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Père, père et maire

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la carrière d’Antoine Givord ne fut pas banale. Commencée en soutane, elle se poursuivit avec l’écharpe de maire… et de nombreux enfants !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la carrière d’Antoine Givord ne fut pas banale. Commencée en soutane, elle se poursuivit avec l’écharpe de maire… et de nombreux enfants !

Marcello Mastroianni et Sophia Loren, en 1970, dans “La femme du prêtre” de Dino Risi. Photo Wikipedia.

Dimanche 13 avril 1794, ou plutôt le 24 germinal de l’an II de la République. Une petite foule s’est réunie dans l’ancienne église de Vénissieux, muée en « Temple de la Raison » par la Révolution. Le maire y est venu pour célébrer le mariage d’Antoine Givord « officier public de la ditte commune », et de Marie-Etiennette Champavert. L’on murmure un peu dans les rangs de l’assistance, car le futur époux aligne 43 ans d’âge, tandis que sa promise n’en a que 22. Mais ce n’est rien à côté de la stupeur de certains Vénissians. Pensez donc : il n’y a pas deux ans, ce marié de l’An II était encore le curé de la paroisse ! Antoine Givord lui, n’en a cure. Il veut vivre avec son temps et ne tient aucun compte des commérages de ses concitoyens.

Cette tête brûlée n’est pas un Vénissian de souche. Il est né près de Vienne, à Ville-sous-Anjou, le 7 décembre 1750, d’un père châtelain du seigneur de Terrebasse, et faisant à ce titre partie des notables de son village. Devenu adolescent, Antoine Givord suit des études de théologie à l’université de Valence, jusqu’à obtenir le titre de bachelier. Puis en 1775, le jeune diplômé est recruté comme vicaire à Chaponnay, avec pour mission d’assister le curé du lieu. Mais Givord n’entend pas en rester là. En 1779, à l’âge de 29 ans, il va trouver le curé de Vénissieux, Pierre-François Lebeuf, et fait avec lui une bien curieuse transaction. Lebeuf « ayant eu le malheur de perdre un œil il y a environ trois ans, et étant depuis sujet a d’assez fréquents maux de tête », n’arrive plus à remplir « toutes les fonctions pénibles » de son ministère. Aussi propose-t-il à Givord de le remplacer comme curé, et de toucher à sa place les 2000 à 3000 Livres de revenu annuel de la paroisse, une fortune à l’époque. Cadeau gratuit ? Pas du tout : en échange de ce joli gâteau, Antoine Givord devra verser ad vitam aeternam à son prédécesseur une pension annuelle de 900 Livres. Au prix d’une vente digne d’une foire aux bestiaux, Givord devient ainsi le nouveau détenteur de la cure vénissiane. À partir du 11 janvier 1780, il signe le registre paroissial en tant que « Givord vicaire » puis, à compter du 19 février, en tant que « Givord curé », l’archevêque ayant entretemps proclamé sa nomination.

En pleine Révolution, le prêtre tient bon

Arrive la Révolution. Le père Givord se trouve comme tous les prêtres de l’époque, soumis à un maelström d’évènements politiques. Il devient un salarié de la Nation, obligé de prêter serment en 1791 à la Constitution civile du clergé, lui qui devait jusque-là allégeance à son évêque et au pape. Surtout, il voit les révolutionnaires s’en prendre à son église, qu’ils déchristianisent pour la transformer en « Temple de la Raison de l’Être suprême », tandis que le presbytère devient la « cy devant cure ». Bien des prêtres sont alors chassés de leurs paroisses, contraints de se cacher, de fuir, quand ils ne sont pas purement et simplement arrêtés et déportés. Mais pas Antoine Givord. Lui se maintient, inébranlable, à Vénissieux. Les registres paroissiaux sont-ils laïcisés, en 1792 ? Qu’importe, il continue de les tenir, en tant qu’« officier public » de la commune. Mieux même, fin 1792 ou courant 1793, il jette sa soutane aux orties – il « défroque » -, puis se marie, comme on l’a vu. Le père d’hier devient père, sa jeune épouse lui donnant six enfants, dont deux petites jumelles.

Maire durant toute la période napoléonienne

Sa carrière ne s’arrête pas là. Le 30 messidor an VIII, soit le 19 juillet 1800, Antoine Givord atteint le firmament vénissian, en étant nommé maire de notre commune par le préfet de l’Isère. Il jouit alors d’une incontestable popularité, le préfet ayant pris sa décision « d’après les témoignages avantageux qui lui ont été donnés sur le civisme et l’intelligence du citoyen Givord ». La preuve encore de son succès, il est nommé pour un second mandat en février 1808, ce qui lui permet de porter l’écharpe de maire durant toute la période napoléonienne. En zélé agent de l’empereur, Antoine Givord prend fait et cause pour les Vénissians. Dès la première année de son mandat, il demande une réduction des impôts versés par la commune, afin d’alléger le fardeau fiscal des habitants. Il veille aussi au développement du village : en faisant réparer tous ses chemins de desserte ; en créant 30 hectares de prairies artificielles dans les brotteaux du Rhône, afin de favoriser l’élevage des bovins ; en inaugurant les premières cultures de betteraves sucrières ; en décidant la réalisation du tout premier cadastre ; ou encore en appelant de ses vœux la réalisation d’une grande place, ancêtre de la place Sublet. Son mandat est aussi fait de petits riens qui rythment son quotidien, comme lorsqu’il interdit en juin 1804 aux auberges de servir des clients jusqu’à point d’heure de la nuit, faute de quoi « personne ne sera en sureté dans sa maison ».

Le temps avançant, on le voit de plus en plus surveiller le retour des soldats de la Grande Armée de Napoléon Ier. Le côté militaire de sa fonction prend alors le pas sur le côté civil. Jusqu’à la déroute finale, marquée par un afflux de déserteurs en 1814, par l’occupation des troupes autrichiennes, puis par l’abdication de Napoléon Ier, en juin 1815. Antoine Givord tente alors de se maintenir à la tête de Vénissieux, en jurant fidélité au roi Louis XVIII dès octobre 1814, puis en prenant des mesures contre les Bonapartistes en novembre 1815, mais rien n’y fait : trop marqué par son passé, l’homme doit céder son écharpe de maire en avril 1816. Il part s’installer montée de la Grand’Côte, à la Croix-Rousse, où il meurt deux ans plus tard, le 1er avril 1818. Une date qui sonne comme une farce.

Sources : Archives du Rhône, 3 E 7393 A, 3 E 11472, 4 E 5381, 5385 et 7728, 5 E 559/1. Archives municipales de Lyon, 2 E 0151. Archives municipales de Vénissieux, 259 GG 7, et registre des délibérations municipales (an III-1816).

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