
Photo Emmanuel FOUDROT
Cela peut être une boîte de gâteaux, une boisson sucrée, du pain de mie, de la viande ou du poisson pané, ou encore des plats préparés. Tous sont des aliments ultratransformés (AUT), et leur liste est très longue. Depuis les années 1970 et le développement de l’industrie agroalimentaire, ces produits se sont multipliés dans les rayons des supermarchés ainsi que dans les foyers. D’après le CNRS Biologie, ils représentent même 80 % des produits disponibles en supermarché.
Faciles et rapides à préparer, peu coûteux, souvent appétissants, ils ont su séduire l’ensemble de la population. Mais leurs ingrédients sont loin d’être naturels : arômes artificiels, additifs, exhausteurs de goût, antioxydants… Un véritable cocktail de produits destinés à transformer la texture, le goût et à rallonger la durée de conservation. Bon nombre de ces aliments présentent une faible qualité nutritionnelle : ils sont aussi riches en sel, en sucres et en graisses saturées, que pauvres en fibres et en vitamines. Résultat : les consommateurs en mangent ou en boivent davantage pour se sentir rassasiés.

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Plusieurs études montrent également leurs effets néfastes sur la santé. Chez les consommateurs réguliers, on observe un risque accru de développer des troubles métaboliques tels que le surpoids, l’obésité, le diabète, ainsi que des affections cardiovasculaires. D’autres recherches alertent sur des risques de cancer, de maladie de Crohn, de déséquilibre hormonal, de symptômes dépressifs. Enfin, une enquête publiée dans la revue Cell Metabolism révèle que ces produits pourraient provoquer des problèmes de fertilité chez les hommes.
Les enfants en première ligne
Le magazine 60 Millions de consommateurs a récemment alerté sur les produits destinés aux enfants. Sur 43 aliments testés, 80 % d’entre eux appartiennent à la catégorie des aliments ultratransformés. Parmi les produits analysés figurent des portions de fromage, des biscuits, des céréales, mais aussi des yaourts aromatisés et des compotes, tous régulièrement adoptés par les familles. Certains sont même proposés pour des « tout-petits », assure Sophie Coisne, rédactrice en chef adjointe du magazine, au micro d’Ici (ex-France Bleu). « Certains produits, comme des steaks végétaux ou des céréales pour bébés, contiennent de nombreux marqueurs d’ultratransformation, ajoute-t-elle. Nous avons vraiment été très surpris de constater à quel point c’était fréquent. » Pour certaines études, ces produits pourraient être l’une des causes de l’augmentation de l’obésité précoce chez les enfants.
Comment repérer un aliment ultratransformé ?
C’est avant tout grâce aux étiquettes que les consommateurs peuvent identifier les aliments ultratransformés. Pour faire simple, plus la liste des ingrédients est longue, plus il faut se méfier. Ensuite, si l’étiquette mentionne des produits que l’on n’utilise pas habituellement en cuisine, cela peut également alerter. Pour les additifs, il est possible de les détecter grâce à leur signalétique : ils commencent par la lettre E . Une classification existe pour repérer facilement les aliments selon leur degré de transformation. Intitulée NOVA, elle les classe de 1 à 4 : 1 correspondant aux aliments non transformés ou peu transformés, et 4 aux produits alimentaires et boissons ultratransformés.
Cette notation n’est pas obligatoire sur les emballages et est donc très rarement affichée. Pour retrouver ces informations, plusieurs outils sont disponibles, comme l’application Yuka, qui indique le Nutri-score ainsi que le degré de transformation, ou encore la base de données libre et collaborative Open food facts, qui fournit la classification NOVA.
Des produits moins chers et plus sucrés
Pour de nombreuses familles, l’achat d’aliments ultratransformés représente souvent une solution de confort. Faciles à préparer, ils constituent un véritable gain de temps et d’argent. Cependant, une enquête menée par Foodwatch a démontré qu’en moyenne, dans douze catégories d’aliments contenant du sucre, les produits les moins chers sont aussi les plus sucrés. À l’inverse, dans les aliments plus onéreux on trouve du sucre en plus faible quantité. Les agents sucrants sont aussi présents dans des produits considérés comme salés, tels que le pain de mie, les cordons-bleus, les conserves, les pizzas ou encore le pesto. Parmi les produits testés par Foodwatch, on retrouve la mayonnaise. Dans les cinq marques les moins chères, il y a en moyenne 417 % de sucre en plus que dans les cinq plus chères. Pour les pizzas surgelées, la différence est de 183 %. Une étude de l’ANSES, publiée en 2023, a également montré que sur 54 000 produits alimentaires transformés, 77 % contiennent du sucre ajouté. Selon Foodwatch, « en utilisant largement le sucre, une matière première peu coûteuse, l’industrie agroalimentaire incite à la consommation, car elle habitue les consommatrices et consommateurs à ce goût sucré ».
RESTAURATION SCOLAIRE
Un levier contre l’insécurité alimentaire
À Vénissieux, le service de restauration scolaire s’efforce d’apprendre aux enfants les bases d’une alimentation équilibrée.

