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Vénissieux-les-Mines

Il y a cent ans, on faillit ouvrir… des mines à Vénissieux ! Un gisement de plusieurs millions de tonnes de charbon de bonne qualité dort encore sous nos pieds. (Photo : musée d’Arras)

Il y a cent ans, on faillit ouvrir… des mines à Vénissieux ! Un gisement de plusieurs millions de tonnes de charbon de bonne qualité dort encore sous nos pieds.
Autrefois le bois était roi. Il fournissait la charpente et les meubles des maisons, les manches des outils et bien évidemment les bûches pour se chauffer et faire bouillir la marmite dans la cheminée. Transformé en charbon de bois, il alimentait aussi les forges grandes et petites, depuis celles des maréchaux-ferrants du village jusqu’aux usines fabriquant les canons du roi, au point que toute l’industrie d’il y a 200 ou 300 ans reposait sur cet or vert.
Pour satisfaire leurs besoins quotidiens, les Vénissians d’antan puisaient à différentes sources : vers Saint-Fons, où les berges et les coteaux du Rhône étaient recouverts d’arbres ; du côté de Bron, où la forêt de Parilly offrait moult bosquets de chênes, de hêtres et de châtaigniers ; et aussi aux confins de Corbas et de Saint-Priest, où un troisième bois existait au Charréard : en 1605 le vieux Jean Grand se souvient, du haut de ses 70 ans, être « par diverses fois passé avec la sienne charrette chargée de bois de chauffage que l’on prenoit aux broussailles du seigneur de Corbas ». En ce temps du bon roi Henri IV, les « broussailles du seigneur de Corbas » abritent une ou plusieurs équipes de maîtres charbonniers. Ces artisans forestiers coupent des monceaux de bois sitôt l’hiver venu, le mettent à sécher puis le montent en gros tas de 10 à 20 tonnes, qu’ils recouvrent de terre pour bien les isoler de l’air. Alors ils mettent le feu à leurs montagnes de bûches et les cuisent lentement, doucement, en les surveillant nuit et jour pendant deux à trois semaines. Leur activité est telle que l’on a appelé la route passant près de leurs chantiers, le chemin du Charbonnier.

Hélas, les haches trop gourmandes vont plus vite que la pousse des arbres. Dès les XVIIe et XVIIIe siècles, les forêts surexploitées de Vénissieux fondent comme neige au soleil. Le bois du Charbonnier disparaît totalement avant 1750. Ceux des bords du Rhône se muent en pâturages pour élever des troupeaux de bovins. Quant aux troncs de Parilly, on les abat à tour de bras pour semer du blé ; ce que fait le laboureur Claude Serre, qui déclare être en 1773, « dans l’intention de faire défricher incessamment partie d’une terre brossailles ou landes situés au territoire du Grand Parili ».
L’avidité des hommes provoque bien vite une pénurie de bois : « lesdits habitans sont obligés d’aller achepter du bois pour leur usage (…) a trois ou quatre lieues de distance », constatent des visiteurs en 1702. Désormais les bûches arrivent des plateaux du nord-Isère et même du fin fond du Bugey, via Lyon où elles se vendent à prix d’or. La situation n’est pas propre à Vénissieux ; elle frappe toute la France et les pays environnants. En Angleterre, le manque de bois est tel que les sujets de Sa Gracieuse Majesté sont obligés de forer des puits sans fond pour remonter à la surface une ressource miraculeuse, le charbon. Ils montrent l’exemple à suivre. La France emboîte le pas et creuse à son tour des mines de charbon, d’abord un peu puis beaucoup, passionnément, à la folie. En voici en Nord-Pas-de-Calais dès le milieu du XVIIIe siècle, en Lorraine, en Bourgogne, en Cévennes, et plus près de nous à La Mure et surtout à Saint-Etienne et à Rive-de-Gier. Ce « charbon de terre » fait son apparition vers 1750 dans les poêles et les forges vénissianes, comme chez le maréchal-ferrant Jean Picard, qui ne jure que par lui tant son prix modéré défie toute concurrence.

