Connectez-vous avec nous

Bonjour, que cherchez-vous ?

Portraits

Fétène Mathlouti : La pâte dans la peau

Originaire de Vénissieux où elle réside toujours, Fétène Mathlouthi s’est hissée sur les podiums internationaux de la pizza et du tiramisu. Rencontre.

Fétène Mathlouti

Fétène Mathlouti – Photo Emmanuel FOUDROT

«Un jour, ma mère nous a lancé en riant, à mon père et moi : “Je crois que la farine va nous suivre toute notre vie !” Elle ne s’était pas trompée », s’amuse Fétène Mathlouthi. Dans la petite pizzeria de l’avenue Franklin-Roosevelt, à Bron, le pétrin tourne sans relâche dès que la ville ralentit. Pizza La La, c’est son royaume. Une enclave chaleureuse où la pâte lève en paix, et où le dessert prend parfois des allures de chef-d’œuvre. Car derrière le comptoir, c’est une championne qui façonne chaque jour ses créations.

L’instinct à l’œuvre

Janvier 2025. Sur la scène du championnat du monde de la pizza, à Rimini, Fétène s’impose avec une pizza dessert qui décroche la troisième place. Quelques heures plus tôt, elle s’était hissée à la 8e position dans la prestigieuse catégorie pizza classica. Et cela, sans formation académique, mais avec une intuition précise du goût et un instinct affûté.
C’est le triple champion du monde de pizza, Thierry Graffagnino — excusez du peu — qui l’avait poussée à s’inscrire. « Je n’osais pas me lancer, confie Fétène. J’étais hyper stressée, j’en tremblais ! Puis, finalement, j’ai préparé une pizza avec des dos de cabillaud, des girolles, des pointes d’asperge, des tomates cerises confites et des échalotes. J’y ai retrouvé un peu les couleurs de l’Italie, avec le vert, le blanc et le rouge. Alors je me suis dit : “Allez !”. Et en fait, dans ce type d’événement, on ne sent même pas qu’on est dans une compétition, tellement les gens sont sympathiques avec vous. »
N’était-ce pas aussi le retour d’un parfum d’enfance ? « Toute la famille de mon père est originaire de Sicile, avec des racines tunisiennes, explique Fétène. Dans ma famille, tous les hommes cuisinent. Certains ont monté une pizzeria ou vendu des glaces. Mon père était boulanger, et il m’aide encore à fabriquer les pâtons… » Quand les parents discutent cuisine, ils savent donc de quoi ils parlent et Fétène n’est pas en terre inconnue. « Ce que j’ai aimé en Italie, c’est qu’il n’y avait pas vraiment de règles, poursuit-elle. Vous voyez, moi, je trouve quand même que la pizza, ça reste un truc cool. Et j’ai l’impression qu’en France, c’est devenu un peu trop carré, enfin à mon goût. »
Deux mois plus tard, contre toute attente, c’est le tiramisu qui lui offre un nouveau podium. Lors du championnat de France, elle présente deux versions : l’une fidèle à la tradition italienne, l’autre plus téméraire, construite autour de la framboise, de la pistache et de l’amande. Le jury propulse Fétène à la troisième place. « Comme je fabrique mes desserts ici, je m’étais inscrite en me disant : “Bon, on tente.” Et, du coup, j’ai fait partie des six finalistes, avant d’obtenir la troisième place. C’était une vraie surprise, car le concours était ouvert à de vrais professionnels de la pâtisserie ! »

Ancrée dans sa ville

Aujourd’hui, c’est à Bron, loin des projecteurs, que bat le cœur de son art. Sur sa carte, les tiramisus maison racontent une histoire de gourmandise et d’imagination : Nutella, caramel-spéculoos, citron-palets bretons, pistache-praliné, framboise-praliné… Autant de variations qui disent le plaisir de créer, jour après jour, pour ceux qui poussent la porte de Pizza La La.
Vénissieux et le quartier du Charréard ne sont cependant jamais très loin. « Je suis née à Vénissieux, j’habite à Vénissieux. Et ma dernière — sur quatre — est encore scolarisée à Vénissieux. C’est une belle ville, puisque j’y suis encore ! », assène-t-elle de sa voix puissante et assurée. « Certains vous diront que c’est compliqué de réussir quand on vient d’ici. Mais moi, je ne pense pas. On s’en fiche d’où vous venez, avec qui vous avez vécu. J’ai envie de dire aux gens : “Faites votre vie, cessez de ne voir que les problèmes.” On n’a rien sans rien, c’est tout. Quand on veut réussir, il faut accepter les sacrifices. » Et n’allez pas lui dire qu’elle est un exemple.
« C’est quelqu’un de très innovant, intervient alors Aya, employée de la pizzeria. Elle adore les défis et elle regorge de créativité. C’est aussi une sorte de couteau suisse, capable de passer de la cuisine à la pose du carrelage ! »
Et si l’on se penche sur son parcours — « J’ai exercé 15 000 métiers avant d’arriver ici » — on perçoit une véritable ouverture d’esprit. Après un CAP coiffure, la voilà maquilleuse professionnelle, photographe dans une station de ski, mère au foyer en stage chez un chef pâtissier de renom… entre autres. « J’aime peut-être plus les projets que la pizza, souffle-t-elle. Mais la pizza reste mon plat préféré. J’en mange toute la journée, même le matin. »
De fait, sur Instagram, son compte @pizza_la_la témoigne de cette passion du quotidien : une pâte qui gonfle, un plat qui sort du four, un regard fier. Alors, bien entendu, impossible pour nous de repartir sans avoir goûté à la production maison. Bien entendu, nous avons été… conquis. D’où une dernière question : quel est le secret d’une bonne pizza ? « Pour moi, déjà, c’est la pâte, répond la pizzaiola sans mystère. Et puis, il faut une bonne sauce, maison si possible. Ce n’est pas sorcier. Mais il faut éviter de mettre trop de levure, ça se digère mieux. Quant à ma mozzarella, c’est une vraie, un retour aux origines […] En fait, d’une manière générale, je n’utilise que des produits frais et faits maison. »
À l’automne, Fétène remettra le couvert pour le championnat du monde de tiramisu de Trévise, dans le nord-est de l’Italie. Un nouveau défi, une nouvelle aventure, qu’elle abordera à sa manière : « Je n’y vais pas pour participer. J’y serai pour la gagne. »

Pizza La La, 177, rue Franklin-Roosevelt à Bron.
09 79 64 34 11 ou @pizza_la_la sur Instagram.

Cliquer pour commenter

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimerez également

Histoire / Mag

Comme nous, les Vénissians d’antan payaient des impôts à l’État. Ceux-ci provoquèrent une enquête fiscale sur notre commune il y a plus de 300...

Actus

Brandissant le danger d'une vague à droite, les communistes veulent accélérer l'union des forces de gauche sans attendre septembre.

Actus

La vigilance orange "Canicule" est activée dans le Rhône. À Vénissieux, les lieux pour se rafraîchir se multiplient.

Actus

La start-up Recyc’Elit, basée à Usin Lyon Parilly, poursuit sa phase d’industrialisation. Et envisage de créer sa propre usine de recyclage dès 2028.

Sports

L’engagement de Vénissieux en faveur de l'inclusion ne se dément pas. Illustration avec le championnat Rhône-Alpes de boccia qui s'est tenu au gymnase Elsa-Triolet,...