Comme tous les matins, vous vous acheminez tranquillement vers le palais des festivals, après avoir fait un détour vers le grand hôtel le plus proche pour récupérer la presse du jour, celle qui ne concerne que le festival et qui est à la libre disposition : Le film français, Variety, Hollywood Reporter, Screen, Technikart, etc. Puis vous arrivez au palais, montrez votre badge aux premier et deuxième contrôles. Jusqu’ici, tout va bien. Vous pensez que vous allez ensuite pouvoir attaquer les fameuses marches et fouler le tapis rouge pour montrer votre badge au troisième contrôle. Mais là, sans que vous vous y attendiez, surgit un nouvel agent de la sécurité. Il vous fait écarter les bras et vous fouille au corps. Étonné, vous grimpez quatre à quatre les marches, passez le contrôle en haut, puis la poêle à frire sur vos vêtements, puis la fouille de votre sac puis, après avoir montré une dernière fois votre badge, vous pénétrez enfin dans le sanctuaire du cinéma. Ce parcours du combattant, mise à part la fouille au corps qui est toute nouvelle ce jour-ci, vous devez le faire à chaque fois que vous voyez un film.
Vous sortez de la projection et vous rendez à votre studio, du côté du marché de Forville, au pied du Suquet, pour prendre des affaires. Lorsque vous vous rapprochez du palais, vous voyez bien un rassemblement devant la mairie mais vous n’y prêtez qu’une attention moyenne. Devant la gare maritime, à deux pas du palais, un cordon de CRS vous bloque l’accès. Aujourd’hui, on ne passe pas. Vous avez beau longer la rangée de flics en quémandant de-ci de-là si on veut bien vous laisser aller voir le prochain film, rien n’y fait. Côté Pantiero, on ne passe pas. Il faut faire un détour par la rue du Bivouac-Napoléon pour revenir vers le palais où, en montrant votre badge, les policiers vous laissent franchir leur cordon. Que se passe-t-il ? Trois fois rien. Ce matin, le film en compétition était “Hors la loi” de Rachid Bouchareb. Coproduit par la France et l’Algérie, il parle de la naissance des actions du FLN en France. Ceux qui se sont réunis devant la mairie sont des nostalgiques de l’Algérie française qui, sans avoir vu le film, le trouvent déjà scandaleux et manifestent leur mécontentement. Ils sont une cinquantaine et les plus jeunes ont sans doute pris leur retraite depuis quelques années. Ils font peur, c’est certain, vu le déploiement des forces de police, de casques, de matraques et de boucliers. Quelques jours plus tôt, sous les drapeaux de la CGT, les policiers municipaux manifestaient dans l’indifférence la plus totale de leurs collègues de la nationale. Mais là, on ne sait jamais. La manif est commanditée par l’extrême-droite, tout peut arriver.
Pétards mouillés
Tout peut arriver et rien aussi. Shakespeare se serait forcément écrié, à propos de ce rassemblement : “Beaucoup de bruit pour rien”. Cette année, tout à Cannes donne l’impression d’un pétard mouillé. Les journaux ont soufflé sur la braise des polémiques et des scandales mais le feu ne prenait pas. Dans la morosité ambiante, le festival était morose. Même la venue de Mick Jagger à la Quinzaine des Réalisateurs n’a pu sortir la Croisette de sa torpeur. Quand même, Mick Jagger. L’an dernier, sur le même lieu, l’annonce de la venue de Jim Carrey et Ewan McGregor avait suscité un tel engouement qu’au bout de près de deux heures d’attente, vous deviez renoncer à pénétrer dans le palais Stéphanie. Pour le Rolling Stone, une heure et demie de queue a suffi.
L’ouverture en fanfare avec “Robin Hood” de Ridley Scott ? Pétard mouillé. La crise économique mise en images avec “Wall Street 2″ d’Oliver Stone ? Pétard mouillé. Les films rajoutés à la dernière minute ? Oui, et alors ? Le jury présidé par Tim Burton ? On n’en a guère entendu parler pendant tout le festival.
Je ne sais pas ce qu’il en est des vins mais, en matière de cinéma, Cannes 2010 ne sera pas un bon cru. Les vieux maîtres surfaient sur les clichés et les jeunes cinéastes n’apportaient pas grand chose de neuf. Heureusement que le Thaïlandais Apichatpong Weerasetakhul et le Coréen Lee Chang-dong ont été récompensés. C’était la moindre des choses. Pour le reste, je retiendrai pêle-mêle l’excellente interprétation collective d'”Another Year”, le film de Mike Leigh, et la bouffée d’air pur produit par “Kaboom” de Gregg Araki, présenté hors compétition. Et cette belle œuvre de Manoel de Oliveira, “L’étrange cas d’Angelica”, par un cinéaste qui va célébrer son 102e anniversaire au mois de décembre et qui semble dans la fleur de l’âge.
Sur la vidéo, Mick Jagger parle de “Stones in Exile” sur la scène de la Quinzaine des Réalisateurs. Il a produit ce documentaire sur la création de l’album “Exile on Main Street”.
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