Passent encore quelques dizaines d’années et le « charbon de terre » détrône complètement son vieux cousin des bois. Son avènement apporte la révolution industrielle, qui voit pousser usines et voies ferrées à travers Vénissieux au XIXe et au début du XXe siècle. Du coup les chefs d’entreprise réclament de plus en plus d’or noir, encore et toujours, par millions de tonnes. On fore partout de nouveaux puits et l’on se met en quête de gisements inédits. A tout hasard, celui de Saint-Etienne ne se poursuivrait-il pas en rive gauche du Rhône, dans notre Dauphiné ? Gagné. On découvre de la houille à mi-chemin de Vienne et de Vénissieux, à Ternay vers 1750 et en 1830 à Communay, où une première mine est creusée à partir de 1831, le puits Beytan, suivie des puits Espérance, Guérin, Sauveur et Sainte-Lucie. Trois cents à quatre cents ouvriers tirent des profondeurs de la Terre jusqu’à 40 000 tonnes de charbon par an.
Le succès de Communay aiguise les appétits. En 1853, trois habitants de Lyon et d’Estrablin demandent une concession à l’Etat, pour rechercher du charbon au sud de Vienne, à Chonas, Reventin-Vaugris et Les Côtes-d’Arey. Même chose en 1844 à Chamagnieu et à Saint-Quentin-Fallavier, près de Bourgoin-Jallieu. On trouve bien du charbon mais trop peu pour ouvrir des mines. Où donc se cache ce coquin ? Plus près du Rhône ? En 1883, la Société des Recherches d’Heyrieux obtient le droit d’ouvrir des sondages à Heyrieux, Saint-Pierre-de-Chandieu, Toussieu, Saint-Bonnet-de-Mure, Mions, Saint-Priest… aux portes de Vénissieux. Victoire ! Après bien des espoirs déçus, l’or noir est enfin découvert à Mions puis à Chassieu et à Meyzieu. Une première couche épaisse de 1 m apparaît à 611 m de profondeur, suivie d’une deuxième de 2,4 m d’épaisseur à 693 m et d’un ensemble de trois couches à 718 m de profondeur. Aussitôt les esprits s’enflamment. Alors que les mines de Ternay et de Communay font faillite et ferment définitivement leurs portes en 1914, la découverte du gisement aux portes de Lyon arrive à point nommé. Quelques mois plus tard, le déclenchement de la Première Guerre mondiale rend encore plus attractif le charbon de la banlieue car il pourra alimenter les fabriques d’armes qui poussent à travers la ville, et notamment l’arsenal et les usines Berliet.

Le charbon étant de bonne qualité et la ressource importante, les années de guerre voient une ruée de prospecteurs et de sondages dans l’Est lyonnais. La longueur des puits et des galeries atteint 15 kilomètres ! D’après les géologues, le gisement dépasserait 140 millions de tonnes, soit l’équivalent de cinq années de consommation française. Le bassin houiller s’étend depuis Crémieu jusqu’au nord de Vienne, Vénissieux inclus. Dans notre ville, il repose sous la Perrière, le chemin du Charbonnier, le Charréard, les usines Berliet et le parc de Parilly.
Des mines vont-elles être ouvertes dans ces quartiers ? Vous connaissez la réponse : elles n’ont finalement pas été mises en exploitation. Mais pour quelles raisons Vénissieux passa-t-elle à côté d’un destin minier ? Est-ce la fin de la guerre de 14 qui engendre la baisse des besoins ? L’avènement du pétrole ? Les difficultés techniques ? Les trois ont dû compter. La recherche reste à poursuivre sur ce volet bien peu connu de l’histoire de l’Est Lyonnais.

Cette ruée avortée ne fut pourtant pas sans conséquences pour la commune. Ainsi le 16 avril 1917, le conseil municipal constatant que « la découverte récente de mines de charbon à proximité fait naître de grands espérances », délibère sur la création d’un grand « boulevard industriel [pour] encourager les industriels qui désireraient s’installer dans notre région ». Cette voie monumentale commença à voir le jour dans l’après-guerre et fut achevée en 1965. Ce boulevard, à qui on donna le nom d’Irène-Joliot-Curie, prolonge en ligne droite le boulevard des Etats-Unis voulu par le maire de Lyon, Édouard Herriot.

Sources : Archives de l’Isère, 2 C 318 (1702). Archives du Rhône, cotes Es 214/1 (1605), 3 E 34235 (1773), S 1782 à 1786 (1815-1923). Maurice Zimmerman, « Le charbon dans les Alpes françaises et dans l’Est de Lyon » (1918).

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