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"Les neiges du Kilimandjaro" : comme un blanc manteau

Le tirage au sort des futurs licenciés : Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin

C’est une certitude, Robert Guédiguian ne laisse rien au hasard. Et surtout pas la liste qui ouvre son nouveau film au titre tout autant hemingwayien que… pascaldanelien : “Les neiges du Kilimandjaro”. Nous sommes sur un quai, à Marseille, et Jean-Pierre Darroussin pioche dans un chapeau les noms de ceux qui vont être licenciés. Pour un ou deux, typiquement gaulois, les patronymes ainsi livrés disent bien que la France qui travaille sur les chantiers navals est d’origine espagnole, italienne, maghrébine, polonaise, arménienne ou africaine. L’effet est un peu démonstratif, certes, mais pose d’emblée l’arrière-plan politique.Darroussin a tenu à écrire son propre nom sur un bout de papier, ce qu’il n’était pas obligé de faire en tant que responsable syndical. Il est donc viré. En quelques minutes seulement, nous nous retrouvons en pays connu. Darroussin, Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Frédérique Bonnal sont autant de visages que l’on n’a pas cessé de croiser dans la filmographie de Guédiguian. Pourtant, quelque chose a changé : ces gens simples, ces ouvriers se trouvent confrontés à une partie de la population placée encore plus bas sur l’échelle sociale. “Est-ce que l’on s’est embourgeoisés ?” demande dans le film le personnage joué par Darroussin à sa femme, Ariane Ascaride. “Qu’aurions-nous dit, à l’âge de 20 ans, si nous étions passés sous nos fenêtres ? Regarde ce couple de bourgeois ?”

“La précarisation s’est accrue” commentait le cinéaste lors de son passage à Lyon il y a quelques jours. Et Jean-Pierre Darroussin d’ajouter : “Nos personnages sont troublés avec cette histoire de bourgeois. Après tout, ils pourraient en être devenus parce qu’ils ont des choses à perdre. Être quelqu’un qui n’a rien à perdre est plus simple. Bon an mal an, on finit par s’attacher à ce qu’on acquiert au cours de sa vie. On risque de devenir un bourgeois qui ne veut pas que ça change. C’est le risque que tous les hommes, tous les prolétaires courent. Quand on a fait “Marius et Jeannette”, on sortait de Balladur et Juppé, avec un ministre du Budget qui s’appelait Sarkozy. Cela n’a pas beaucoup bougé depuis. Chirac a eu la bonne idée de dissoudre l’Assemblée nationale au moment où “Marius et Jeannette” est sorti. Quand on peut se reconnaître dans une image de cinéma, on sait qu’on souffre ensemble. L’effet papillon existe peut-être. C’est un pas grand-chose qui se diffuse et se retrouve dans les urnes six mois plus tard.”

Comme l’acteur vient d’encenser le contenu du film de son ami, il ajoute malicieusement : “Ce qui me plaît dans les films de Robert, c’est la forme. L’idée qu’on peut faire un film simplement, se mettre à la portée du spectateur sans chercher à le sidérer.”

“Les neiges du Kilimandjaro” s’achève d’une manière très chrétienne, sur la notion du pardon. Cela peut surprendre (encore que “Mon père est ingénieur”, du même Guédiguian, proposait une Nativité ouvrière). Ainsi que le souligne la chanson qui donne son titre au film, peut-être que cette solution est, pour le couple joué par Darroussin et Ascaride, auquel s’ajoute celui interprété par Gérard Meylan et Maryline Canto, comme un blanc manteau où ils pourront enfin dormir.

Mais la force du film est de laisser se développer à l’intérieur du récit des discours contradictoires. “J’aime quand la polémique se crée entre les différents personnages, reprend Jean-Pierre Darroussin, et que différents points de vue sont défendus. Et c’est bien quand un auteur défend un peu moins bien son point de vue ! Tchekhov pratique cela magnifiquement bien : les arguments les plus balaises ne sont pas du côté qu’il défend.”

Le film est présenté au cinéma Gérard-Philipe à partir du 23 novembre.

Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride

Ariane Ascaride, Robert Guédiguian et J.-P. Darroussin lors de leur passage à Lyon

 

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