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Culture

Il suffit d’une seconde pour dire oui

« Insubmersible dans la seconde qui suit », de Claire Rengade, est créé au Théâtre de Vénissieux le 21 mars. Un spectacle qui dit la nécessité de tendre vers l’espoir du OUI.

Comment est né le texte de « Insubmersible dans la seconde qui suit » ?
Claire Rengade :  Je venais d’arriver pour une résidence d’écriture à la Belle de mai avec le théâtre Massalia, qui m’avait fait une commande d’écriture pour les 30 ans du théâtre. Peu après mon arrivée, l’équipe m’a proposé d’aller soutenir un groupe de 80 jeunes migrants. Ils avaient traversé les mers, étaient arrivés à Paris, puis renvoyés à Marseille. Ils s’étaient réfugiés dans l’église du vieux port où la paroisse ne pouvait les garder ! Cette situation indigne m’a immédiatement donné la nécessité d’écrire ce texte dont le point de départ a été « que faire des groupes dont on ne veut pas ». Cette situation sonnait curieusement alors que l ‘équipe du théâtre réfléchissait constamment à faire venir des groupes aux spectacles, groupes désirés cette fois.

Comment faut-il comprendre le titre ?
– Comme la possibilité d’être insubmersible à une seconde de l’état submersible. Parce qu’il suffit d’une seconde pour dire oui, poser le pied sur un quai, ouvrir une porte. Comme si finalement la vie était on/off, tout  dépendrait sur quelle seconde on tombe… Tendons vers l’espoir du OUI. C’est de cette seconde dont parle l’ensemble du spectacle.

Vous avez dit « J’écris en territoire comme un peintre fait des croquis » et « j’interroge l’instantané ». Avez-vous rencontré des migrants avant d’écrire ?
– J’ai longuement parlé avec des personnes en migration (celles qui parlaient une langue commune) dans un festival où nous étions programmés à Paris. Leurs tentes étaient tout autour du théâtre. Ils étaient en attente imminente d’expulsion, et le festival avait lieu. Alors, nous allions et venions de la scène (à l’intérieur) à eux (à l’extérieur), nous étions un peu perdus. Ils nous écoutaient sur « ce qu’on faisait » et nous posaient réellement la question « à quoi ça sert ce que vous faites ». Cette remise à plat de ma place et du sens de mes actes à cette place est quelque chose qui reste très présent. La question n’était pas posée comme souvent, dans le sens de « à part ça qu’est ce que tu fais ? », mais comme une invitation à ne jamais oublier la nécessité de nos actes. Cet échange m’accompagne durablement.

Vous dites aussi que le théâtre est « un dialogue entre l’acteur et le spectateur ». Dans ce texte-ci, qui parle du monde d’aujourd’hui, de la catastrophe climatique et des diverses migrations, il est également un dialogue entre un auteur et son public.
– Le plus petit théâtre, c’est quelqu’un qui parle et un autre qui l’écoute. Je ne comprends le théâtre qu’adressé, et « en vrai ». Le public influe sur l’acteur, c’est cette relation réelle (nos corps au même endroit, le silence entre nous, le lieu dans lequel nous sonnons) qui crée une couleur commune. Nous parlons peut-être toujours les mêmes mots, mais c’est cette relation et le temps que chacun offre à cette relation qui crée des images communes et uniques. Il est extraordinaire et précieux que des personnes acceptent de se taire collectivement ensemble au même endroit, juste dans la curiosité de l’autre ! C’est de la vie en barre ! Car oui, nous le savons, le vivant est en péril, donc le spectacle vivant aussi. Chaque fois que nous nous taisons ensemble pour réinventer nos histoires, nous reprenons des plumes, nous redonnons sens, nous sommes re-mis au monde, tout simplement.

À propos de la pièce Yvonne, princesse de Bourgogne que vous avez montée, Gombrowicz parle « d’anarchie illimitée de la forme ». N’est-ce pas justement le cas dans Et insubmersible ?
– Gombrowicz a été très important pour moi pour comprendre à quel point on peut décaler la réalité pour mieux en rire et, du coup, mieux la réfléchir. Il pose le tout sous nos yeux et pousse l’expérience au jeu de massacre.
Je ne dirai pas « anarchie » en ce qui me concerne. Gombrowicz part de la structure et la vrille, il pousse la fable au grotesque, arrache les fresques des classes. Je fais autrement, en poussant vers l’absurde (et vers le rire aussi). Je pars du commun, je greffe, j’ellipse, je décale légèrement du connu. Cela ne passe pas immédiatement par le cerveau, d’abord par le corps. On tombe dans de « l’étrangement familier » et, là, deux solutions : soit on lutte, soit on  se laisse porter.
Je ne dénonce pas frontalement, j’invite à dé-zoomer du réel pour en percevoir l’absurdité. Et c’est ce recul qui nous permet d’en rire et de le re-penser. Tout le monde peut s’y retrouver.

