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Portraits

Chourouk Hriech : un peintre qui dessine

Deuxième artiste invitée en résidence à Vénissieux après Bruce Clarke, Chourouk Hriech est arrivée le 22 août et, jusqu’à début novembre, va multiplier ses interventions : exposition, présence aux Journées européennes du Patrimoine et au Jour du livre, performances, rencontres, etc.

Chourouk Hriech, artiste dessinatrice en rŽsidence ˆ VŽnissieux 08/2016

Elle a dans la voix une petite pointe d’accent qui montre bien qu’elle vit à Marseille — elle y réside depuis 11 ans, déjà. Pourtant, Chourouk Hriech est native de Bourg-en-Bresse et a grandi dans le petit village de Montrevel-en-Bresse. “J’ai fait mes études à Lyon, j’ai passé mon bac à Hénon, à la Croix-Rousse, puis je me suis inscrite aux Beaux-Arts.”
De Chourouk, on connaît la qualité des dessins. Et la présentation qu’elle avait faite d’elle à l’Espace Madeleine-Lambert, en juin dernier, pour annoncer sa résidence à Vénissieux, était la preuve qu’elle maîtrisait parfaitement son art. Quoi qu’il en soit et contre toute attente, elle avoue que son inscription à l’école des Beaux-Arts de Lyon a été “accidentelle, pas préméditée du tout”.
“Je voulais faire de l’archéologie et je n’en avais pas les moyens financiers. Si je voulais aller fouiller à l’étranger, il fallait payer mon billet d’avion. Alors, pour garder le statut d’étudiant, j’ai été aux Beaux-Arts. C’est vrai que j’ai toujours dessiné, mais ce n’est pas exceptionnel, des tas de gens aiment le faire. J’ai toujours écrit aussi, depuis que je sais écrire, et aimé travailler avec des musiciens et des danseurs, dès mes 16 ou 17 ans.”
À cet âge-là, nous sommes en 1993-1994, Chourouk rencontre Hélène Péronnet. “Elle est aujourd’hui chanteuse lyrique et violoniste et elle intervient régulièrement dans mes expos et performances. Le socle de mon travail, ce sont mes rencontres et collaborations très jeune avec des musiciens.”
Chourouk passe son diplôme des Beaux-Arts et, en 2002, elle quitte Lyon pour Sète, où elle est invitée au centre d’art contemporain pour une exposition collective. “Je me suis approchée de la Méditerranée, où j’étais plus à l’aise dans la mixité humaine et sociale. C’était mieux qu’à Lyon, où les choses étaient moins mélangées… à l’époque, du moins !”

D’un mur à l’autre
Puis Chourouk voyage, pour elle et grâce à son art, qui l’amène en Espagne, Norvège, Suisse, Belgique, Angleterre, République tchèque, Chine, Maroc… “J’aime faire passer mes dessins d’un mur à l’autre”, explique-t-elle simplement.
Elle enseigne aujourd’hui le dessin à l’école supérieure d’art et de design de Marseille, cet art qui est, pour elle, “la base élémentaire, même dans la vie”.
“Le dessin est incontournable. À l’école primaire, il était mon passe-temps favori. Il est un espace de compréhension, une ouverture sur la projection mentale de soi-même et il prend un rôle différent en fonction des âges. Il peut être un jeu pour un enfant et avoir une dimension beaucoup plus romantique pour un ado. Après, vient la question de la figuration et celle de représenter le monde parfaitement. Dessiner est très laborieux, ingrat. Cela nécessite une endurance pour une discipline qui est complètement à contre-courant, même si elle revient un peu aujourd’hui sur le devant de la scène. Le dessin est fragile, il a une impermanence.”
Elle emploie ce terme bouddhiste lié à la souffrance et l’insatisfaction. Et explique que, chez beaucoup de peuples — elle cite les aborigènes d’Australie, les Chinois, les Indiens d’Amérique et ceux de l’Inde avec les mandalas —, il est lié au sacré.
Lorsqu’on demande à Chourouk pourquoi l’exercice du dessin ne l’a pas amenée vers la peinture, elle répond qu’elle se considère “comme un peintre qui dessine”. Elle ajoute : “J’ai toujours eu une approche du dessin comme un peintre peut avoir une approche de l’espace. Le dessin a aussi une dimension cinématographique, avec des questions de cadrage ou de plans. Dessiner, c’est contempler, observer beaucoup. Sans être oisif ou en méditation car on reste ouvert au monde. Je suis longtemps restée sur le dessin par économie, parce que je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Par économie et par autonomie car on peut le pratiquer partout. Les choses prennent du temps. Cela fait quatorze ans que je suis diplômée et je viens de saisir une des phases de mon travail.”
L’artiste ne veut pas dissocier le dessin de la danse car, dit-elle, “on peut aussi dessiner par le geste, comme le ferait un danseur”. Et encore moins du son et de la musique.

