

Gérard Petit (2e en partant de la gauche), entouré de quelques membres de l’association Viniciacum
Depuis le temps que l’association Viniciacum s’intéresse au passé de sa commune, il était normal qu’après plusieurs ouvrages consacrés à des thématiques précises (les roses, l’école du centre, l’école Pasteur, les poilus morts pour la France), le dernier en date parcoure la totalité de son histoire.
Écrit par Gérard Petit — le créateur de l’association —, relu et corrigé par les membres de l’association, De Viniciacum à Vénissieux est actuellement en cours de finition et devrait sortir aux alentours des Journées européennes du Patrimoine. Fort de 500 pages dans sa version finale — le manuscrit en comportait 1200 — et de 450 photos, le livre nous donne l’occasion non seulement d’apprendre beaucoup de détails mais également de partager la passion de son auteur.
Car Gérard, sitôt que son attention est attirée sur un fait historique, se plaît à chercher, creuser, fouiller. Il est capable de passer des heures, secondé par Mireille Rouffanche et Alain De Carolis, dans les services des Archives de Grenoble et Lyon, de se procurer également celles du diocèse et d’ainsi mettre la main sur des perles rares. Comme la liste « non exhaustive » des agriculteurs et maraîchers de Vénissieux en 1946. Il la publie car il sait que beaucoup de descendants habitent encore la commune et qu’ils seront heureux d’y trouver leurs noms.
Autre caractéristique : Gérard ne recherche jamais la lumière des projecteurs. « Si je n’avais pas l’association avec moi, composée de personnes compétentes et disponibles, rien n’aurait pu être fait. Pas plus le corso fleuri que les différents livres. »
La première grève en 1906
Sur sa méthode, qui l’a tenu cinq ans en haleine pour la rédaction de De Viniciacum à Vénissieux, Gérard évoque surtout son intérêt pour les autres. « J’aime ce que font les gens et ce qu’ils apportent à leur ville. » Plusieurs exemples se bousculent. Il cite le père Philippe Plantevin (Mission de France), disparu le 16 juin dernier et qui avait été prêtre ouvrier à Vénissieux. « Il voulait finir sa vie ici et avait élu domicile à la maison de retraite Henri-Raynaud. Malade, il a finalement été transporté dans un Ehpad pour ecclésiastiques. Il m’avait prêté un tas de documents très intéressants sur la ville. »
Feuilleter ce livre, c’est découvrir par exemple que le premier hôpital à Vénissieux date du XIIIe siècle. Que la première école pour filles a ouvert en 1828 et qu’elle prendra le nom de Jeanne-d’Arc un siècle plus tard. Que la première grève a eu lieu en 1906 à l’usine Maréchal. De page en page, on suit l’évolution du village vers la cité industrielle, on apprend les conséquences de la Révolution de 1848, les détails de l’explosion de l’arsenal en 1918 et des bombardements de 1944, on fait connaissance avec les premiers cinémas, les premiers clubs sportifs, etc. Gérard Petit rend également hommage au travail de l’historienne Valérie Perthuis-Portheret sur le camp de Vénissieux et le sauvetage des enfants juifs.
Au secours des démunis
Fidèle à ses options de privilégier les habitants, l’auteur met en avant la famille de pharmaciens Lapras, qui tinrent leur officine avenue Jean-Jaurès de 1925 à 1967. On apprend qu’un de leurs fils, André Lapras, a participé à une expédition sur l’un des plus hauts sommets de l’Himalaya (8515 m) en 1955. Rien ne doit disparaître, pas plus l’accident de car en 1976 que les sœurs de la Petite Agonie.
« Il ne faut pas que ces choses tombent dans les oubliettes. » Et pour montrer qu’il a raison — mais on s’en doute —, Gérard parle du premier bâtiment à bénéficier d’un ascenseur rue Antoine-Billon, de l’élixir Bonjean (« un remède miracle »), de la première maison de repos pour femmes installée en 1850 route de Vienne, d’une chapelle devenue en 1941 salle de boxe pour Aurelio Gomez, sportif et résistant.
« Je donne aussi la chronologie des Minguettes, avec 80 dates marquantes : premier médecin, première pharmacie, premières écoles… J’ai aussi découvert que l’église des Minguettes, à l’époque de la Marche pour l’égalité, était multicarte et ouverte aux autres religions. À la fin de la Marche, un grand couscous y a été organisé. »
Gérard Petit, un passionné de recherches historiques
Le fondateur de Viniciacum aime peu parler de lui, préférant mettre en avant son association et tous ceux qui se dépensent pour elle.
Il a malgré tout livré quelques confidences. « J’ai commencé mes recherches en 1978. D’abord pour mon propre intérêt, parce que j’ai toujours aimé l’histoire et le patrimoine. J’habitais Vénissieux mais ne m’intéressais qu’à Lyon. Et ma propre ville ?, me suis-je demandé. J’ai adhéré à la première société d’histoire fondé par Claude Dilas en 1978 et le premier livre de Maurice Corbel est sorti en 1983. »
L’autre grande date pour lui a été la rencontre avec Odile Masquelier en 1995. Cette spécialiste des roses anciennes lui apprend l’existence des grands rosiéristes vénissians, dont plusieurs sont enterrés dans l’ancien cimetière. « J’ai redécouvert ce site, empli de belles tombes et de noms qui m’étaient inconnus. »
Gérard entreprend des recherches et fait d’intéressantes trouvailles. Il devient correspondant du pré-inventaire et organise la première visite du cimetière en 1996. « C’est là que j’ai rencontré Mireille Rouffanche, Marie Evangelista, d’autres encore qui s’étaient déplacés et sont devenus membre de l’association Viniciacum, créée en 1997. »


Organisé par l’association Viniciacum, le corso fleuri de 1999 attira 7000 personnes
Les actions menées par celle-ci obtiennent beaucoup de succès, tel le corso fleuri de 1999 qui attire 7 000 personnes. L’hommage aux rosiéristes est assuré avec un grand défilé coloré dans les rues de la ville et la création de timbres qui célèbrent Joseph Pernet-Ducher et d’autres rosiéristes vénissians. Citons encore les célébrations des 100 ans de l’école du Centre (en 2011) et des 90 ans de l’école Pasteur (en 2024), avec des livres à la clef.
Le travail de relecture
Ce n’est pas tout d’écrire un livre, il faut encore le lire, le corriger et le rendre pas trop volumineux pour qu’il ne soit pas cher à la fabrication et à l’achat. Ce travail fut effectué par quatre membres de Vinicacum : Clément Barioz, l’actuel président, Marie-Danielle Bruyère, Mireille Rouffanche et Maurice Iacovella.
« Vu l’ampleur du livre, témoigne Mireille, nous avons hésité à éditer plusieurs fascicules ou un gros livre général. »
La seconde solution fut retenue. « Gérard est comme Proust, s’amuse -t-elle, capable d’écrire des phrases de quatre lignes ! C’était bien de corriger en groupe. Il fallait aussi choisir les photos et décider où les mettre. Tous les lundis, nous nous réunissions à Parilly, Clément projetait le texte sur un écran, on le lisait et… on raccourcissait. L’intérêt est qu’il y avait beaucoup de détails inédits sur Vénissieux. Nous avons donc supprimé ce qu’on trouvait ailleurs. »
Une souscription a été ouverte. Grâce à elle, De Viniciacum à Vénissieux coûte 39 euros. Le prix passera ensuite à 45 euros. Le bon est disponible sur le site viniciacum.fr/
Derniers commentaires