La cuisine centrale privilégie autant que possible les plats faits maison.
Chaque jour, les équipes de la cuisine centrale s’activent pour préparer les 5 681 repas des petits Vénissians et des personnes âgées. Cela représente 762 445 repas par an. Pour assurer la qualité des plats préparés, les 34 salariés sont d’une grande rigueur. Tous les plats sont pesés, filmés, contrôlés en température et conservés dans des conditions sanitaires exemplaires. « Nous préparons les repas à l’avance, puis nous les stockons en chambre froide avant de les livrer chaque jour dans les établissements concernés », explique Antony Antoine, directeur de la cuisine centrale de Vénissieux.
Compte tenu du nombre de plats préparés, tout est réalisé en grande quantité. Lors de notre visite, Stéphane Hugues, l’un des cuisiniers, prépare une “petite quantité” de sauce au curry… près de 150 litres ! Tout le matériel est dimensionné en conséquence : marmites de 320 litres et sauteuses géantes. « On nous donne à l’avance toutes les quantités nécessaires pour cuisiner. On peut ajuster un peu, notamment pour les épices, mais tout est indiqué, explique le chef. Avant, je travaillais dans la restauration traditionnelle : je préparais trois kilos de riz. Ici, c’est plutôt 400 ! » Son collègue Christian Barbe, employé à la cuisine centrale depuis 40 ans, a vu passer de nombreuses évolutions : du matériel plus facile d’utilisation à l’augmentation du végétal en passant par la mise en place de cuisson plus lente. « On cherche toujours à améliorer le goût des plats que l’on propose. On teste régulièrement de nouvelles recettes avec la diététicienne. »
Un cahier des charges strict
C’est Morgane Navarro, diététicienne de l’établissement, qui est en charge de la création des menus, en concertation avec les chefs et avec les retours des écoles. « On analyse ce qui a plu ou non aux élèves et on adapte les menus, explique-t-elle. On essaie de faire un maximum de plats maison, afin de limiter les produits transformés. Mais ce sont souvent ces derniers qui plaisent le plus aux enfants. Alors, on essaie d’en reproduire maison : lasagnes, pizzas, hachis parmentier… Toutes nos sauces sont également faites maison. On veut promouvoir une cuisine authentique, pas simplement de l’assemblage. »
Un cahier des charges strict, inscrit dans la loi, encadre aussi les repas : quantités de viande et de poisson, grammage des plats, fréquence, taux de matières grasses, de sucre et de sel à ne pas dépasser. L’organisation est donc bien ficelée : lundi et mercredi, les menus sont végétariens ; mardi et vendredi, ce sont des plats à base de poisson et le jeudi, c’est de la viande ou une alternative végétarienne. La qualité des produits est également surveillée : au moins 20 % des aliments doivent être issus de l’agriculture biologique, et 30 % provenir de labels de qualité reconnus par l’État et l’Union européenne (Label Rouge, AOP, IGP…). « Nous voulons apprendre aux enfants à découvrir des aliments sains et savoureux, qu’ils n’ont pas toujours l’habitude de manger à la maison. »
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INCITER AU BIEN MANGER
Centres sociaux, établissements scolaires, Ville : tous mobilisés
Dans le territoire, de nombreux acteurs locaux travaillent pour inciter les familles à mieux consommer et à manger sainement.
Dans un article paru en 2017 intitulé Combattre la pauvreté alimentaire : un enjeu de civilisation, Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains et l’extrême pauvreté, notait que les familles précaires sont les premières victimes des produits ultratransformés. « Les ménages les plus pauvres peuvent continuer d’être tentés de se rabattre sur les solutions apparemment les plus abordables, celles qu’offrent les circuits alimentaires industriels, champions des économies d’échelle et de la production de masse, mais dont l’offre en aliments ultratransformés, conserves et plats préparés est généralement trop riche en calories, en graisses, en sucres ajoutés et en sel. »

Le centre social Eugénie-Cotton propose des ateliers animés par une diététicienne.
Rania, habitante de Vénissieux, l’avoue : quand elle fait ses courses, elle regarde avant tout le prix des produits. « J’essaie de faire plaisir à mes enfants, mais je fais surtout attention aux prix. Je me tourne souvent vers les promotions et c’est vrai que ce sont souvent des plats préparés comme des lasagnes, des cordons-bleus ou des frites. J’essaie aussi de cuisiner des légumes, mais c’est plus difficile de leur en faire manger. »
Pour inciter les Vénissians à « mieux manger », de nombreuses actions ont été mises en place par les structures locales. Aux centres sociaux des Minguettes, un atelier intitulé « Cuisiner pour mes enfants » propose aux parents des idées de recettes équilibrées et faites maison. Le centre social Parilly encourage également à l’achat de produits bios et locaux, en lien avec l’association VRAC.
Les établissements scolaires ne sont pas en reste. Au collège Aragon, des élèves ont, par exemple, appris à cuisiner des plats sains. Ils ont aussi été sensibilisés à l’impact de la publicité et aux effets des produits ultratransformés sur leur santé. Enfin, l’Atelier santé ville, un dispositif de la municipalité visant à améliorer l’accès aux soins et la prévention des habitants, propose de nombreux ateliers autour de l’alimentation. Il accompagne également des familles dont les enfants sont en surpoids ou d’obésité, afin de leur enseigner les bons gestes pour cuisiner équilibré.
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