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Culture

Mahamoud M’Saidie signe deux nouveaux ouvrages

L’auteur vénissian publie deux livres chez Anibwe : un recueil pour pour mieux parler et écrire le français et une pièce de théâtre sur les luttes pour la décolonisation de l’Afrique.

Passant son temps entre Vénissieux et Nanterre, Mahamoud M’Saidie a déjà publié de nombreux livres : contes, romans, poésies et textes théâtraux. Il ajoute une nouvelle corde à son arc avec Pour un français clair et précis, qu’il publie chez Anibwe. Cet amusant recueil de fautes à ne pas commettre en français évoque les pléonasmes, les anglicismes, les expressions courantes qui sont autant de maladresses et cette série de mots employés parfois à tort et à travers. On s’aperçoit ainsi combien le langage parlé et des formules toutes faites sont souvent erronées.

Toujours chez Anibwe, Conquérants est un texte théâtral mettant en scène, dans un pays africain imaginaire, le Gambezzi, et à une époque indéterminée — sans doute les années soixante — les personnages emblématiques de la décolonisation : des rebelles désireux d’acquérir l’indépendance de leur pays et les officiers de l’armée occupante. Même si l’on comprend vite où penche le cœur de l’auteur, Mahamoud M’Saidie a l’honnêteté d’opposer les deux points de vue, sans les trahir.

Cette pièce est également une bonne occasion de se replonger dans les faits d’armes — malheureusement souvent des massacres — et de retrouver les grands noms des diverses armées de libération : la persécution de Béhanzin, roi du Dahomey, mort en 1906 ; le roi Douala Manga Bell pendu en 1914 ; le massacre d’Addis-Abeba par les fascistes italiens en 1937 et celui de Madagascar par l’armée française en 1947 ; l’exécution du sénateur ivoirien Victor Biaka Boda en 1950 et celle de Ruben Um Nyobe en 1958 ; l’empoisonnement en 1960 de Félix Mounier par les services secrets français ; les mains et pieds des Congolais coupés par ordre du roi belge Léopold II, etc.

Mahamoud fait également allusion aux grands leaders noirs, de Martin Luther King à Amilcar Cabral et de Sékou Touré à Malcolm X.

Nous avions, bien sûr, de nombreuses questions à poser à l’auteur de ces deux livres.

« C’est une littérature engagée »

– Comment est venue l’idée de Pour un français clair et précis ?
Quand j’étais aux Comores, j’avais le souci de savoir bien parler et écrire le français. Je suis arrivé à l’université, en France, et la langue entendue se différenciait de celle des Comores. J’ai appris ici qu’on pouvait se permettre d’utiliser des mots familiers à l’oral. Je me suis dit qu’il fallait se battre pour trouver les mots justes et ce combat, je le mène encore aujourd’hui.
Ce livre est un travail de longue haleine. Dans un grand classeur, je notais tout : les maladresses, les anglicismes, les illogismes… Comme « je range ma chambre » au lieu de « je mets de l’ordre dans ma chambre ».

– Apprendre en s’amusant, est-ce la meilleure des méthodes ?
Je le pense. Il faut aussi répéter les mots à haute voix. Apprendre sans souffrance aide à ce que la leçon entre bien dans l’esprit.

Conquérants est un sujet autrement plus grave, avec un point de vue honnête qui présente deux points de vue contradictoires, ceux de l’occupant et de l’occupé, sans les trahir.
Depuis longtemps, je mûrissais ce sujet dans ma tête. Il est récurrent chez beaucoup d’auteurs africains venant des pays colonisés. C’est une littérature engagée. Je viens aussi d’un pays sous colonisation française, Mayotte. Quand on vit en France et que, dans d’autres pays, subsiste une forme de colonisation, pourquoi ne pas en parler ? La France n’est pas un pays où on nous muselle. Mais ce n’est pas simple et cela peut être dérangeant. Quant à la forme théâtrale, elle prend moins de temps qu’un roman. J’aimerais faire jouer cette pièce mais c’est difficile.

– Au fil des dialogues, Conquérants donne beaucoup de détails sur ce qui s’est passé en Afrique, les nombreux massacres commis par les colonisateurs, et qui ne sont pas très connus du grand public, du moins en France.
Beaucoup d’Africains eux-mêmes ne sont pas au courant de cette histoire qui appartient à tout le monde.

– Pourquoi avoir choisi le pays imaginaire du Gambezzi ?
Pour éviter qu’un peuple se dise que c’est son pays. Et pour universaliser les choses. La littérature ne s’articule pas nécessairement sur la réalité, tout en respectant l’Histoire.

– Vous introduisez un troisième personnage, à côté des colons et de ceux qui désirent la liberté : le traître, Nzonzi, ou plutôt celui qui trouve des avantages dans l’un et l’autre camp.
L’Afrique est constituée de pays où les gens vivent difficilement. La corruption vient de la pauvreté. Nzonzi fait partie de ces milliers voire millions de gens qui vivent dans la misère, que ce soit en Afrique, en Europe, en Asie ou ailleurs.

– La dernière phrase du Français, « Pas adieu, au revoir » est cynique mais réaliste puisque l’Occident continue d’exploiter l’Afrique.
Après les décolonisations, d’autres colonisations ont été pires, du fait des multinationales. Le destin de l’Afrique est toujours lié aux colonisateurs.

Pour un français clair et précis et Conquérants : deux livres de Mahamoud M’Saidie publiés chez Anibwe en février 2022.

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