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L’expulsion, une gifle terrible

Un divorce, le chômage et c’est l’engrenage des dettes. Expulsée de son logement en 2007, Dorothée Avril se remet à peine de cette épreuve. Elle raconte cette “cassure psychologique”. À Vénissieux, mais aussi à Vaulx-en-Velin et Pierre-Bénite, les maires ont pris des arrêtés municipaux pour interdire les expulsions locatives et les coupures d’énergie. Mais la préfecture ne l’entend pas ainsi : ils sont tous trois convoqués devant le tribunal administratif, le jeudi 7 avril, à 10 heures. Les habitants sont invités à venir les soutenir. Dorothée y sera. C’est sûr.

L’histoire de Dorothée Avril est celle “de beaucoup de gens expulsés de leur logement pour dettes de loyer”. Si elle a accepté de rendre public son témoignage, c’est, dit-elle, “pour que les chiffres terribles des expulsions qui sont communiqués à la fin de chaque trêve hivernale soient illustrés par une vraie histoire”. La sienne commence par un divorce, en 2004. “Une première épreuve qui en appellera d’autres”. Elle habite alors un T3 sur le plateau des Minguettes, rue Maxime-Gorki. “L’expulsion, c’est un enchaînement, explique-t-elle. Comme d’autres l’ont vécu avant moi, il y a d’abord un événement, dans mon cas mon divorce. Ensuite une perte de revenus : j’ai perdu mon emploi. Les dettes de loyer qui s’accumulent. L’impression de ne pas avoir les capacités pour s’en sortir. La déprime, surtout lorsque l’on est seule. C’est un véritable cercle vicieux, une spirale infernale.”
Elle essaie pourtant de refaire surface. S’engage à rembourser petit à petit ses dettes. Soigne sa dépression avec son médecin. “Mais quand ça veut pas…” Des soucis de santé apparaissent, elle doit se faire opérer du genou. “Je n’ai pas pu respecter mon échéancier et mon bailleur a décidé de procéder à mon expulsion. J’ai essayé de négocier. Impossible. J’étais baladée de service en service, personne ne pouvait me répondre.”
La préfecture essaie alors à deux reprises de procéder à son expulsion. À chaque fois, des militants contre les expulsions empêchent les déménageurs de passer. “Visiblement, ça leur a servi de leçon. Lorsque mon expulsion a été programmée pour la troisième fois, la préfecture n’en a pas informé la mairie. J’étais seule ce jour-là, sans pouvoir empêcher quoi que ce soit, opposée à la policière alors responsable de ces questions au commissariat, une personne vraiment inhumaine. Elle refusait d’écouter, de tenir compte de l’histoire des gens qu’elle rencontrait.”
Le jour J, donc, elle se trouve prise au dépourvu. “Un choc, raconte-t-elle. Les policiers ont eu peur que je me jette du sixième étage. On n’a pas idée de ce que l’on peut ressentir à ces moments là, on a l’impression que le monde s’écroule autour de soi. Quand les déménageurs sont entrés chez moi, je me suis dit qu’il n’y avait plus rien à faire. C’est un premier choc : voir des inconnus emporter ses affaires, c’est indescriptible, comme sensation. Le deuxième, c’est lorsque l’on voit ses effets personnels au garde-meubles, entassés dans de mauvaises conditions, sans qu’il en soit pris soin. Voilà une gifle terrible.” Pour tenir le coup, Dorothée se rend à plusieurs reprises chez son médecin, qui double la dose de ses médicaments. Moralement, elle est au plus bas.
“On met du temps à s’en remettre, confirme-t-elle. C’est une véritable cassure psychologique. Je viens d’ailleurs tout juste de tourner la page. Il a bien fallu se débrouiller, pour ne pas se retrouver à la rue. Je suis allée habiter chez ma mère, même si nous ne nous entendons pas. Je savais qu’il fallait que ce ne soit qu’une solution provisoire, pour ne pas sombrer. On ne peut pas rebondir immédiatement. Il faut prendre le temps de digérer. J’ai heureusement trouvé beaucoup de soutiens, d’amis, au sein du Réseau d’alerte et de solidarité des Vénissians. J’ai vu que je n’étais pas la seule dans la panade. J’ai essayé de relativiser : je n’avais pas d’enfant à charge, alors que je voyais des familles entières dans la même situation que moi.” Ce qu’elle a vécu explique-t-il qu’elle soit, aujourd’hui, de chaque manifestation contre les expulsions locatives ? “Cela a joué, bien sûr. Cela dit, j’ai toujours été engagée. Mais attention, je ne fais pas tout ça par colère ou par rancune : cela peut rendre aigri. Inutile si l’on veut tourner la page au plus vite.”
Son salut viendra du travail. En mai 2009, cette ancienne ouvrière fleuriste trouve un emploi aidé de secrétaire à l’union départementale CGT. Elle continue en parallèle à la fois ses activités de militante et “d’aide” pour ses anciens voisins et amis. “Petit à petit, j’ai refait surface.” À la fin de l’année 2008, elle retrouvait un logement grâce à la loi Dalo (Droit au logement opposable) et à l’Alpil (Action pour l’insertion sociale par le logement). Toujours à Vénissieux, au Moulin-à-Vent cette fois. “Mon ancien quartier me manque, soupire-t-elle. J’y étais connue, j’étais déléguée de quartier depuis 1986. J’aimais la proximité qui y règne. J’y retourne souvent. J’aimerais y revivre un jour.”

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