Vous dites qu’il faut « réinventer la langue pour qu’elle devienne charnelle ». De quelle façon ?
– J’apprends de nombreux locuteurs. Chacun d’entre nous est un locuteur unique. Qu’est-ce qui fait que je vous écoute ? Et quelles sont celles et ceux que j’entends vraiment ? Nous n’allons pas prononcer toute la journée cette langue informatique qui nous cuisine dans tous les métiers ! Réinventer notre langue sans cesse, c’est reconnaître qu’il nous appartient d’en connaître le pouvoir. C’est à nous de parler, pas à un idiome de nous dire. Je chercherai toujours ce qui fait corps (et donc son) dans les mots que nous prononçons.
La parole embrasse, s’adresse à la peau. Et c’est possible en acoustique surtout. Notre parole est un geste, c’est musculaire, et cela concerne tout notre corps et pas seulement les mots que nous prononçons. Nous ne sommes pas faits pour parler tout seuls. Nous progressons dans l’interaction et le mouvement.

Vous avez obtenu avec ce texte le prix Incandescences Maquettes. La pièce sera-t-elle jouée aux Célestins et au TNP ?
– Nous avons été sélectionnés avec dix finalistes au Prix Incandescences. Nous avons donc présenté notre maquette au théâtre des Célestins mais — pour le moment ! — nous n’avons pas de date prévue au TNP. Il n’y avait qu’une seule gagnante, Vanessa Amaral, qui joue d’ailleurs cette semaine au TNP sa pièce lauréate, Ô ventre, éloge de la ceinture, que je vous recommande.

Vous qualifiez Et insubmersible d’ « emparolade pour comédiens d’aquarium ». Au-delà de la boutade, qu’entendez-vous par là ?
– Oui c’est une boutade effectivement! Comme nous sommes trans-genres, on nous demande toujours de nous définir et c’est impossible car le mot n’existe pas. Donc, j’essaye de trouver des mots qui pourraient vous faire image. Nous demandons régulièrement au public de jouer avec nous à cet exercice impossible de nous définir. Les dernières réponses sur ce travail (en cours) a été « parole vibrante et musique parlée » ou « monde lisière, éco-tone »… Après, le spectacle est vraiment pour moi une emparolade pour comédien d’aquarium. N’hésitez pas à laisser naître l’image et à venir vérifier le 21 mars !

Et insubmersible dans la seconde qui suit : au Théâtre de Vénissieux le 21 mars à 20 heures (dès 16 ans).
Tarifs : de 5 à 19 euros.

Également à l’affiche au Théâtre de Vénissieux

Kontact
Présenté par la compagnie Puéril péril au Théâtre de Vénissieux le 14 mars, Kontact est un spectacle de cirque pour tout public (dès 6 ans). Ils sont six acrobates aux chemises à imprimés (Réhane Arabi, Ronan Duée, Xavier Mermod, Patricia Minder, Rachel Salzman et Dorian Lechaux, qui signe également la misse en scène) pour qui la gravité ne semble avoir aucune influence sur l’équilibre. Il faut les voir tourbillonner des bras des uns à ceux des autres, se coucher sur le sol pour supporter leurs cinq acolytes ou virevolter en tous sens. « Un spectacle, expliquent-ils, qui parle juste d’amour, de partage et, surtout, qui cherche à rencontrer un public (…) Il y aura les corps, le contact, se monter dessus, prendre des risques ensemble. Montrer qu’avec juste les humains, on peut aller très loin. Notre ambition est de recréer le lien avec les humains. »
Au Théâtre de Vénissieux le 14 mars à 20 heures (dès 6 ans). Tarifs : de 5 à 19 euros.

Ödland
Pour définir ce nom mystérieux, rien de tel que de définir les passions de ceux qui composent le groupe éponyme : « vents et violons, nuages et pianos ».
Le 21 mars à 19 heures, avant le spectacle Et insubmersible dans la seconde qui suit, Ödland s’installera dans le hall du théâtre pour un concert qui s’inscrit dans le cadre de Jouons aux portes du Sud. Quatre villes (Corbas, Feyzin, Saint-Fons et Vénissieux) s’associent autour d’un projet artistique unique, en collaboration avec Trois-Huit et compagnie et la metteuse en scène Alizée Bingöllü et avec le soutien de la Métropole.
« Ödland, nous explique-t-on, est une terre oubliée, un pays englouti, un paysage onirique, une histoire secrète. La musique acoustique d’Ödland oscille entre chanson française onirique et folk d’Europe halluciné, légèrement colorée de jazz. Les vidéos et photographies forment un monde unique et cohérent, intemporel. »
« Nous sommes nés dans un train fou » et « Il faut que nous rêvions », exhortent les membres du groupe : Alizée Bingöllü (écriture, mise en scène, chant et ukulélé), Léa Bingöllü (violon, thérémine, scie musicale) et Lorenzo Papace (piano, banjoline).
Dans le hall du théâtre, le 21 mars à 19 heures (gratuit).

Réservations : 04 72 90 86 68 – theatre-venissieux.fr

 

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