Le 10 décembre prochain, on commémorera les 150 ans de la création par le père Chevrier du Prado, institution religieuse chargée de recueillir les enfants les plus pauvres de la Guillotière. 150 ans plus tard, son action est encore très présente. Des prêtres et des sœurs du Prado vivent aujourd’hui en France au milieu de ceux qui sont le plus en difficultés, notamment dans les quartiers populaires. Aux Minguettes, la communauté vénissiane des sœurs du Prado existe depuis 1969. Retour sur la vie du fondateur du Prado, le père Antoine Chevrier, prêtre au Moulin-à-Vent pendant plusieurs années.
Nous sommes le 6 octobre 1879, au Prado, dans le quartier de la Guillotière. Plus de dix mille personnes assistent à l’enterrement du père Chevrier. Usé par une vie précaire, il est décédé prématurément à l’âge de 53 ans. Un immense hommage populaire est rendu à cet homme qui toute sa vie a vécu auprès des plus démunis. “Soyons toujours les pauvres du bon Dieu, restons toujours pauvres, répétait-il inlassablement. Que la pauvreté et la simplicité soient toujours le caractère distinctif de notre vie… Ne travaillez pas à grandir, mais travaillez à vous faire petit. Soyez à l’égal des pauvres, pour être avec eux, vivre avec eux, mourir avec eux.” Le père Chevrier a fondé la famille spirituelle du Prado, toujours très active dans le monde entier. En 1986, il était déclaré “Bienheureux” à Lyon par le pape Jean-Paul II.
Mais qui est donc Antoine Chevrier ? Antoine naît à Lyon le 16 avril 1826 dans un milieu modeste. Son père est employé à l’octroi de la ville, sa mère est à la tête d’un petit atelier de soierie. À l’âge de 8 ans, ses parents le confient – moyennant cinq francs par mois- à un vieil instituteur qui réunit quelques élèves pour leur apprendre à lire et à écrire. Sa mère suit de très près son travail et quand, quelques années plus tard, il lui annonce qu’il veut devenir prêtre, elle se montre très réticente. Elle avait pour son fils d’autres projets. Elle aurait préféré lui voir apprendre un bon métier plus que le latin ! Finalement elle donnera son accord, il entrera a au grand séminaire de Lyon. Il a 20 ans. Ses études ne sont pas simples, car très vite Antoine Chevrier réagit contre la mentalité bourgeoise des futurs prêtres qui apprennent avec lui. Ordonné prêtre en 1850, il est nommé à l’Église Saint-André-de-la-Guillotière, un des quartiers les plus pauvres de Lyon. L’industrie de la soie bat son plein et le jeune prêtre est outré par les inégalités sociales.
L’année 1856 marque un tournant dans sa vie. De terribles inondations ravagent le quartier laissant ses habitants dans la misère totale. Le père Chevrier les aide de toutes ses forces. “À mesure que les grands de la terre s’enrichissent, écrit-il dans un sermon, on dirait que la pauvreté croît, que le travail diminue et que les salaires ne sont pas payés. On voit de pauvres ouvriers travailler depuis l’aube du jour jusqu’à la profonde nuit et gagner à peine leur pain et celui de leurs enfants.”
Cette même année, alors qu’il médite devant la crèche (ce qui explique la présence de la crèche toute l’année dans la chapelle du Prado), une évidence s’impose à lui : pour venir parmi nous, Dieu a choisi la pauvreté. Il se sent alors appelé à prendre le même chemin. Il décide de se faire lui-même pauvre. Ce qui n’est pas apprécié par sa hiérarchie. Mais rien ne l’arrête. Avec quelques prêtres qui souhaitent comme lui s’occuper des plus démunis, il fonde en 1860 Le Prado, du nom d’une salle de bal laissée à l’abandon qu’il acquiert. Il la transforme en orphelinat, recueille des enfants, leur apprend à lire, à écrire, leur donne à manger, les prépare à la première communion…
En 1 867, le père Chevrier est nommé curé de la paroisse du Moulin-à-Vent, rattachée au diocèse de Grenoble. Le père Chevrier n’a pas oublié l’expérience vécue à son installation à Saint-André-de-la-Guillotière. Il s’était vite rendu compte du décalage énorme qui existait entre la pauvreté et la misère des ouvriers vivant dans ce quartier populaire, et la vie bourgeoise de la plupart des prêtres. Lui ne veut pas être considéré comme un improductif et un paresseux. Son presbytère est une maison de verre : chacun peut y voir ce qui s’y passe. Très rapidement les pauvres poussent la porte et s’y retrouvent.
Il va fonder dans le quartier une école de filles et de garçons qui seront très fréquentées. Un an plus tard, il est secondé dans sa tâche par un autre prêtre, l’abbé Martinet. Celui-ci accepte mal d’être le second d’un curé qui ne réside pas en permanence sur la paroisse, puisque le père Chevrier a gardé ses activités à la Guillotière. En 1 871, l’abbé Martinet sollicite de l’évêché de Grenoble le titre de curé sans en avertir son confrère. Pour le père Chevrier, c’est un coup dur. Il en éprouve une grande peine, d’autant qu’il avait noué des liens importants avec les habitants du Moulin-à-Vent. Pourtant il ne protestera pas et retournera à temps plein au Prado.
La vie de ce prêtre est épuisante et pour se ressourcer il va régulièrement à Limonest et près de Saint-Fons, où l’on a mis à sa disposition une maisonnette sur une colline dans un endroit désert que l’on appelle les Clochettes. Il y emmène également des jeunes qui souhaitent devenir prêtres. C’est là qu’il peint notamment le tableau dit de Saint-Fons, qui résume la doctrine des prêtres du Prado. Il décède le 2 octobre 1879 à la Guillotière. La nouvelle de sa mort se répand très rapidement. Les habitants du quartier avaient fait une pétition à la préfecture pour que l’inhumation ait lieu au Prado et qu’il soit enterré dans la chapelle. Ainsi fut fait.
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