en avait une dizaine, entre 7 et 17 ans. Elles apprenaient à vivre, à se regarder dans une glace, à faire à manger et se remettaient lentement de tout ce qu’elles avaient vécu : la torture, l’esclavage, la prostitution forcée. Je restais une journée par semaine, à parler avec elles. Malgré la barrière de la langue, elles avaient envie de jouer, d’écouter de la musique. La petite fille de 7 ans m’a demandé ce que je voulais faire plus tard comme métier. Je lui ai répondu que je n’étais pas encore fixée. Elle m’a prise par les mains et m’a dit qu’elle désirait devenir médecin. Elle m’a donné une leçon de vie et d’espoir. Dans 95% des cas, les filles avaient été envoyées à la ville la plus proche pour travailler. Elles habitaient chez des parents lointains qui les vendaient à des trafiquants. D’autres étaient orphelines ou abandonnées parce que leur maman était trop jeune, d’autres encore avaient été vendues au Népal, plaque tournante de la prostitution indienne.”

“Ce n’était pas la première fois que je voyageais dans des endroits difficiles mais l’Inde m’a changée.”

Jessica est restée deux mois avec FSL. Le week-end, pour souffler, elle s’échappe et va visiter le sud de ce pays magnifique : Mysore, Pondichéry, le Kerala, Chennai (l’ancienne Madras)…
Le mois suivant, elle explore le nord, se rend à Calcutta dans l’association fondée par Mère Teresa, croise des lépreux, puis part à Varanasi où elle fait la douloureuse expérience des crémations le long des ghats (les marches), sur les rives du Gange. Elle séjourne aussi à Dharavi, le plus grand bidonville de Bombay… et d’Asie. La dureté de la misère s’accompagne de la beauté du Taj Mahal, des Forts Rouges de Delhi et Agra, de Jodhpur et Jaïpur dans le Rajasthan.
“À plein de moments, ça a été compliqué. J’ai dû prendre sur moi, me forcer à ne pas être sensible. Ce n’était pas la première fois que je voyageais dans des endroits difficiles mais l’Inde m’a changée. Ceux qui me connaissaient bien pensent qu’aujourd’hui, je suis différente à bien des égards. J’éprouve un détachement vis-à-vis du matériel, je relativise plus. Inconsciemment, j’ai mis un bouclier. Ici, rien ne me paraît grave par rapport à ce que j’ai vu. Trois mois, ce n’est pas long mais côtoyer la misère au quotidien m’a fait évoluer.”
Cette autre façon de voir la vie l’a également fait se questionner sur ses propres études. Peut-on imposer un point de vue ? Des droits ?
“J’ai toujours envie d’œuvrer dans le droit international mais je ne crois plus trop aux idéaux universels, à la déclaration des droits de l’Homme. je ne pense pas qu’il existe une valeur universelle du respect de l’Homme. Dans mes études, je fais également une spécialisation sur le trafic d’armes. On sait que ce sont souvent les gouvernements qui prônent les grands idéaux qui financent ce trafic. J’ai plutôt envie, à présent, de me diriger vers la défense individuelle, peut-être devenir avocate. J’aimerais toutefois faire mon stage de fin d’études aux Nations unies.”
Comme la curiosité et le goût des voyages sont ancrés en elle, Jessica annonce qu’elle aimerait à présent parcourir l’Amérique du sud. Mais sans attendre, on peut savourer la qualité de ses photos, exposées au moins jusqu’à la mi-janvier au BIJ de Vénissieux (Bureau informations jeunesse), place Henri-Barbusse. Un travail qui lui a valu de remporter le prix Prodige, décerné par la Ville de Lyon tout à la fois pour son action en faveur de la solidarité internationale que pour son témoignage photographique.
La jeune fille a beaucoup à raconter sur chacune de ses images. “Ces deux jeunes garçons étaient scolarisés dans la journée et travaillaient la nuit. Je ne sais pas comment ils tenaient. Et cette petite fille… elle allait chercher de l’eau à 12 km. Quelle chance nous avons, nous, de pouvoir aller à l’école !”

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