

Situé dans le 8ᵉ arrondissement de Lyon, l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu prend en charge des patients provenant de plusieurs communes, notamment Vénissieux, Saint-Fons, Corbas, ou encore Oullins-Pierre-Bénite.
À l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, un collectif de 120 soignants a signé une lettre ouverte adressée à l’Agence régionale de santé. C’est à la suite de l’absence de réponse de leur direction que près de la moitié du service de pédopsychiatrie a décidé d’alerter l’instance régionale chargée de mettre en œuvre la politique nationale de santé dans les territoires.
Selon les soignants, des réorganisations ont eu lieu ces derniers mois, sans aucune communication avec les équipes. La direction, quant à elle, affirme avoir engagé de nombreuses concertations. « J’ai pu rencontrer des membres du service à plusieurs reprises lors de réunions, de comités de pilotage ou d’assemblées générales, affirme Xavier Rebêche, directeur de l’établissement. La concertation a été continue concernant un certain nombre d’actions. »
Situé dans le 8ᵉ arrondissement de Lyon, l’hôpital prend en charge adultes, adolescents et enfants présentant des troubles de santé mentale. La prise en charge est dite sectorisée et concerne les patients de plusieurs communes dont Vénissieux, Saint-Fons, Feyzin ou encore Tassin-la-Demi-Lune, Oullins-Pierre-Bénite etc. L’établissement de santé dispose de structures internes et externes qui assurent les soins, selon les besoins du patient : centres médico-psychologiques (CMP), centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), hôpitaux de jour ou encore unités d’hospitalisation.
Un secteur désorganisé
Ces dernières années, plusieurs structures ont fermé : hôpitaux de jour, centres médicaux spécialisés, CATTP, etc. « Le secteur a été pas mal désorganisé, explique le collectif. Cela a conduit au départ de plusieurs membres du personnel. Des fermetures ont été annoncées du jour au lendemain. Les patients ont été dispatchés dans d’autres structures sans tenir compte de leur lieu de vie ni de leurs difficultés. Les listes d’attente pour rencontrer un pédopsychiatre s’allongent. Au CMP de Vénissieux, on atteint deux ans et demi d’attente. On priorise les enfants les plus en difficulté. »
La fermeture annoncée de l’Unité d’accueil et d’orientation (UAO), qui recevait près de 135 adolescents, a suscité un vif émoi. Créée il y a seulement 18 mois pour soulager les CMP déjà saturés, l’unité semblait avoir trouvé son rythme de croisière. « Le service fonctionnait très bien, assurent les soignants. Sa fermeture est prévue pour fin juillet, et nous ignorons toujours ce que vont devenir les jeunes suivis. Ils risquent de perdre leur prise en charge.»


Au CMP de Vénissieux, le délai d’attente pour consulter un pédopsychiatre est de deux ans et demi. © Emmanuel Foudrot
Le directeur de l’établissement de santé assure que la structure n’était pas aux normes : « Nous avions l’obligation de fermer cette structure qui n’était pas officiellement ouverte, explique Xavier Rebêche. Elle a été créée sans autorisation, à l’initiative d’un médecin, et ne respectait pas les normes de sécurité. » Selon lui, seuls « quelques patients » sont suivis, et ils seront redirigés vers d’autres établissements. Il évoque également l’ouverture récente d’un centre d’accueil pour adolescents en crise (CEMADO) à Vénissieux.
Des pratiques en mutation, des équipes en tension
Les raisons de ces dysfonctionnements s’expliquent avant tout par le manque de personnel. Il devient difficile de trouver des médecins, psychologues, assistants sociaux pour les structures. « Le regard que la société porte sur cette spécialité fait que le recrutement est compliqué », estime le collectif. Qui dénonce également des salaires jugés trop bas par rapport à d’autres hôpitaux lyonnais comme Le Vinatier. « Beaucoup partent pour de meilleures rémunérations ailleurs », affirment les soignants.
Ces pénuries renforcent les tensions et dégradent les conditions de travail. Pour y remédier, la direction prévoit d’adapter les structures et les métiers. « Nous allons accueillir des infirmiers en pratique avancée. Nos effectifs sont presque complets pour la rentrée. » L’établissement souhaite aussi faire évoluer les pratiques, avec moins de suivis au long cours, et un recentrage sur le milieu de vie des enfants. « Le suivi ne pourra pas durer plus de trois ans, avec un nombre de séances prédéfini, détaille le collectif. Cela déshumanise notre métier. On doit penser à la sortie du patient avant même son premier rendez-vous. »
Les soignants dénoncent un manque de reconnaissance de leur travail. Ils mettent en avant le travail partenarial qui est réalisé avec tous les proches de l’enfant comme sa famille, son école, ses autres soignants et qui est difficilement mesurable. Pour le collectif, la question essentielle qui reste en suspens concerne le suivi de ces jeunes. Les soignants s’inquiètent de la continuité de soins, alors que « les structures ferment les unes après les autres » .
Michèle Picard : « L’engagement des soignants ne peut être sacrifié à des logiques de gestion »
Suite à la lettre ouverte du collectif, Michèle Picard a écrit à Cécile Courrèges, directrice générale de l’ARS, pour faire part de son inquiétude. « À Vénissieux, l’offre de soins en pédopsychiatrie s’effondre. L’annonce brutale de la fermeture de l’UAO, qui suivait 135 adolescents, s’est faite sans solution de remplacement, ni pour les jeunes ni pour leurs familles. Le CMP local, déjà saturé, ne peut plus répondre à la demande. »
L’édile craint une aggravation des troubles chez les jeunes, qui pourraient mener à des conduites à risque, des ruptures scolaires ou des hospitalisations en urgence. « Les professionnels de la pédopsychiatrie publique accomplissent une mission essentielle auprès de populations particulièrement fragiles. Leur engagement quotidien ne peut être sacrifié à des logiques de gestion à court terme, au risque d’aggraver encore davantage la crise d’un secteur déjà sous tension. La psychiatrie et la pédopsychiatrie sont des enjeux majeurs de santé publique. Face à ce constat, il est indispensable de réunir l’ensemble des acteurs concernés afin de construire une réponse à la hauteur des besoins des populations, et garantir des conditions de travail dignes pour les professionnels. » Le maire de Vénissieux demande qu’une délégation pluridisciplinaire du collectif soit accueillie « au plus vite » à l’ARS.
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