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Portraits

Julien Marlier : Out of Africa

Ce collectionneur vénissian d’art moderne africain prête dix œuvres à Beaubourg jusqu’à fin juin et participe à une exposition collective dans le Vieux-Lyon en avril.

Photo Emmanuel Foudrot

Qui associe au nom de Moké ces somptueux tableaux très colorés montrant des scènes de la vie quotidienne congolaise ? Qui sait qu’une des rares femmes artistes africaines se nomme Younousse Seye ? Qui peut se déclarer spécialiste de l’école de peinture de Poto-Poto ?

Si tout un chacun a déjà entendu parler des grands peintres occidentaux du XXe siècle (Picasso, Dali, etc.), l’œuvre des artistes africains de la même époque est encore méconnue du grand public et il faut faire appel aux connaisseurs pour en apprendre plus sur Abdoulaye Samb, Albert Lubaki, Thomas Mukarobgwa ou Jacques Zigoma.

Il se trouve que l’un de ces amateurs éclairés habite à Vénissieux. Il se nomme Julien Marlier et vient de prêter dix œuvres à la grande exposition Paris noir qui se tient jusqu’au 30 juin au centre Georges-Pompidou (Beaubourg) à Paris.

Ce Vosgien d’origine, arrivé à Lyon en 2010 et qui vit à Vénissieux depuis trois ans, a découvert par hasard l’art africain. Il travaille dans une mutuelle et n’était, jusqu’en 2012, pas du tout affilié au monde des collectionneurs.

« À cette époque, avec des amis, nous cherchions un endroit où manger. Nous étions avenue Berthelot et nous trouvons un restaurant africain, La Symbiose. Pendant le repas, un tableau en face de moi, accroché au mur, m’interpelle. Il faisait partie de l’école de Poto-Poto à Brazzaville. Je suis revenu le lendemain et je l’ai acheté. Puis, j’ai creusé la question de la peinture africaine. On connaît les statues, ce que l’on appelle l’art tribal et classique, mais les artistes du XXe siècle restent méconnus. On trouve peu d’œuvres dans nos musées, comme si cette période avait été occultée par nos institutions. Il existe aujourd’hui un phénomène de rattrapage. »

L’exposition « Paris noir »

Ainsi, à Beaubourg, l’exposition Paris noir annonce quelque 600 œuvres. Elle sera la dernière avant la fermeture du site pour travaux de réaménagement.

Julien, lui, en a donc prêté dix. Suite à l’achat du premier tableau, il s’est mis en effet à rechercher de la documentation. « J’ai été sur Internet, j’ai beaucoup lu et j’ai rencontré une jeune femme qui faisait elle-même des recherches. Elle a proposé des œuvres que je possédais au musée, ce qui m’a valu une petite notoriété dans le milieu. »

Il apprend ainsi à différencier le mouvement afro-caraïbe, les artistes de la diaspora africaine, ceux d’Afrique du nord… « Certains sont répertoriés et sont devenus des sommités. Pour les autres, il ne reste que quelques traces. La réhabilitation de cet art est un enjeu. »

Pourquoi pas à Vénissieux ?

Julien aime tout ce qui est accroché sur ses murs. « Je regarde les tableaux, je les change… J’adore ainsi cette série de gouaches, dont une est partie à Pompidou. Il faudrait les encadrer, les nettoyer, ce qui demande trop d’investissement. J’aime beaucoup cette peinture de Moké, artiste autodidacte né dans l’ancien Congo belge, devenu RDC. Il peignait dans la rue et est très vite remarqué par le pouvoir en place. Il fera plusieurs portraits du président. Ici, sur le tableau, on reconnaît une parade militaire avec Mobutu. Cette peinture naïve et populaire n’est pas dépourvu de caricature et de moquerie. »

Le collectionneur est satisfait de l’exposition présentée à Paris. « Il n’y a jusqu’à présent jamais eu cela en France ! Il existe aussi des peintres femmes et je vais prêter l’œuvre d’une artiste sénégalaise encore vivante, Younousse Seye. »

Il va lui-même également montrer d’autres peintures dans une expo collective qui se tiendra à Lyon du 16 au 30 avril à la galerie de la Tour, dans le Vieux-Lyon.

Et pourquoi pas à Vénissieux, lui demande-t-on. « Ce serait intéressant, répond-il. D’autant plus que les enfants n’ont pas conscience des mouvements artistiques qui se sont succédé. Si la ville était intéressée, j’ai ma propre collection et je connais de très gros prêteurs privés. »

« Paris noir – Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000 » : du 19 mars au 30 juin au centre Georges-Pompidou (Paris).

Galerie de la Tour (16, rue du Boeuf, Lyon 5e) : du 16 au 30 avril, de 11 à 19 heures.    
Art tribal de l’Afrique de l’ouest et centrale, peintures africaines modernes de la collection  Julien Marlier, peintures sur le thème du wax d’Annick Morize.

L’art moderne africain

Photo Emmanuel Foudrot

Comme tout passionné, Julien décline ses connaissances et ouvre un monde artistique fascinant resté malheureusement dans l’ombre.

« Parmi les artistes sénégalais des années vingt, ceux qu’on a appelés les Précurseurs, Abdoulaye Samb peignait sur de petites cartes postales. Très cultivé, il avait écrit un dictionnaire wolof-français. Je l’ai découvert sur Internet et j’ai eu un coup de cœur. Les Précurseurs étaient des imagiers. Ils n’avaient pas une grande notoriété, seules quelques galeries montraient leur travail. Le Corbusier s’est intéressé à eux et a créé un petit phénomène. À partir des années quarante, de petits ateliers se développent. On trouve alors des mécènes, des écoles, une production plus importante et les Européens commencent à s’intéresser mais très peu. Ainsi, si les peintures d’Albert Lubaki sont montrées à Genève, en France on ne voit quasiment rien. Quelques peintres de Poto-Poto sont à Pompidou, d’autres au MoMA (Museum of Modern Art) à New York, qui fait quelques achats dans les années soixante. »

Photo Emmanuel Foudrot

Il brosse le portrait historique de l’art africain moderne, celui qui naît dans les années trente. « Au début du XXe siècle, les pays africains sont dominés par un triptyque : l’armée, les religieux et les exploitants. D’autres profils arrivent ensuite : les professeurs, les ethnologues, les artistes voyageurs, qui ont d’autres idées. »

Il décrit ainsi la naissance de l’école de Poto-Poto, créée par Pierre Lods, un jeune explorateur établi à Brazzaville. Et parle des trois catégories d’artistes : les autodidactes, ceux qui se sont formés au sein d’ateliers et ceux qui sortent d’académies. « Pour ma part, je m’attache à ne pas faire de catégories. Longtemps, on a prétendu que la peinture africaine n’était pas influencée. Je ne partage pas cela. Toutes les trajectoires peuvent coexister. Si l’on dit qu’un peintre africain a été influencé, on juge que ce n’est pas bien. En revanche, si Picasso est influencé par l’Afrique ou Gauguin par Tahiti, ce sont des génies. On pose sur ces questions-là un regard particulier. Beaucoup d’artistes africains sont venus en Europe s’inscrire aux Beaux-Arts. Il est normal de voir des pratiques mixtes. »

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