“Le papillon posé sur la cloche du temple endormi”
Quand elle ne dessine pas, Chourouk aime photographier. Et dans l’expo qu’elle est en train de préparer à l’Espace Madeleine-Lambert pour le 9 septembre, elle proposera des photos d’oiseaux. “Ils ont un regard privilégié sur le monde. Leur passage du ciel à la terre est dans leur cheminement, leur trajectoire. L’oiseau est symbolique, on le retrouve à toutes les époques. Il est impermanent dans sa nature : il a disparu dès qu’on veut le photographier !”
Cette exposition, elle l’a baptisée “Le papillon posé sur la cloche du temple endormi”. L’éphémérité du dessin — Chourouk a souvent dessiné à même les murs, sachant que son œuvre disparaîtrait — renvoie à celle du papillon et “à la fragilité qu’on lui attribue”.
“Le papillon est aussi l’image de la théorie du chaos. Le titre de l’expo est très littéraire, qui raconte déjà une histoire. La cloche du temple, qu’est-ce que c’est ? C’est un lieu sacré, peu importe la religion, une zone où l’on peut réfléchir, entrer en méditation. Quant à la cloche, elle fait entendre son tintamarre. C’est donc ce petit papillon qui va pouvoir faire bouger la cloche du temple.”
Chez Chourouk, chaque trait, chaque objet peut se charger de multiples significations et de rappels à l’histoire de l’art. Dans l’un de ses dessins, elle utilise la fameuse vague du peintre japonais Hokusai, “entre deux actions, deux temps, deux espaces”. Et les vases découpés qu’elle montrera à la Maison du peuple cumulent tout à la fois des réminiscences d’un tableau de Nicolas Poussin (“Éliézer et Rébecca”), des quarante jarres d’Ali Baba, de la légende de la fille d’un potier grec qui avait dessiné son amoureux…
L’expo comprendra également un rideau découpé en lamelles, sur lesquelles est imprimée l’image du jardin Majorelle de Marrakech. Le jardin est pour elle “un lieu de contemplation et de méditation, empli de symbolique”. Elle remarque à cette occasion que “Vénissieux est incroyablement verte”. La question se pose alors inévitablement : pourquoi a-t-elle choisi de venir à Vénissieux ?
“Il se trouve que j’ai connu Xavier Jullien, le directeur de l’Espace arts plastiques de Vénissieux, à l’école des Beaux-Arts, en 1997. Nous nous sommes retrouvés au MAC, le musée d’art contemporain de Lyon, quand j’y ai été invitée. Au début, lorsqu’il m’a proposé la résidence, je ne savais pas. Je connaissais bien la Maison du peuple pour y avoir suivi plein de concerts mais je connaissais mal Vénissieux, à la fois ville à part entière et périphérie. Une ville qui a un vécu et une histoire. À Marseille, quand j’en parlais, on ramenait Vénissieux aux Minguettes. Alors que c’est le genre de villes particulièrement intéressantes qui peuvent bouger très vite. J’en reviens à l’impermanence : ils ont démoli ici des habitations horribles d’il y a 50 ans pour en construire d’autres, pas forcément meilleures d’ailleurs. Vénissieux m’intéresse aussi pour son improbable cohabitation entre des populations différentes. Non seulement de par leurs origines mais aussi parce qu’on y trouve à la fois ceux qui bossent et ceux qui vivent une misère sociale terrible. On sent ici une coexistence d’états, d’histoires, sans le patrimoine historique que peut avoir Lyon mais avec un héritage économico-socio-historique tout aussi passionnant. Vénissieux montre également un panel d’architectures qui correspondent aux politiques et aux questions socio-historiques des cinquante dernières années. Vénissieux est l’une de ces villes que l’on met toujours en avant dès qu’il y a des problèmes alors qu’on ne parle jamais du vivre ensemble.”

Dessin Hriech

“Le papillon posé sur la cloche du temple endormi” : exposition
à l’Espace Madeleine-Lambert.
Vernissage le 9 septembre à 18 h 30.
Exposition du 10 septembre au 5 novembre, ouverte du mercredi au samedi, de 14 h 30 à 18 heures. Entrée libre.
Rencontre et performance dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine le 17 septembre à 17 heures.
Renseignements : 04 72 50 89 10 – 04 72 21 44 44.
artsplastiques@ville-venissieux.fr
www.ville-venissieux.fr/arts_plastiques

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